Jean-Charles Massera | COLLECTIF BOOK (Une restitution)

Soit un travail hebdomadaire chaque lundi soir avec un groupe de 38 amateurs et amatrices - accompagné par les comédien(ne)s Estelle Lesage et Frédéric Fachéna.

14 propositions d’écriture menées en solitaire, en duo ou en groupes ont émergé. Des propositions que j’ai encouragées, accompagnées, poussées du mieux que j’ai pu grâce à la précieuse aide de mes partenaires de répétition le lundi soir, Estelle et Frédéric.

Proposition était faite de s’engager dans des processus d’écriture qui trouveraient leur forme (finale) dans le cours même du travail. Que raconter ? Comment ? Avec quels éléments, matériaux, idées, registres de langue, quelles références ? Est-il nécessaire de « raconter » quelque chose ? Quel peut, doit, pourrait être le sens du travail engagé ? Quel dispositif ? Quel type d’agencement ? Quels outils choisir (détournements, emprunts, montage, collage, mixage, choix de champs lexicaux spécifiques, remakes, travail d’invention, etc.) ? Ne pas se dire dès le départ qu’on allait écrire des scènes ou une pièce de théâtre, une fiction radiophonique ou un court métrage (puisque cela faisait également partie des possibles), mais laisser faire le temps et la justesse (la forme, le format les plus justes). De fait, il s’agissait de penser l’ensemble de la forme de l’écriture à sa mise en scène, en jeu, en image ou en ondes (de son point de départ à son point d’arrivée). Partir de la seule envie ou possibilité d’écrire (celles et ceux qui ne désireraient pas écrire avaient la possibilité de « jouer » soit ce que les autres proposaient soit des textes d’auteurs et d’autrices contemporain(e)s non écrits pour le théâtre que j’avais proposé …“ cette dernière possibilité n’ayant finalement jamais intéressé personne). Nous n’avons finalement retenu « que » les 14 propositions d’écriture émanant du groupe !

L’introduction à l’atelier a donc consisté dans un premier temps à poser la question de ce que pouvait être un travail d’écriture aujourd’hui et en quoi de nombreuses propositions littéraires majeures de l’histoire littéraire récente s’étaient émancipées (et pourquoi) des genres, des formes et des conditions d’énonciation qui avaient été les leurs jusqu’à l’émergence des avant-gardes historiques. Et en quoi …“ en tout cas dans le champ d’investigation qui est le mien …“ chaque objet (de représentation, de questionnement), chaque visée, etc. nécessitait une forme spécifique, un processus, une écriture, qui étaient exclusivement justifiés par les rapports de nécessité qu’ils entretenaient avec ce même objet, cette même visée (qu’il n’y avait pas de forme, de genre, de format a priori).

Ce positionnement a bien évidemment suscité quelques débats, voire certaines réticences (vite atténuées par la curiosité ou tout simplement par la possibilité de travailler avec (et toutes) les envies, toutes les formes, tous les genres possibles. Les désirs de chacun(e) restant primordiaux et fondamentaux pour la conduite de l’atelier afin que tout le monde trouve sa place et une belle place). Mais dans le même temps ces débats des premières séances ont permis de réveiller de nombreux désirs et surtout d’offrir une très grande liberté. Et finalement, nombreux et nombreuses sont ceux et celles qui ont pris cette liberté (avec un véritable plaisir et une belle énergie). Soudainement, de nombreux possibles s’ouvraient. Le collage, le détournement, le prélèvement de matériaux préexistant dans des registres aussi divers que les plaquettes d’entreprise, la publicité, des conversations de café, des textes de lois etc. pouvaient aussi bien entrer dans la composition d’une écriture que quelques situations ou compositions de phrases sorties de la (mythique ?) imagination pure ; qu’il y avait tout autant invention et qu’il y avait tout autant écriture à cet endroit-là de travail.

Ensuite s’est posée la question de l’écriture solitaire ou collective …“ la possibilité d’écrire à deux voire à beaucoup plus. (La plupart des propositions ont été le fruit d’un travail solitaire, quelques-unes celui de duos, une s’est écrite à cinq ou six voix).

À partir de là, ont commencé chaque lundi soir de nombreux passages de groupe en groupe avant de commencer à essayer les embryons de texte au plateau et en semaine plusieurs allers et retours par mail entre les textes en construction et mes remarques, mes propositions et suggestions… et surtout, mes encouragements :)

Au plateau, le travail d’écriture continuait… : entendre ce qui sonnait juste, plus ou moins juste, pas juste du tout… mesurer ce qui séparait l’écrit sur le papier et l’oralité ; faire des choix dans les registres et niveaux de langue, etc. Comment se construisait un rythme ? Comment celui-ci s’articulait avec la respiration ? etc. L’oralité d’une pièce radiophonique est-elle la même que celle que l’on entend sur scène ? Telle écriture tend-elle vers la performance ou le théâtre, ou le solo, le one man ou woman show ?… Quelle manière de parler, quelle attitude, quel type de corps, de voix, telle ou telle écriture mobilisait ? Quel registre de langue, quels rythmes d’énonciation, quelles énergies devaient mobiliser une écriture essentiellement scénarisée parce que tournée vers l’improvisation ? Soit un ensemble de questions qui ont participé à la construction progressive de chacune des propositions.

Jean-Charles Massera


Extraits de quelques propositions avec l’aimable autorisation de leurs auteurs et autrices


Comme si voilà quoi (extrait)

Par Nicolas Bihorel (Avec Nicolas Bihorel, Valérie Bouget, Matthieu Paugam, Didier Pimps)

LUI en voix off (en train d’écrire, ou de penser à une table ou n’importe où) il attend la pluie, un évènement, il attend depuis longtemps en position avachie le train peut être, il pense à ses infiniments présents.

