À propos de Denise Desautels

DENISE DESAUTELS

in Gare Maritime, Nantes, 2004






Lire Denise Desautels, c’est rejoindre la course obstinée d’une écrivaine jamais en repos. C’est capter le souffle d’une “marathonienne” qui arpente chaque matin le Parc Lafontaine, au cœur de Montréal, se nourrissant au passage de la lumière entre les grands arbres, d’une volée d’oiseaux, d’un éclat de givre sur l’étang.
Car il faut bien que la beauté vienne au secours des désastres.

Au commencement, “d’ étranges forces obscures”, selon l’expression d’Anne Hébert. Un “noir de source” contre lequel il faut lutter. L’écriture s’engage comme une traversée de la nuit, un combat contre tout ce qui étouffe, réduit, tire vers le sans-fond. Une résistance au malheur qui frappe très tôt : la mort brutale du père dans la petite enfance, suivie par d’autres morts qui forment un noyau de deuil jamais achevé. Centre magnétique qui happe les mots dès l’origine, les travaille au corps, mais sans les détruire, sans leur retirer la possibilité de rejaillir sous une forme rayonnante. Travail de métamorphose propre aux “archéologues” en quête de sens. Transmutation d’une exploration intime en objets de partage, éloignant inlassablement la nuit, la mort, la perte.
Toujours à recommencer.

L’écriture de Denise Desautels est habitée par une urgence, par une fièvre qui la pousse à visiter sans complaisance tous les recoins de l’être, à descendre dans la matière autobiographique en affrontant les périls de l’entreprise— et ils sont nombreux pour qui prend le parti de l’audace contre la frilosité ou le narcissisme.

Ainsi, depuis une trentaine d’années, les thèmes récurrents de l’ œuvre sont sans cesse approfondis, bousculés par l’exercice de la lucidité autant que par les provocations que Denise Desautels se choisit en croisant notamment son chemin avec celui des plasticiens. “Dépayser” sa langue et son angle de vision, déplacer son imaginaire (dont elle connaît trop bien les “manigances” ou les possibles ronronnements) et dans un même mouvement s’ouvrir à l’autre, accueillir sa singularité, voilà ce qui est à l’origine de nombreux textes, dont Cimetière : Rage Muette , écrit à partir des photographies de Monique Bertrand. Du dialogue complice des deux femmes—l’une fixant sous son objectif de minuscules cadavres d’ insectes, l’autre interrogeant les “bûchers” de tous nos anéantissements — naît une musique rebelle autant que mélancolique. Jamais inoffensive.
Une œuvre sur le qui-vive, dans laquelle “l’espoir peut encore frapper”.


Françoise Ascal


* Les mots entre guillemets sont extraits de textes de Denise Desautels sauf “ noir de source” qui est emprunté à Joë Bousquet.


Gare Maritime, éditée par La Maison de la poésie de Nantes, est une anthologie écrite et sonore de poésie contemporaine, de parution annuelle. Elle a reçu le Prix Charles Cros 2006, catégorie "Parole enregistrée".Ce texte de Françoise Ascal consacré à Denise Desautels a paru dans le numéro 2004 de la revue

24 août 2010
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