Montée des eaux (1)

Chapitre 6 : dans lequel on veut donner la parole aux choses muettes




Depuis plusieurs semaines, maintenant, je me livre àla consultation d’archives choisies parmi un trésor ali-babesque, selon des critères particuliers. Comme nous l’avons évoqué au chapitre 4 de ces aventures, un certain nombre des images télévisées (ou celles des Actualités Françaises) nous sont parvenues sous une forme muette : àles revoir, le chercheur éprouve d’abord une certaine sérénité, naturelle en présence du silence, suivie bientôt de la curiosité, puis d’un (comment dire ?) irrépressible désir d’en finir avec ce mutisme pourtant plénier – et de redonner la parole àces personnages qui, àcinquante ans de distance, remuent leurs lèvres, parfois dans notre direction, ànotre intention.


Pas seulement àeux : mais àces silhouettes, ces piétons, ces autos, ces grimpeurs de mâts de Cocagne, ces tourneuses de crêpes, ces élues Miss Auvergne, ces combattants décorés, ces garçons de café, ces amuseurs de ginguette de la Marne, ces fidèles de Petit Vin Blanc, ces sportifs entièrement blancs, ces forts des Halles, ces éleveurs, ces usagers du métro, ces sinistrés de la tempête, ces lecteurs de bibliobus, ces vénérables membres de l’Unicef, ces académiciens, ces cultivateurs d’endives véritables, et ces athlètes.

Concours du bel athlète, 1956


Ces images, donc, n’auront jamais rien de tonitruant : celles que nous avons triées ne proposent comme bande sonore que le souffle des petites enceintes. Mais il y a autre chose : la plupart des séquences choisies obéissent àune contrainte thématique, celle de l’eau, plus précisément de l’inondation : peut-être par goà»t morbide pour des formes douce d’apocalypse (l’apocalypse par le Déluge), peut-être par amour pour Noé ou le capitaine Achab (ou Némo). Peut-être parce que l’installation d’un bon nombre de services de l’INA àBry-sur-Marne, àproximité des boucles de la rivière, évoque des souvenirs de crues, àquoi nous avons voulu rendre hommage.



(À suivre…)

18 mars 2011
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