Infiniment, en ce moment j’suis dans les « infiniment ».
Infiniment le hasard est beau comme il se doit.
Infiniment bien, infiniment beau, merci, reconnaissant, infiniment doux et bon à la fois.
Infiniment, ma main dans ta gueule pour tout ce que tu me dois, si je présume que tu me dois au moins ma haine envers toi.
Infiniment haineux, plus encore encore, infiniment n’importe quoi que je ne comprends pas.
Infiniment merci, non ce n’est pas pour toi. Infiniment tais toi c’est mieux… pauvre…conne
Infiniment pauvre… je refuse ce statut-là.

Ils se connaissent, s’apprécient ils sont du même bois.
Elle arrive dans la joie.

Elle -AYA ! ça veut dire bonjour en écossais je crois (elle me fait la bise, je lui tends ma joue sans répondre) il s’est passé quoi aujourd’hui.

LUI …“ Il a fait beau futilité, me suis levé futilité, pis, j’ai pensé à, courir j’suis allé, pis mangé, repos pris l’air pis pensé encore pis, pis…

ELLE …“ Pis pis caca quoi.

LUI …“ Pis pis caca Quoi.

Ils rigolent tous les deux

ELLE …“ Alors ! n’en mais sinon, tu voulais dire… avant de rire.

LUI …“ « tu voulais dire » c’est mieux.

ELLE …“ Pourquoi ?

LUI …“ Non pas pourquoi, je préfère un « tiens » ou des « ha ouais » étonnants si ça ne te dérange pas, idem pour « tu voulais dire » à la place d’un « non mais sinon » souhaitant revenir à une conclusion.

ELLE …“ Même allongé

LUI …“ Même allongé. Même allongé un ouais ou un tient dans ta bouche te va mieux qu’un pourquoi. Sans explication les « pourquoi » de cette façon-là ne te ressemble pas Un pourquoi bien droit c’est quasi un voilà quoi, c’est…, c’est idem qu’un « ba j’sais pas » c’est de la même famille qu’un « bon ba voilà quoi » c’est pire ou pareil peut être qu’un « comme si » qu’un « comme ça ». Comme si … ou pire comme si « ba je sais pasquoi » … ou pire encore encore, comme une… comme…comme… un ! …

ELLE - Comme un Muet qui ferait tourner en boucle son vocabulaire et qui n’en finirait pas de parler !!!??? et qui et qui et qui et qui …et qui….dans une tirade sans fin meurt d’une extinction de voie sans avoir prononcé son « Voilà quoi ».

LUI …“ OUI exactement. Comme si on avait besoin de dessin, d’image dans la tête et que je n’ai pas envie de te parler, que c’est fatiguant de s’expliquer de se faire comprendre, d’écouter le message soit disant subliminal de l’autre épuisé par l’insistance.
Comme si un silence pouvait congeler des secondes et qu’un innocent désigné par cette gêne se sentirait obligé de dire son « ALORS » préféré mainte fois répété en épée tranchante… et dans ce même silence, un autre, mains sur les oreilles se voit partir en guerre, dans sa tête un HULK aux yeux bridés part sur son cheval blanc se voit tout niquer. Il, il… mais au lieu de tout exploser il sort un, un « je ne suis pas d’accord » distingué.

ELLE …“ Et

LUI …“ Et ? ET ba rien c’est tout. Fin l’histoire.

ELLE …“ Fin de l’histoire et les gens vont comprendre

LUI - Le silence dans un calme figé est une force insoupçonnable.

ELLE …“ Le silence dans un calme figé est une force insoupçonnable. Que cela soit écrit sur le marbre blanc.

LUI …“ Que cela soit écrit sur le marbre blanc. Et toi, ton arme de destructions massives.

ELLE …“ Jadis, « pathétique » était mon arme de conclusion massive, je l’employai à tous les temps en mode irréfutable. Genre ça ne m’intéresse plus dégage. C’était l’époque de mes HUN um hum incessant en mode heu « économisateur d’énergie renouvelable ».
Sauf que…

LUI …“ Sauf que

ELLE …“ Sauf qu’un mal en rut d’un corps pour se branler s’était approché de moi en pensant que dans la jungle humaine le langage du slip s’exprimait ainsi. Hun unHUm

[…]


PUBS LIEZ MOI…

par Marif Naudin (Avec Emmanuelle Letailleur, Karima Kellil, Marif Naudin, Nicolas Bihorel, Didier Pimps)

Cerise - Le soleil vient de se lever, encore une belle journée. Et il va bientôt arriver, l’ami Ricorée.

Cerise voit les garçons arriver..

Cerise - Vite du Galak, on va les éblouir.

Patrick - Bonjour Cerise.

Cerise - Ça va Patrick ?

Patrick - Ça va fort. Lui c’est Stéphan, il porte le slip français.

Cerise …“ Soudain un inconnu vous offre des fleurs.

Stéphan (à Karima) - Cet été, succombez au coup de foudre Citroen.

Patrick ( montrant Cerise) - Cette jeune fille ne connait pas encore le pouvoir de Crunch nouvelle génération.

Cerise - Avant j’étais moche, ma vie était un enfer.

Patrick - Saxo et la vie vous sourit.

Stéphan …“ Obao, soyez douce pour votre corps .. C’est doux, c’est neuf ?

Patrick, (parlant de Stéphan) …“ Il ne colle jamais.

Cerise …“ T’es trop mignon ! Les hommes me trouvent terriblement sexy les chéris. Merci à toi Jex four.

Patrick - Merci Free

Stéphan - Merci qui ?

Cerise - Merci Quies

Patrick - Merci Johnson

Stéphan - Merci Cerise

Patrick en aparté …“ C’est quoi cette bouteille de lait ?

Cerise …“ What else ?

Stéphan - On se fait un petit Caprice ?

Cerise …“ Ici, tous les deux ? Oh, bah d’accord ..

Stéphan - On en a une énorme envie.

Cerise - Pour rugir de plaisir ?

Stéphan - Meule d’or, si je t’attrape je te mords..

Patrick - Ne passez pas à côté des choses simples….

Patrick en aparté …“ C’est quoi cette bouteille de lait ?

Cerise - What else ?

Stéphan …“ Love sex, durex..

