ancêtres

Proposition : décrire un ancêtre réel ou imaginaire.






































On se retrouve pour les grandes vacances ensemble à la campagne ou en banlieue.
Lorsque tu es là on s’occupe du potager, des animaux de la ferme, on va chercher le lait avec toi main dans la main, tu nous emmènes chez la fermière avec le pot de fer.
Un soir en courant derrière les lapins et les poules pour les faire rentrer dans leurs cages avant la nuit tombée, j’ai buté sur un râteau et je me suis pris le manche en plein front. Tu nous as soigné ensuite.
Et puis lorsque tu t’occupes de tes petits-enfants, tu leur montres comment jouer au backgammon puis aux échecs, aux dames, aux dominos… On rit bien tous ensemble et seule petite est mauvaise joueuse.
On monte au cerisier et chacun de nous dix sur une branche on se raconte des histoires et on fait le guet jusqu’en haut de l’arbre sur toute la campagne. Et puis on joue toute la journée à inventer des histoires de corsaires, de pirates et d’îles aux trésors.
Une fois notre grand frère nous a construit une cabane et on s’y cache pour écrire des BD chaque jour avant de les montrer à nos petites sœurs et petit frère.
On passe de bons moments à la Croix de Fer.
Lorsqu’on repart en banlieue, on se retrouve et tu nous montres la presse à plomb, là où tu tires les tracts à imprimer. La casse aux lettres de typo est bien rangée. Tu nous montres comment on s’en sert et on te regarde travailler.
Puis tu nous emmènes à la salle de répétition où tu fais du théâtre et on te regarde jouer le roi Cœur de Lion. On passe de bons moments avec toi et on en passe toujours à se rappeler ce que tu nous as appris de la vie.
Et on marche avec toi main dans la main, on ne te lâchera pas grand-père parce que tu es notre mémoire lucide au présent.

Kati



Venez-vous de très loin
Non je viens du foin
Que mon ancêtre premier
Sapiens sapiens
Avait convolé sans menton
comme Néandertalien
Avait convolé comme Habilis
sans bile hisse
Avait convolé comme Cromagnon
sans oignon
De peur qu’il ne suscite
des pleurs
Ou pour faire le malheur
Comme J.-C. le créateur
Ou d’autres moins connus
comme le farceur
Qui eut son honneur quand il trouva une sphinx.

Jean-Marc



Mon arrière-grand-tante Alice pesait cent kilos. Et elle en était fière. Même dans le milieu bourgeois bordelais qui était le sien, on ne lui en tenait pas rigueur. Néanmoins, elle était restée vieille fille. Elle vivait chez ma grand-mère en Dordogne. Elle ne conduisait pas. D’ailleurs peu de gens conduisaient à cette époque : elle était née au début de Second Empire, elle est morte en 1945. Quand j’étais enfant, ma mère nous en parlait souvent. En plus des trois repas qu’elle prenait avec la famille, elle en prenait trois autres chaque jour seule dans la salle à manger ou dans sa chambre. Un jour qu’elle passait à la gare de Montpon, elle entra dans le local des marchandises et monta sur le peson. Celui-ci indiqua son poids, que tout le monde connaissait : 105 kilos ! Un gamin qui se trouvait là en eut le souffle coupé : Mince alors !

La tante Alice aimait à se rendre à la pâtisserie salon de thé de Saint Martial pour y passer l’après-midi en dégustant ses délices préférés. À 15 heures, les pâtisseries : Opéra, forêt noire, savarin, religieuse au café ... A 17 heures, café viennois, croissant et macaron, remplacé le dimanche par la brioche paroissiale. A 19 heures, elle prenait une tranche de son vacherin personnel que le patron lui confectionnait sur commande et qu’il gardait jour après jour dans son salon de thé. Tout en dégustant, elle lisait et relisait sans relâche le seul ouvrage littéraire trouvant grâce à ses yeux : « A la recherche du temps perdu ».

