Hall

Dans le hall de l’Hôtel del Mayo

La fille dans le hall qui lit un livre à reliure de cuir.
L’homme dans le hall qui balaye.
Le garçon dans le hall qui arrose les plantes.
Le réceptionniste qui inspecte ses ongles.
La femme dans le hall qui écrit une lettre.
Le vieil homme dans le hall qui dort dans son fauteuil.
Le ventilateur dans le hall qui tourne lentement au plafond.
Un autre dimanche après-midi torride.

Soudain, la fille place un doigt entre les pages de son livre.
L’homme appuie sur son balai et regarde.
Le garçon s’arrête net.
Le réceptionniste lève les yeux, ébahi.
La femme cesse d’écrire.
Le vieil homme remue et s’éveille.
Que se passe-t-il ?

Quelqu’un remonte du port en courant.
Quelqu’un qui a le soleil derrière lui.
Quelqu’un qui est torse nu.
Qui agite les bras.
C’est sûr que quelque chose de terrible s’est produit.
L’homme court droit vers l’hôtel.
Ses lèvres composent un cri.
Chacun dans le hall se rappellera sa frayeur.
Chacun se souviendra de ce moment pour le restant de ses jours.

Raymond Carver, La Vitesse foudroyante du passé, traduit de l’anglais par Emmanuel Moses, Éditions de l’Olivier, 2006, pour l’édition en langue française.

18 juillet 2011
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