—) Patrick donne un préservatif à Stéphan.

Patrick ( aux deux autres) …“ A vous d’inventer la vie qui va avec..

Cerise - En route pour l’aventure.

Patrick ( à Cerise) - Tu t’en vas te promener Belle des champs ?

Cerise et Stéphan…“ On va fluncher !

Patrick - Un hôtel, Trivago.

Patrick au public - C’est quoi cette bouteille de lait ?

— ) Stéphan et Cerise s’en vont. Puis Cerise revient.

Cerise - Je suis fraiche et ça se voit..

— ) Michoko est déjà entrée.

Michoko (très en colère) …“ Bonjour, je m’appelle Michoko, je suis sa créature.

Cerise - Si toi aussi tu veux savoir si t’es cocue, envoie cocu au 7.32.02.

Michoko (menaçante) à Cerise …“ Si toi aussi tu veux connaitre ton avenir, envoie avenir au 7.22.22.

Patrick à Michoko …“ Si toi aussi tu veux savoir qui t’aime en secret, envoie « qui » au 7.32.02.

Patrick à Michoko - C’est l’jeu ma pauv’ Lucette..

Michoko à Patrick - Ce n’est pas la peine d’en rajouter. (montrant son front) Y a pas écrit bécasse.

Cerise à Michoko …“ Le tigre est en toi ..

Stéphan à Patrick - Tu pousses le bouchon un peu trop loin Maurice.

— ) Michoko se rapproche de stéphan qui la repousse…

Stéphan à Michoko - T’as pas d’amis, prends un Curly.

Patrick (essayant de détendre Michoko) …“ Prends la vie côté Coca Cola ! Quand y en a marre, y -a Malabar..

Cerise …“ Ouais, un Mars et ça repart…

Karima - La crise de la cinquantaine disait voiture de sport ; les enfants disaient monospace. Moi je dis : pas mon style. Le patron disait « Coupé », le chien disait SUV. Il disait ceci, elle disait cela. Je dis : prenons les deux.

Cerise …“ C’est le début du bonheur.

Patrick …“ Elle est pas belle la vie ?!!!


DINGUERIE Rimbaud bandit manchot (Extraits)

Par Matthieu Paugam (Avec Mariame Samba, Najib El Arouni, Pablo Bernard, Emmanuelle Letailleur, Rihad Bakalem, Elodie Dejonghe, Matthieu Paugam)

Matthieu : (lit l’article de journal)

« Un jeune homme originaire de Charleville …“ Mézières a été victime d’une tentative d’homicide, il en est ressorti blessé à la main ; son amant éconduit n …˜avait pas supporté la rupture. Le jeune homme avait rejoint son ami à Bruxelles qui menaçait de se suicider.

Il a reçu 2 tirs de revolver en guise de remerciement. »

« RIMBAUD BANDIT MANCHO »

Matthieu : Il devait être bourré pour viser la main !

Mariam : Faut être con pour faire ça

Najib : Ou amoureux, amoureux fou ou fou amoureux

Mariam : Si tu définis ça comme de l’amour

Matthieu : Les deux et en plus, il n’est ni capable d’aimer, ni capable de tuer.

Un looser magnifique

Pablo : Je te fais un petit sandwich au gouda ou j’en sais rien, tu vois

Najib : Même si c’est l’amour vache, ils se doivent rien …

Pablo : Sinon j’ai pâtes, thon, poireaux

Matthieu : Pâtes, thon, poireaux ! C’est un plat de blanc d’Emmaüs ça !

Mariam : Va me chercher un cash au lieu de dire des conneries (TEMPS)

Mariam : Est ce qu’on peut vraiment tuer par amour ?

Matthieu : C’est de la flagellation 2.0 ça !

Najib : Complexe la position du rappeur

Pablo : De quel rappeur tu parles ?

Matthieu : Un rappeur, mais de quoi vous parlez ? Du fait divers ?

Mariam : Je crois plutôt que c’était des poètes ces gars

[...]

Mariam : J’ai vu Rimbaud au Week-End

Matthieu : T’as vu Rimbaud au Week-End ?!

[...]

Mariam : Ohé, après j’ai tracé enfin y’avait feu rouge, quoi

Matthieu : Il est mort Rimbaud

Emmanuelle : Allez, Joli Cœur ! (en regardant le tiercé à la télé)

Mariam : Tu m’as dit qu’on lui avait tiré dans le bras

Matthieu : C’était en 1873

Mariam : Ah, je me suis pas accordé ce temps- là

Matthieu : Pourtant c’est un minimum construit jusque-là non… ?

Najib : J …˜ai une vidéo sur Rimbaud et Verlaine si tu veux ?

Emmanuelle : Nique ta race de cheval, faut être con pour parier !

Déposition de Verlaine (Didier)

Suivi de la déposition de Rimbaud (Matthieu)

Suivi de la déposition de la mère de Verlaine (ELISE)

Matthieu : Quand on a l’ambition de changer les choses, on est dos au mur des lamentations. Et se lamenter n’a jamais aidé personne. « Oh rage, oh désespoir, oh vieillesse ennemie, n’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie. »

Didier : Ta gueule ! on veut que tu sois fort parce que cette matrice ne supporte pas les remises en question. Et de toute façon Rimbaud et Verlaine n’auraient jamais dit de conneries pareilles !

Matthieu : Les poètes des siècles précédents c’est nous, ils n’étaient rien de leur vivant et sont devenus quelqu’un après leur mort. Comme d habitude c’est l’élite qui s’est emparée plutôt octroyée la culture, comme la religion pour que nous peuple, restions asservi. Pour mieux nous diriger et garder le monopole de la grandeur, de l’élégance, des expressions les plus nobles. Pour mieux nous complexer. Et nous faire sentir notre classe inférieure. Et peut-être que le jour où nous mourrons, alors là nous seront considérés à notre juste valeur comme les poètes. Pour faire de la contreculture ; il faut avoir était gavé de culture.

[...]


