La Beauté d'André Breton

Laurent Margantin / De l´esprit du surréalisme
Au lendemain de la vente Breton, marchands et pouvoirs publics, bras dessus, bras dessous, se félicitent ensemble : « L´esprit d´André Breton est toujours là ». Sous-entendu : la dispersion et les préemptions de l´Etat ont permis la survie de cet esprit. Sous-entendu encore : sans cette vente à Drouot, sans cet événement commercial de grande ampleur, l´esprit du surréalisme serait mort et enterré. « C´est à nous, marchands et Etat, que vous devez de voir l´esprit d´insurrection artistique du vingtième siècle plus vivant que jamais ».
Rappelons quelques vérités, quelques vérités « bonnes à dire ». Si le mot « esprit » peut être utilisé au sujet de cette vente, il faut le mettre au compte de ceux qui ont su lancer le débat public sur la légitimation officielle d´une telle dispersion, qui ont su pointer du doigt ce que cette défaite de l´esprit, justement, représentait pour une communauté de citoyens. Les marchands n´ont pas assez de l´argent, et l´Etat pas assez de l´autorité publique, il leur faut encore l´esprit ! Tout s´achète, n´est-ce pas ? Et les journalistes sont là pour leur faire crédit.
L´Etat a préempté comme jamais, nous dit-on. Pour près de 12 millions d´euros. Pensons un instant à ce qu´il aurait pu faire de cette somme si les prix des lots avaient été diminués par dix suite à une interdiction de sortie du territoire. Bien d´autres œuvres d´égale importance auraient pu être sauvées.
L´Etat a surtout légitimé cette dispersion, trois mois durant. Il voulait un événement international, il l´a eu. Mais voyons le résultat : les deux tiers de la collection partis dans des collections privées, dispersés pour la plupart à l´étranger ; un tiers conservé en France, mais disséminé un peu partout. Bilan : un ensemble unique de l´héritage surréaliste a tout simplement disparu.
Que l´Etat entende justement l´esprit de Breton, c´est ce que nous demandons aujourd´hui. Qu´il engage, avec les collectivités territoriales, des discussions, pour qu´un haut lieu du surréalisme soit créé, où pourraient être rassemblées des œuvres du 42, rue Fontaine et du fonds surréaliste déjà existant. Que ces objets, œuvres, manuscrits, livres témoignent de l´esprit du surréalisme, subversif, sauvage, libre !

 

bilan d'une vente : l'article de Michèle Champenois dans Le Monde du 19 avril

pour mémoire : l'appel solennel du comité Breton (mars 2003)

La France vend le Surréalisme, titrait un journal new yorkais. Oui, la France, les pouvoirs publics vendent, bradent le surréalisme, mais également la beauté d’un homme, écrivain et poète s’il en fut, penseur, révolutionnaire: André Breton. Sous le marteau du commissaire-priseur, sera bradée aussi la passion d´un poète à expérimenter les formes de libération idéologique et artistique exprimées dans les Manifestes du Surréalisme. Plusieurs milliers d´oeuvres d´art, de manuscrits, de livres, de photos rassemblés dans un appartement pendant près d´un demi siècle et composant un tout cohérent seront dispersés en quelques jours. Ainsi la beauté surréaliste saura été sacrifiée sur l´autel de la spéculation.

les 3400 signataires de l'appel
le dossier remue.net : André Breton, te brader non

"J'ai le sentiment de ne pas avoir démérité des aspirations de ma jeunesse et c'est déjà beaucoup à mes yeux. Ma vie aura été vouée à ce que je tenais pour beau et pour juste."

cette phrase d'André Breton nous la revendiquons pour nous, et l'action menée depuis trois mois : notre protestation contre la mise à l'encan de la collection Breton, c'était la fidélité à nos premiers engagements d'écriture, nos apprentissages par les Manifestes du Surréalisme – FB, LM, MB

à lire : "Honte", par Laurent Margantin
Laurent Margantin a lancé fin décembre 2002 l'alerte sur la vente Breton et a coordonné pendant trois mois la liste "appel Breton"

l'appel est clos – des dizaines de protestation nous parviennent encore au quotidien, nous ne pouvons répondre à tous et toutes – faites savoir votre protestation directement auprès des journaux Le Monde et Libération, dont les chroniqueurs d'art mondain (M. Bellet et M. Noce) se complaisent dans le rôle de valets de Drouot, et sur les forums comme celui de France Culture: surréalisme à vendre

14/04 à Libération, la vulgarité et le mépris inculte comme seule loi du journal...

lettre adressée ce matin aux destinataires indiqués ci-dessous...

