Debout sur un poème | dernières empreintes

En guise de dernières empreintes de la résidence, un recueil de poèmes s’est imposé, riche d’une centaine de pages imbibées du sang neuf des jeunes lycéens.

Tout a commencé il y a dix mois. Il m’était donné la belle opportunité de mener une résidence littéraire au Lycée professionnel Galilée pendant l’année scolaire 2019/2020. Un projet mis en place avec l’aimable collaboration de Marion Buchheit, professeure de lettres, et Isabelle Thomain, professeure documentaliste.
Dans ce cadre, j’ai pu faire la rencontre d’une trentaine d’élèves qui se sont tout de suite montrés heureux de donner la main à la littérature. Il était question pour moi de les amener à créer leur propre monde, même à partir de ce qu’ils possèdent de plus banal, et de les aider à acquérir la conscience que la poésie peut faire partie de leur vie et que sa présence est capable de rendre celle-ci plus radieuse. Ainsi, avec ces jeunes, nous nous sommes plongés dans les méandres des mots, nous avons arpenté les sentiers lumineux des lettres. Des battements d’ailes où ont pris forme de la poésie et de l’humanité.
Ce recueil de poèmes, traces vives de ces moments de partage, restitue une énergie de création souvent peu soupçonnée chez les élèves. Une invitation à découvrir les paysages intérieurs de ces jeunes lycéens, à partir de leur capital poétique.
— Jean D’Amérique


Se tenir debout sur un poème, malgré les obstacles : la fatigue du lundi matin, les quatre étages à grimper, les températures glaciales du CDI, les métros à quai et même un virus qui ferme les écoles et confine élèves, poète et enseignants ! Voici la leçon de Jean d’Amérique, offerte à nos élèves et mise en mots par eux, lors d’un partage complice qui a perduré dans l’éloignement. Ceux-ci ont découvert que la peur de la page blanche est la même qu’on soit homme de plume expérimenté ou poète en herbe. Et qu’il est grisant de la surmonter ! C’est maintenant à vous de vous lever pour lire bien fort ces textes, les partager et les faire vivre.
— Marion Buchheit et Isabelle Thomain

Quelques extraits :

je veux piéger le temps
pour rester dans le présent
mais la trajectoire du vent
me bloque dans le verrou
la mémoire est un raccourci
qui mène vers le cimetière de la tristesse
où pataugent les souvenirs
dans un lac de sang bleu
- Anisse Benbakhta
pluies ancestrales
à la fin des sorties marines
saison sans fin
bloquée dans les enfers du rejet
des fantômes qui dansent
dans les paroles de la ville
à chaque sursaut du moment
- Rémi Lam
ton corps vidé par l’oubli
les promesses non tenues te brisent les os
manipulé de jour en jour
tu regardes le reflet de ta personne
s’éloigner au fond du miroir
- Andreea Ciocan
 
silence
toi qui ne parles jamais
j’entends ce bruit qui n’en fait aucun
cette envie me prend de t’utiliser
alors j’écris
j’écris pour peut-être essayer
de me réfugier loin de toi
je sais que tu anéantis des gens par moments
mais que tu peux aussi en apaiser
cette odeur de réflexion s’installe quand tu es là
tout près
je sais je suis persuadée que tu ne me décevras pas
je dois me servir de toi
d’autres le font pour s’abîmer
je ne pourrai jamais faire ça
tu es le seul qui me connaît vraiment
tu es peuplé d’une paix que je voudrais contenir
mais je sais que tu fais plus de mal
que de mots
- Jessica Leclercq
17 juillet 2020
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