Instant de lucidité

Par Emmanuelle Letailleur (Avec Élodie Dejonghe, Françoise Dubois, Karima Kellil, Aurore Toutyrais, Emmanuelle Letailleur)

Voix off avec bruitage mer et vidéo plage : « Cela fait plus d’une heure que je suis assise, fixant l’horizon, la ligne imaginaire plus ou moins en mouvement au grès du souffle du vent. Cette frontière mouvante et immense, imaginée par l’homme pour séparer, fracturer. J’entends à l’intérieur de moi la certitude fatiguée d’un meilleur des gens entassés. J’imagine la houle au loin berçant nerveusement la chaloupe. Je ferme les yeux pour tenter de chasser l’image qui s’impose à moi avec violence. J’ouvre à nouveau pour y éclairer tel un phare l’espoir. Je glisse mes doigts à travers les petits grains de cette terre austère à l’autre. C’est à la fois doux et rugueux. Je fixe à nouveau l’immense , la nuit est tombée. Les derniers vacanciers se sont levés de sous le parasol. Ils repartent en file indienne inconscients du grand voyage entrepris par leurs semblables pour simplement pouvoir respirer un peu de leur insouciance. J’attends maintenant seule dans ce silence pesant , rompu parfois par l’écume venue s’échouer sur la plage. J’attends sans trop y croire la chaloupe partit hier soir. Voilà c’est ici que je me suis réveillée, enfin. »

Une gare maritime …“ les voyageurs et les autres sont en attente, en transit.

Karima et Aurore sont assises sur le banc (sacs à dos, livres, thermos). Françoise s’approche et s’assoit près de Karima ; observe la foule (le public)

Haut parleur  : « Suite au mouvement de grève de l’empathie, les voyageurs sont priés de se faire connaître auprès des agents compréhensibles encore disponibles »

Karima : « J’regarde les gens, ils se dépêchent mais je ne sais pas pour aller où...r ire. trop drôle »

Françoise fixe la foule l’air pensif.

Flash info (vidéo) Elodie en « reporter » : « Bonsoir, la situation reste toujours aussi tendue dans le pays. Les différents mouvements contestataires font fuir en masse les personnes encore non affectées. Un contrôle drastique aux frontières est mis en place par le pouvoir pour éviter toute contagion dans le nouveau monde ce qui augmente la violence… Nous ne pouvons pas aller plus loin dans l’analyse de la situation actuelle puisque notre régie se trouve en zone instable et nous n’avons pas pu vérifier la véracité des éléments communiqués par notre envoyé spécial ! »

Karima : « Et bien on est mal barré , tu es d’où toi ? »

Françoise ne répond pas et ne détourne pas son regard de la foule

Karima : « Je te cause, tu viens d’où ? Bien tu n’es pas bavarde toi , tu t’es perdue ? »

puis haussant légèrement le ton en portant le regard vers le public : « Mais pourquoi ils

s’excitent tous ! Il n’y a pas de départ prévu »

Aurore se penche et s’adresse à Françoise : « c’est bien toi ?... Réponds c’est toi ? »

Karima intervient : « Laisse la tu vois bien que ce n’est pas elle ! »

Aurore : « Tu la connais ? Elle t’appartient ? »

Karima « Non elle s’est assise ici, car je suppose qu’elle n’a pas trouvé de place

ailleurs. Je te défie de lui décrocher un mot , elle doit être.... »

Aurore : « En fait je pensais que c’était .. mais maintenant je me dis qu’elle doit être

définitivement égarée »

Karima : « Il fallait se douter que les choses allaient se dérouler de la sorte . Avec cette grève qui a débuté il faut vraiment que l’on tienne bon et que l’on prenne soin de nos émotions . »

Aurore : « Oui, j’ai entendu dire que certaines personnes errent dans les rues de la capitale totalement désorientées. Qu’elles n’arrivent plus à communiquer, un véritable chaos »

Françoise en clignant des yeux : « je suis où là ? »

Karima et Aurore regardent Françoise.

Aurore « Ne t’inquiète pas tu es avec nous, no stress, no panic, no tout ...

Karima : On est là »

Françoise leur tourne alors le dos

Karima : « Alors ça , elle était juste endormie ! tu t’en doutais toi c’est pour ça que tu t’es penchée pour vérifier. Et moi qui galère à essayer de lui parler, de communiquer avec elle. »

Aurore sourit : « oui j’avais bien vu dans son regard , j’ai même imaginé que cela pouvait être la mienne, mais bon ce n’est pas le cas et de toute façon pour l’instant je ne peux pas partir »

Françoise du voix monocorde : « oui nous sommes encore là, faut attendre le bon moment, le signal, établir le bon quota de responsabilités, d’opportunités, de... »

Le haut parleur : « Suite au mouvement de grève qui se poursuit sans date de fin, les voyageurs munis uniquement d’un billet commençant par le chiffre 4 sont priés de se rapprocher des guichets pour pouvoir être exfiltrés par voie maritime »

Karima et Aurore regardent leur billet pour vérifier la présence du chiffre attendu.

Aurore : « perdu c’est un 2 pour moi ! »

Karima, euphorique : « J’y crois pas c’est bon , j’ai un 4 ! » puis désespérée « mais je ne peux pas je ne l’ai plus, elle s’est égarée » [Se tournant vers Françoise] « Moi aussi je me disais que j’aurais pu la retrouver ici. J’ai entendu dire qu’elles se glissaient dans la foule, ni vue ,ni connue pour faire un collectif, mais parfois elles s’y perdent et disparaissent » Aurore désignant Françoise « Tu n’as qu’à prendre celle-ci ! elle semble un peu cassée mais peut faire illusion »

Karima : « mais ce n’est pas la mienne, je ne peux pas et en plus elle ne fonctionne plus trop »

Aurore riant : « Tu es certaine de l’avoir perdue ? En même temps, l’idée s’est d’y aller avec, après on peut s’en séparer, j’en ai connu qui y sont allés comme cela, par simple ambition personnelle et un bon jeu d’acteur »