Il y avait même du Chaissac...
Je n’aurais jamais imaginé Chaissac écrivant à Breton. C’est peut-être ça aussi qui était important pour nous à dire, dans ces 3 mois où nous avons alerté sur cette vente: on n’imaginait pas ce que cette collection recelait, il n’y en avait jamais eu de vrai examen ni inventaire public avant que tout soit confié aux vendeurs...
Je suis content que ces lettres rejoignent mon petit musée des Sables, où il y a déjà un important fonds Chaissac.
La grossièreté du libraire Vrain, qui nous avait bousculé lundi, et qui a les ordres d’achat des collectionneurs, ça donne vraiment confiance dans le traitement réservé aux oeuvres.
Mais les choix de ce Noce, la façon dont il raconte ça, jour après jour, avec sans cesse une insulte pour nous et les 3400 écrivains, enseignants, chercheurs, conservateurs de bibliothèque que nous représentons, ça commence à passer les bornes.
Antoine de Gaudemar, Antoine de Baecque, Philippe Lançon, vous lisez Libération?
Mais faites le taire ! Assez de cette vulgarité et de ce mépris, de choix systématiques (Yves Bergé: "Que les pleureuses retournent s'occuper de leur jardin", Barbier-Mueller: "Les écoliers incultes du Missouri seront confrontés à la poésie...") qui engagent lourdement le journal derrière la bêtise et la vulgarité d’un imbécile, en votre nom...
François Bon

Libération, Vincent Noce, le 14 avril 2003:
Les institutions publiques ont usé de leur droit, parfois de façon curieuse.
Dans la semaine, l'Etat a préempté un lot sur dix, pour 2,5 millions d'euros, sans les frais.
  « Ne jetez plus vos objets inutiles : vous pouvez encore les adresser à la Petite Brocante, 42, rue Fontaine, qui vous en fera des objets surréalistes.» Samedi, à l'entrée de Drouot, un «tract après la bataille» . C'est vrai, la bataille est finie : la polémique, née de la dispersion du mobilier d'André Breton, est retombée, aussi vite qu'elle était survenue. A l'intérieur, chahut. La vente de la bibliothèque prend fin. Pour la 80e fois, l'acheteur vedette, Jean-Claude Vrain, voit un lot qui vient de lui être adjugé lui filer sous le nez :
?«Préemption, pour le Centre Pompidou.
?Les institutions nous font chier ! (protestations dans le public)
?Quelle vulgarité ! Tu fais du fric, toi !
? Le surréalisme crèverait avec les institutions. Breton les a fait chier toute sa vie !»
Que les institutions emportent le manuscrit d' Arcane 17 semble en effet parfaitement logique. Mais que certaines, qui avaient autrefois éconduit la famille Breton, se mettent à préempter à tort et à travers comme des collectionneurs avides, y compris des croquis sans intérêt ou des poèmes recopiés plusieurs fois, paraît plus curieux. Dans la semaine, l'Etat a préempté un lot sur dix, pour 2,5 millions d'euros, sans les frais, soit 35 % des 7,1 millions qu'ont rapportés livres et manuscrits. L'essentiel part à la bibliothèque Doucet. Mais la municipalité des Sables-d'Olonne a pu acheter un dossier de photos et lettres à l'écriture maladroite de Gaston Chaissac, «artiste brut» , qui avait élu domicile en Vendée l

chapeau, Libé, vous avez réussi à trouver la seule personne en France à encore considérer Gaston Chaissac comme un maladroit, un sous-peintre... pensez donc, il vivait en Vendée... moi, voilà la dette personnelle que j'ai au grand "Gaston Chaissac, vice-président du club des échappés de la vie moderne" - FB

07/04 à l'ouverture de la vente, blocage symbolique des portes de l'hôtel Drouot


Michel Deguy, le dessinateur Honoré, André Velter, et de dos François Bon - à droite, Didier Daeninckx

Catherine Gégout, maire adjointe de Paris, et Mathieu Bénézet, à droite, le blocage des portes: remue.net et les vigiles
merci à Mathias Alaguillaume pour les clichés numériques

12/04 réactions à la vente Breton

on met en ligne le bulletin transmis ce 12 avril aux signataires de l'appel Breton via liste, réactions, contributions...