Ma tante Alice décida de monter à Paris pour voir l’exposition universelle. Elle prit le chemin de fer qui l’amena à Paris, à la gare d’Orsay. Là, elle prit un fiacre qui l’emmena au Champs de Mars. Elle fut littéralement horrifiée par la grande tour dont l’arche servait d’entrée à l’exposition. Jusqu’à la fin de sa vie, elle appela monsieur Eiffel « l’ingénieux » avec un total mépris. En revanche, elle fut séduite par les toilettes des Parisiennes qu’elle trouva exquises. Même à Bordeaux, on ne faisait rien de pareil. Une dame dont la mise l’enchanta particulièrement la renseigna, lui indiquant son tailleur, Maître Raboliot, au 11 de la rue du Général Instin, parce qu’elle était de province. Ma tante décida d’aller visiter ce tailleur après avoir fait le tour de l’exposition universelle.

QuelqueS jours plus tard, un cab déposa Ma tante Alice sur la petite place du Général Instin, au pied de la statue du général, statue de fer faite du fer des canons de la bataille de Sébastopol, devant le bout de la rue du même nom. Ma tante posa le fer de sa canne et entreprit de déplacer sa masse imposante. En effet, à cette époque, la rue était déjà interdite aux véhicules à chevaux. S’appuyant sur sa canne, un face-à-main à la main gauche, elle parcourut la rue. Elle longea les différentes boutiques jusqu’à se trouver devant l’établi « Vaucanson et fils, fabricant d’automates ». En face se trouvait une échoppe à la façade faite d’une verrière à petits carreaux, portant une pancarte de fer forgé sur laquelle était inscrit :

Vincent Maistre-Raboliot
Tailleur pour dame

La tante Alice poussa la porte de l’échoppe et entra.

Benoît



Je me souviens d’une personne qui a beaucoup compté dans mon enfance.
Cette personne m’envoyait de longues lettres écrites à l’encre verte. Elle me les envoyait du Croisic, ville de villégiature où elle se rendait régulièrement.
Je me souviens également de cette invitation au festival de Cannes où nous avons monté les marches du Palais, mon frère et moi.
Elle était très connue sur la Côte d’Azur et a tourné dans un film de Jean-Luc Godard, Pierrot le Fou, où elle incarnait la princesse Aïcha.
Cette personne c’était ma grand-mère la comtesse de Magny.

Marie



La Nonna avait un accoutrement bizarre renommé dans le lustre. Une robe de strass et de paillettes qui donnaient du relief à son vêtement, mélangeait la Tunisie des origines à ce qui était essentiel.
Nonna portait Fouta y Blousa qui rassemblaient une espèce de haut ceint de paillettes en organdis brillants donnant un illustre panache.
Pour le bas, elle portait un pantalon ample à la mode arabe ouvrant le bal de l’échancrure dont la terminaison resserrait ce saroual d’antan pour une auréole d’antiquité.
Et le vêtement arborait des vêtures matrimordiales.

Lorsque David voulut prendre femme, c’est à elle que dévolut la sélection de la mariée.
La future épousée, alors jeune, ne parut guère pertinente en se présentant à la Nonna Daïa.
Lorsque la future femme de David se pointa, c’est avec un rejet qu’elle fut accueillie parce que Nonna parlait un judéo-arabe qui déchirait les moindres petites phrases en français.
En sentant que David lui volait ses priorités, elle discriminait le choix de ce fils jusqu’à le bannir de son affection. Nonna, dans un esprit infidèle à l’abnégation et chargé de rancœur, ne put cependant infléchir la détermination du mariage pour celle qui deviendra légitimement sa futur belle-fille.
Cela ne pouvait l’arranger mais elle dut s’y conformer.

C’est ainsi que, dans la chambre des épousailles, une fois le lien scellé, trônait la photo de sa présence puissante et obsédante.
Elle rassemblait la viscosité, le passéisme, l’horrible mégère qui semblait ne pas vouloir partager son fils avec une femme.
Mais en apparence seulement, s’il est vrai que cette exotique ramassait le privilège d’être aux origines la mère de chacun.

La Nonna Daïa approchait le centenaire et privilégiait l’ancien.

Germaine

2 juin 2015
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