Karima : sur un ton malin « ouais tu as raison en plus avec le mouvement de grève, ils n’auront pas le temps de trop questionner et de vérifier »

Aurore : « D’ailleurs tu devrais filer avant que le mouvement ne prenne trop d’ampleur s’ils décidaient de changer d’avis sur le numéro »

Karima sur un ton j’ai un scoop à dire : « C’est vrai il paraît que dans le nouveau monde les sauts d’opinion sont assez fréquents, les courants de pensée peuvent être dépendants de chacune des arrivées de masse »

Karima s’adressant alors à Françoise : « Tu es vraiment trop géniale, tu as l’esprit si clair et vif ... » Françoise commence à sourire et Karima continue : « je pense que je ne pourrais pas poursuivre sans toi qui voit si loin dans l’intérêt de tous, YOU CAN DO IT ! »

Karima se lève du banc avec Françoise puis s’arrête et écoute la nouvelle annonce

Le haut parleur : « Pour rappel, seuls les voyageurs munis d’un billet portant le chiffre 4 accompagnés de leur conscience peuvent se rendre au guichet pour bénéficier de l’exfiltration, une réponse sera apportée dans un second temps pour les autres ».

Karima et Françoise s’éclipsent... Aurore reste sur le banc et fait des bulles…


S I L E N…. C E !! (Extraits)

Par Monique Bourgeois (Avec Solenn Mirnik, Pablo Bernard, Monique Bourgeois et tout(e)s)

[Accessoires sur le plateau : 1 Tel, 1 lit + couette, 2 tables + 2 chaises, 1 séchoir électrique, 1 jouet couineur.]

SOLENN dort dans son lit en pyjama. Soudain son réveil retentit. Elle sursaute, on entend le flash infos de 7h00, elle reste au lit, parle à sa chatte Mounette, qui est cachée, elle écoute les infos

PABLO - DEBUT- Jingle : France Inter, enregistrement début Infos : « France Inter 7 heures… Nous sommes le 21 janvier, bienvenue sur France-Inter »

SOLENN baille et s’étire, elle joue avec la chatte Mounette qui s’est cachée.

MOMO (voix de Solenn) : Oh ! non, pas déjà …J’resterais bien encore un peu, j’ai pas assez dormi. Bonjour ma MOUNETTE, tu te caches où ? viens faire un gros câlin, mais s’il te plait, arrête de miauler, commence pas à m’agresser les oreilles, oui, je vais te donner tes croquettes mais laisse-moi 5’ pour me réveiller. Laisse-moi écouter les infos. (Murmuré au micro, comme dans la tête de Solenn) Qu’est-ce qui vont encore nous annoncer ce matin ? Des mauvaises nouvelles ? Des catastrophes dans tous les coins de la planète ? Le jour où y commenceront le journal par des bonnes nouvelles, c’est pas demain la veille. J’sais pas moi, mais ça f’rait plaisir si un matin ils commençaient par des trucs du genre.

PABLO (voix de la radio) : A partir du mois prochain augmentation des salaires de 50%, transports en commun gratuits, augmentation des retraites.

MOMO : Ça au moins ça f’rait plaisir à tout le monde.

MOMO chante : Si tous les gars du monde voulaient bien se donner la main ! Oui je sais, je rêve !

PABLO lance la suite des infos de France Inter : « A la une de l’actualité, le Grand Débat.fr… Plusieurs milliers de femmes étaient dans les rues hier… débats aujourd’hui… Des milliers de femmes… »

MOMO : Tous les jours c’est l’même discours : débats politiques, débats politiques encore et toujours débats politiques. Vous n’avez pas le monopole du cœur, Monsieur le Président (claquement de bouche), Je vous demande de vous arrêter. Avec l’Autre là, les djeunes c’étaient tous des Kaïra à nettoyer au Kärscher. (La chatte miaule. Elle est toujours cachée). Dégage MOUNETTE, est-ce que j’miaule moi ? Non alors basta Aujourd’hui l’Autre, il nous enfume par tous les bouts, il paraît qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot. Moi j’en ai un d’ boulot pour le moment, mais pour combien de temps ? Si j’en n’ai plus et si je dois traverser la rue, ben, j’suis mal parce que moi c’est l’ cimetière sur l’trottoir d’en face ! (la chatte miaule). Toujours cachée. Oh MOUNETTE ça suffit !! C’est quoi tes revendications à toi, pluusss de croquettes ? Pluusss de câlins ?

[...]

SOLENN et MOMO à tue-tête : CRS, SS ! Il est interdit d’interdire ! Sous les pavés, la plage ! Faites l’amour, pas la guerre !

MOMO : Ils n’avaient pas attendu les gilets jaunes, eux. On a vu ce qui s’est passé c’t hiver, on avait tous attrapé la jaunisse …

[...]

SOLENN glisse sur un des jouets « couineurs » de sa chatte. Elle va ouvrir la fenêtre pour aérer, face au public, et là… Elle est littéralement agressée par un flot de bruits. (Les cloches de l’église toute proche , un bus klaxonne, une ambulance passe, un marteau piqueur, un camion Poubelles, des enfants bruyants, une voiture de pompiers, un chien aboie, les cloches de l’église). Elle referme la fenêtre rapidement à cause de la pollution, revient sur le plateau en se bouchant les oreilles : ET EN PLUS ÇA PUE !!

[...]

SOLENN commence à se sécher les cheveux et d’un seul coup, elle reçoit une décharge électrique dans tout le corps. Le sèche cheveux a tout fait disjoncter : Aïe !! Aïe !! Et revient sur le plateau toute ébouriffée, et bien sonnée.

MOMO : Il ne manquait plus que ça ! Comment je vais faire pour finir mon brushing ? j’en ai marre ! j’en ai marre !. Si je me pointe comme ça au bureau, Je vois déjà leurs têtes de faux-culs : Qu’est-ce que t’as fait cette nuit ? T’as couché où ?

[...]