07/04 un article miteux et minable dans Le Monde

comme il s'agit de vente aux enchères, on laisse dans les quotidiens nationaux la plume à des "spécialistes" en vente de tapis sans aucune perception de la gravité des enjeux – la palme au Monde, qui laisse écrire un mondain inculte, et à Libération, qui confie la vente Breton à son responsable de la rubrique culinaire – dans le Monde de lundi soir, voici comment l'inénarrable Bellet décrit les 3400 signataires de notre appel :
[...] plusieurs milliers de signatures, modestes quidams ou plumes prestigieuses. Qu'un des auteurs du texte ait jadis été chassé avec pertes et fracas par Breton, qui le soupçonnait de tenter une réconciliation avec Aragon, ajoute du sel à la chose. Tous, amis et ennemis déclarés, traîtres démasqués, crapules staliniennes ou hyènes dactylographes, amoureux authentiques et sincères, se sont unis pour protester [...]"

Je n'ai pas idée de ce que nous avons fait pour mériter autant de mépris, et qu'on parle de nous avec une telle arrogance. "Quidams", "traitres", "hyènes", "staliniens", dans l'ordre, nos signataires apprécieront. Ce monsieur nous fait regretter les 4147 euros envoyés il y a 2 semaines au Monde pour publication de notre appel -

ci-dessous réponse de Mathieu Bénézet aux propos de M. Bellet:

A M. Jean-Marie Colombani, directeur du journal Le Monde
Nous nous étions résignés hier à nous taire désormais sur le gâchis absurde qu’est la mise à l’encan de la collection André Breton. Mais dans votre journal daté du 8 avril 2003, votre collaborateur, M Harry Bellet, écrit ceci, évoquant la pétition lancée par nos soins : « [...] plusieurs milliers de signatures, modestes quidams ou plumes prestigieuses. Qu'un des auteurs du texte ait jadis été chassé avec pertes et fracas par Breton, qui le soupçonnait de tenter une réconciliation avec Aragon, ajoute du sel à la chose. Tous, amis et ennemis déclarés, traîtres démasqués, crapules staliniennes ou hyènes dactylographes, amoureux authentiques et sincères, se sont unis pour protester... », trois remarques :
1 - La personne visée par votre collaborateur, puisque le seul qui ait jamais fait partie du groupe surréaliste et signataire de l’appel Breton, est M. Alain Jouffroy, qui fut exclu il y a quelque 60 ans du groupe surréaliste... Ajoutons que M Alain Jouffroy ne fait plus partie, à sa demande, depuis le 25 mars, du comité « vigilance André Breton ». De tels propos, ainsi rédigés par votre collaborateur, rabaissent votre journal au statut de racontars, en font un tissu malsain d’allusions infondées destinées à semer le doute et le soupçon.
2 – Nous ajoutons que de retrouver telles quelles, dans le journal Le Monde, pareilles terminologies de guerre froide, pareilles injures du genre post-trotskiste ridicule, signés d’un de vos collaborateurs, nous laisse pantois et rencontre notre indignation.
3 – Qui n’est pas, selon votre collaborateur, une « plume prestigieuse », fût-elle hyène dactylographe, traître ou crapule, n’est qu’un « modeste quidam ». Quel mépris pour les centaines d’enseignants, chercheurs, universitaires, les dizaines de conservateurs de bibliothèques, qui ont voulu signifier leur honte et leur tristesse à voir se dilapider ainsi un fabuleux monument de la mémoire de ce siècle… Ce mépris aussi est gratuit et insultant, en tout cas indigne de votre journal.
Par ailleurs, dans ce même numéro, vous publiez un texte signé par Mme Aube Elléoüet-Breton. Qu’il soit dit une fois pour toutes que jamais aucun membre du comité « vigilance André breton » n’a fait parler les morts. Ni Elisa Breton, ni André Breton, et que nous n’avons jamais, en quoi que ce fût, critiqué la position de Mme Aube Elléouët. Le seul texte publié par Le Monde qui en appelait à Breton est celui où M. Yves Bonnefoy, professeur au Collège de France et qui n’est pas signataire de notre appel, avait ainsi formulé son appréciation : « André Breton à l’encan : vulgaire. » Pour notre part, nous nous sommes adressés uniquement aux acteurs culturels français actuels, sachant pertinemment quelle avait été la grave carence des acteurs culturels français précédents. C’est là notre seul tort.
Nous estimons qu’un tel flou délibéré, en nous abstenant d’épithètes symétriques sur les qualités de plume de ce M. Bellet, participe d’une intention diffamatoire et nous vous remercions de bien vouloir porter ce texte à la connaissance de vos lecteurs. Ce texte est par ailleurs communiqué à l’AFP.
Pour le comité « vigilance André Breton », le 8 avril 2003,
Mathieu Bénézet.