PABLO : (Une musique inquiétante démarre,puis d’une voix sourde et robotisée) : Mais qu’est-ce qui s’passe ? Où suis-je ? C’est un cauchemar ou un beau rêve ? J’suis déjà au paradis ? j’suis comme dans du coton, ou dans d’ la ouate,

MOMO chante : De toutes les matières c’est la ouate que j’préfère.

PABLO : J’ai l’impression d’être sur un petit nuage, mais plutôt genre cumulo-nimbus en moins romantique. J’en crois pas mes yeux ni mes oreilles. Je m’envole.

MOMO chante : I believe I can fly ! I believe I can touch the sky !

[...]

Des fantômes arrivent sur scène en silence portant chacun un accessoire représentant les bruits extérieurs et entourent petit à petit, le lit de Solenn… MOMO (doucement, lentement) : Saint-Pierre j’arrive !! J’ai plein de choses à vous dire ! Plein de questions à vous poser.

[...]


L’EMBAUCHE

Par Didier Pimps et Nicole Rigaud sur une idée de Didier Pimps (Avec Marif Naudin, Didier Pimps, Nicole Rigaud)

NICOLE : Bonjour monsieur Lapaire,

DIDIER : Bonjour madame Duras, asseyez-vous. Marguerite Duras, c’est pas… un homonyme de la sous-préfète de la Garonne ?

NICOLE : Pas du tout, c’est une écrivaine, réalisatrice du siècle dernier.

DIDIER : D’abord… D’abord, y’a l’aîné. Lui qu’est comme un melon. Lui qui a un gros nez. Lui qui sait plus son nom… (Nicole l’écoute avec étonnement).

DIDIER : Madame, j’ai lu votre CV avec attention. Vous n’avez plus d’activités depuis l’an 2000. Vous aussi, vous avez peut-être cru à la fin du monde ?

NICOLE : Non, j’ai tout simplement pris ma retraite, je me suis mise un peu à la mécanique, au black, sur des Tractions Avant et des tracteurs. J’aime beaucoup les tracteurs.

DIDIER : Intéressant, ici c’est plutôt RS6 Cayenne Turbo Hybride V12 ! Car, nous faisons madame des déplacements sur l’Espagne.

NICOLE : Dernièrement, j’ai changé un moteur sur une 911 de 1970.

(Didier regarde les mains de Nicole).

DIDIER : Aujourd’hui ce qui m’intéresse, c’est votre expérience et votre ancien métier de la terre, l’agriculture et les fleurs ! Je vois que dans des années 40 jusqu’aux années 70, vous avez travaillé dans une ferme dans le Vercors.

NICOLE : En 1943, vous n’étiez pas né monsieur ! Mais moi, j’avais 13 ans et j’ai fait de la résistance dans le Vercors avec Monsieur Gabin. Vous n’allez pas me croire ! J’ai ravitaillé, approvisionné en armes, médicaments et patates douces tous ces maquisards. Le tout caché dans des bottes de foin que je portais sur mon dos. Oui monsieur ! J’ai toujours aimé la terre, les patates douces et le foin.

DIDIER : Étonnement et impro (Scène du metteur en scène Takeshi Kitano : Didier est immobile pendant quelques secondes, il cligne des yeux ou fixe le public. Nicole le regarde immobile sans réagir. (Après cette scène de quelques instants : NOIR puis retour à l’entretien face à face !).

DIDIER : Parlez-moi de votre parcours ! Ensuit je vous parlerai de ma « Petite Entreprise » (Premières notes de la chanson de Bashung Ma petite entreprise).

NICOLE : Il était une fois… Je plaisante ! A l’âge de 10 ans mon premier patron monsieur Thénardier… Le misérable ! Avait un puits dans la forêt de Fontainebleau ou de Sherwood ? Je ne sais plus…

DIDIER : Vous pouvez commencer à l’âge de 20 ans !

NICOLE confuse : excusez-moi ! J’ai connu mon mari à 20 ans dans un bal masqué, Ohé ! Ohé !

DIDIER : hum, tikatitan tikikatan ! Que s’est-il passé ensuite ? 

NICOLE : J’ai repris la ferme de mes parents, je me levais obama à 5 heures du matin !

DIDIER reprenant Nicole : Au bas mot !

NICOLE : Oui, au bas mot, pardon. Un jour, ou je faisais cuire des patates douces, j’ai eu l’idée géniale de mettre du gros sel dans l’eau bouillante. J’ai toujours aimé les patates douces et le foin !

(Nicole continue, pendant ce temps Didier fait des mimiques ou des exercices… marche comme un soldat puis un pantin, monte sur une chaise, se crispe et tord son corps tellement il en peut plus de l’entendre).

Comme je disais, dans la ferme de mes parents on avait un cheval de trait, pas pour la traite des vaches blanches, comme on pourrait le croire, ou pour labourer, non pour son crottin ! Oui, monsieur, son CROTTIN, le meilleur des engrais et le plus écologique. De même que la bouse, le sous-produit de la vache Savez-vous ce que dit un paysan quand il marche dans la bouse ? Ii dit « OH ! LA VACHE ». On avait beaucoup de vaches elles s’appelaient toutes Margueritte avec deux TT, pour pas confondre avec moi. Les blanches pour le lait, les noires pour le beurre noir, les blanches et noires pour le petit lait, les marrons pour le Nutella. Le problème avec les vaches c’est qu’elles ne parlent pas ! Vous savez pourquoi monsieur ? Parce que sur leur maison c’est écrit LA FERME ! On cultivait des roses et on avait des vignes aussi. Savez-vous pourquoi on met des roses devant les plans de vignes ? NON vous ne savez pas ? Vous ne savez-rien vous les jeunes et ben je ne vous le direz pas ! J’ai une histoire à vous raconter : un jour je trayais ma vache blanche dans un près, le lait blanc et mousseux coulait dans le seau. Un monsieur passe, il me demande l’heure, j’écarte les pis de la vache, 10 h 10 que j’lui dis ! Il revient un peu plus tard et me redemande l’heure 10 h 59 que j’lui dis. Vous ne me demandez pas pourquoi je savais l’heure ? Et ben monsieur ! Il y avait le clocher de l’église juste entre les pis…. Il y a beaucoup de vaches sur le plancher des vaches : la vache folle, la vache qui rit, la vache qui pleure, la vache sérieuse, la vache vache, la vache sacrée, la vache et le prisonnier… J’ai aussi des histoires sur les canards : que fait un canard quand il a soif, monsieur ? Il se tape une canette ! Et les guêpes comment elles font l’amour ? elles font l’amour dard dard Monsieur… ». Comme je vous le disais, la vache à deux sous-produits, la bouse et le lait…

DIDIER tire Nicole de sa chaise la pousse jusqu’à la porte, lui propose de l’argent, l’engage, Nicole récupère son panier. Didier lui remet les clés d’une voiture, (une 911, tout cela est improvisé… Nicole le quitte en lui disant : Vous et moi on va faire une bonne paire Monsieur Lapaire, les deux font la paire… Ah ! Ah !...

Sur une idée de Majid Moumou par et avec Sylvia Alex-Schneider, Benoît Demeaux, Marie-Laure Momey, Majid Moumou, Marif Naudin, Nicole Rigaud)

[...]


Le repas de famille

Sur une idée de Majid Moumou par et avec Sylvia Alex-Schneider, Benoît Demeaux, Marie-Laure Momey, Majid Moumou, Marif Naudin, Nicole Rigaud)

L’aînée : C’est beau la Corse !

La mère : Tu sais, on n’est pas très bien vus, hein, nous, de la métropole.

La cadette : On y va pour les vacances, euh… pas pour voir les autochtones…

Le frère : Ce n’est pas dangereux la Corse ? Le maquis, les indépendantistes… ? Les attentats ? Les bombes ? Les paillotes flambées ?

[Diapo et voix off] L’aînée textote :

L’aînée : Mais les paysages ! C’est magnifique la Corse ! Et le goût des figues chaudes sur les figuiers sauvages…

[…]

Le frère : Bah moi, je voyais bien la montagne, j’aime bien la montagne…

L’aînée : Ah, je n’aime pas la montagne l’été, c’est chiant !

Le gendre : Et en plus, ça capte pas !

[…]

L’aînée : À la montagne, on ne se repose pas…

Le frère : Oui mais c’est le grand air…

Le gendre : Donc la mer on oublie !

La cadette : Et sinon, la montagne au bord d’un lac… ce

L’aînée : Ah non, moi je suis totalement mer !

La mère : C’est pour ça que t’es célibataire. Elle est totalement mer et elle est célibataire !

L’aînée : Ahaha, très drôle « mer célibataire »…, je me gausse !

[…]

La cadette : Nan mais c’est vrai, vaut mieux aller à la mer pour que Sylvia rencontre un peu de monde, elle aura peut-être un peu plus de chance. Moi, je la sens mieux en bikini qu’en pataugas.

La mère : Oui, regarde, c’est à la mer que j’ai rencontré le père de Majid. J’étais en vacances au Maroc.

Les deux filles (ensemble) : Encore, non, tu ne vas pas encore nous raconter cette histoire !

La mère : Il était beau, il sentait le sable chaud. Quelle ivresse, il avait…

Le frère : Maman, t’arrêtes ton…

Le gendre (lui coupant la parole) : Moi aussi j’aime bien la mer.

La cadette : Mais toi t’as pas besoin de rencontrer des gens…

Le gendre : J’ai le droit d’aller me baigner quand même !

La cadette : Ouais, ouais, ouais, pour mater les femmes sur la plage… Je te connais !

[…]

La mère : Ce qui est bien aussi, c’est les échanges de maisons. Économique et pratique, tu vois ?

La cadette : Ouais mais qui va échanger sa maison ? C’est toi qui va échanger ta maison ? Je vous préviens, parce que moi je n’échange pas ma maison !

[…]

La cadette : Personne ne dort dans mon lit !

[...]


Radio Impulsion

(Fiction radiophonique)

Par Nicole Rigaud et Sylvia Alex-Schneider sur une idée de Nicole Rigaud (Avec Majid Moumou, Nicolas Bihorel, Cindy Le Bon, Sylvia Alex-Schneider, Marif Naudin, Matthieu Paugam, Nicole Rigaud)

NICOLE : Bonjour Sylvia ! Bonjour Nicolas. Bon réveil SUR RADIO IMPULSION 107.4. Il est 8 heures, nous sommes le 1er février 1995.

SYLVIA : Bonjour Nicole, bonjour Nicolas et bonjour à tous les auditeurs.

NICOLAS : Bonjour vous deux, mes complices de la matinale, l’actualité est riche ce matin, quelles sont les nouvelles Nicole ?

NICOLE : Oui Nicolas, ce premier jour du mois de février coïncide avec le premier jour du Ramadan, bon courage à celles et ceux qui vont jeûner.

NICOLAS : Nicole, y-a-t-il des dispositions particulières pour les demi-pensionnaires qui déneigeront euh ! Qui ne déneigeront pas, euh, DÉJEUNERONT pas ? Car il fait froid ce matin !

SYLVIA : Oui, attention, on annonce - 8 degrés. Il faut sortir couvert !

NICOLE : Vous faites bien de nous le rappeler, Sylvia, la salle 12 sera couverte, pardon, OUVERTE pendant la pause de midi. En attendant, je file interviewer une élève avant le début des cours.

NICOLAS : À tout de suite Nicole, avez-vous relevé d’autres informations dans la presse.

SYLVIA : Oui, j’ai l’impression de radoter, le chômage augmente, la délinquance en région parisienne aussi. Que se passe-t-il à l’étranger Nicolas ?

NICOLAS : Rien de très réjouissant Sylvia, dans la capitale algérienne on déplore un attentat qui a coûté la vie à 38 personnes ; on compte aussi 256 blessés. La violence aura-t-elle une fin ?

SYLVIA : Aujourd’hui encore, la violence se déchaîne tout autour de nous. L’Homme est un LOUP pour l’Homme !

NICOLAS : Triste réalité Sylvia ! Mais pour demain ! Je crois que, Nicole a une annonce plus réjouissante ? Nicole, vous êtes dans la cour du lycée, je crois ?

NICOLE : Oui, oui Nicolas, demain les terminales iront à Paris visiter le musée Marmottan, le temple de Claude Monet. D’ailleurs voici Cindy élève de terminale compta, elle va nous parler d’une enquête réalisée dans sa classe ; la question était : ’ Vous arrive-t-il d’aller au musée, au théâtre ? ’

CINDY : Bonjour ! Je suis désolée de vous décevoir ! Les musées, les théâtres sont délaissés, on N’AIME pas, c’est ennuyeux. Mais on aime le ciné, surtout les productions américaines. Les productions françaises les plus recherchées sont les comédies avec des acteurs comme Christian Clavier, Sophie Marceau, Patrick Dewaere, Gérard Depardieu. À la télé on regarde Zone interdite, mais aussi des variétés, le Grand Zap, La brosse à dents… Ah et j’allais oublier Benny Hill et le commandant Cousteau !

NICOLE : Merci Cindy, demain nous allons essayer de convaincre les terminales bac pro, que la fréquentation des musées n’est pas une punition ! Et n’oubliez pas de prendre des notes pendant la visite !

CINDY : Oui, madame on sait, on a même un exposé sur l’apparition du tube de peinture pour peindre en plein air…

[…]

SYLVIA : Bonjour à toutes et à tous, 23 ans plus tard, vous êtes encore et toujours sur RADIO IMPULSION ! Alors avant de passer la parole à Nicole, je crois Nicolas que vous avez quelques informations sur l’évolution récente de l’art…

NICOLAS : On ne peut rien vous cacher Sylvia ! Car c’est vrai, on n’arrête pas l’évolution dans l’histoire de l’art ! Aujourd’hui 1er février 2018, il s’agit de l’art numérique qui stimule les œuvres contemporaines. Ainsi, l’idée de Banksy, de détruire son tableau avec un cadre dévoreur est révolutionnaire.

NICOLE : D’ailleurs à ce sujet, je crois que Picasso avait une théorie sur l’envie de détruire une œuvre ?

NICOLAS : Je vois qu’on ne peut rien vous cacher à vous non plus Nicole, il disait, en effet, que « l’envie de détruire est aussi une impulsion créatrice ».

SYLVIA : Mais Picasso ne dit-il pas aussi : ’ Je ne cherche pas, je trouve ’ ! Bansky, Bansky. N’est-ce pas cet artiste britannique anonyme connu pour son art urbain des plus incisifs ? Bon, je pars pour interviewer Majid, notre jeune collègue professeur des écoles.

VOIX OFF CINDY : Il faut consulter le site http://www.banksy-art.com/videos.html

NICOLE : À tout de suite Sylvia. Que diraient nos impressionnistes devant tous ces bouleversements artistiques eux qui, en leur temps, ont fait aussi scandale !

NICOLAS : Sylvia vous êtes arrivée devant la classe de Majid ?

SYLVIA : Oui, Nicolas, Majid est avec moi. Cette année 2018 est, comme vous le savez, celle du demi-siècle des événements de mai 68. Savez-vous que tout a commencé par une histoire d’accès aux chambres des filles à la cité U ? En janvier 68, le ministre des sports François Missoffe, qui inaugure une piscine sur le campus de Nanterre, est interpellé, sur des questions liées au sexe par un jeune homme aux cheveux roux, Daniel Cohn Bendit ! « Si vous avez des problèmes de sexualité, allez-vous tremper dans l’eau froide » ; lui a rétorqué le dignitaire gaulliste !

[…]

SYLVIA : Majid, vous n’avez pas connu mai 68 ! Alors je pose une question à votre génération : est-ce qu’il faut encore lancer des pavés pour se faire entendre ?

[…]


Be Yourself

Par Élise Charreau (Avec Élise Charreau et tous)

Be yourself

Yourself toi

Réveille-toi

Réveille la vraie toi qui est en toi

Je suis qui ?

Tu es qui toi avec tes grands yeux bizarres ? Marron, œil de gronchon

Aller

Voler jusqu’à Moi

J’aimerai prendre le train, j’arriverai peut-être plus vite 

Mais il n’y en a pas

Je vais marcher alors. Marcher jusqu’à moi-même.

Lui parler fort,

La tête haute,

Jusqu’aux épaules

Et

Ferme les yeux

Une foule

Une foule immense se dresse

Ca déraille

Je déraille

C’est qui cette foule ?

Et tous ces gens immenses ?

Pourquoi ils sont tous pareils ?

Pourquoi je suis pas pareille ?

Arrête

Je ne suis pas eux

Je ne veux pas être eux

Je veux être moi

Ce petit rien que moi

Mais je sais même plus moi c’est quoi être moi

Je suis moi

Ça sonne faux

Ça sonne creux à l’intérieur

Je déraille

J’aimerai me sentir

Mon corps

La moelle

Mes vertèbres

Ma peau

Mon âme

Sentir s’embraser en moi une étincelle

De Moi

La substance organique de mon être

Mon identité

La mienne

Pas celle qu’on projette

Pas celle qu’on m’impose

Celle que je pose

Bonjour.

Vous êtes qui vous ?

Une tempête dans mon cœur

Je m’enferme dans cette foule de questions

Dans cette foule de gens avec qui je ne suis pas Moi

Je ne suis pas Moi

Ce petit rien que Moi

Je suis en marge de la marge

Je suis un point

Un poing fermé

Qui ne demande qu’à s’ouvrir

Une pierre qui veut sentir sa chair

Une âme qui veut s’envoler

Tel un papillon

Voler.

Ne plus être volée

J’interromps le hold-up de moi-même

Enchanté,

Je suis Moi

Et je vous
dis Je.

25 septembre 2019
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