post-scriptum dans le Monde daté 9 avril, voici comment le même M. Bellet termine son article:

"A 243 000 euros (276 021 euros avec les frais), le commissaire-priseur céda, avec un "C'est à vous", sous les applaudissements de la salle. L'oeuvre est en réalité destinée à l'un de ses clients. Un collectionneur français qui souhaite conserver l'anonymat. Mais ceux qui connaissent son intérieur savent qu'à côté, l'appartement de Breton semblait zen. Comme le poète, il y a accumulé les trésors d'une vie, et là aussi, comme rue Fontaine, l'objet le plus banal voisine souvent avec le chef-d'oeuvre. L'édition originale n'y sera pas dépaysée."

On se croirait dans la chronique mondaine du journal "Le Gaulois", qu'aimait citer Marcel Proust, au début du siècle. On voit où sont les fréquentations de ceux que Le Monde choisit pour collaborateurs. On comprend mieux que l'appel signé par 3400 enseignants, universitaires, chercheurs et tant d'écrivains et d'artistes ça énerve le bourgeois. Et Libération ne fait pas mieux avec la chronique tout aussi mondaine de M. Noce, avec M. Noce on se croirait aux courses hippiques... ça donne rudement confiance, tout ça... FB

et Libé pas mieux

le style Noce, cette perle dans Libération d'hier : "il y aura ainsi dans le monde entier des objets qui sont le meilleur ambassadeur que la France puisse avoir à San Diego ou dans le Missouri où ces objets vont être mis en valeur. Des écoliers américains incultes vont découvrir le nom de Breton et, par conséquent, éventuellement s'intéresser à la culture française, et ça, c'est important." - à supposer qu'au Missouri inculte les écoliers en manque soient les fils de milliardaires ?

Voir un grand journal national, créé à la suite des événements de 1968, traiter cet événement de cette manière, sans en mesurer aucunement la gravité, est plus que pénible... Rappelons que Vincent Noce écrit normalement pour la rubrique culinaire, d´où le sentiment de honte qu´inspirent de telles "trouvailles"... Décidément, et pour deux semaines, Libé est à la noce avec la vente Breton.

05/04 le crève-coeur d'Aube Elléouët
Vivant en Touraine, c’est dans la Nouvelle République, le quotidien local, qu’Aube Elléouët a accepté de s’exprimer cet ultime jour... (nous soulignons)

“ Je reviens de Drouot, l’exposition est absolument magnifique. C’est un crève-coeur pour moi! Mais il n’y avait pas d’autre solution.”
Aube Elléouët, fille unique d’André breton (l’”Escusette de L’Amour fou) est évidemment aux premières loges dans l’affaire de la vente de la collection de son père. Le 42 rue Fontaine, elle en garde un souvenir ému: “J’y ai vécu douze ans avec André, avant et après la guerre, jusqu’à ce que je rencontre Yves Ellouët. C’était un lieu totalement magique, où se mêlaient tableaux des plus grands peintres et objets les plus modestes...”
[...] J’ai lu dans des articles qu’Elisa (la troisième épouse du grand poète) n’aurait jamais laissé faire ça. Mais à sa mort, en 2000, je devais à l’État, en droits de succession, 60% de la moitié de toute la collection de mon père. Comment payer ça? J’ai réussi à faire entrer à Beaubourg le mur de son atelier, que le public n’avait jamais eu l’occasion de voir. Ce mur, je voulais en faire une dation, ça vient d’être accepté. J’ai proposé la vente de l’atelier de papa. Le propriétaire a fracturé la porte pour faire un constat de non-occupation des lieux, sans me téléphoner ni m’écrire. Et pendant ce temps-là, je continuai à payer le loyer. J’ai pris un avocat, et j’ai obtenu un délai de cinq ans pour quitter l’endroit...”
[...] “Avec Élisa, on espérait que l’État nous aiderait à monter une fondation. Mais celle-ci ne marche pas en France comme c’est le cas aux États-Unis. Maeght vit grâce à l’apport du privé. Il y a une vingtaine d’années, Daniel Filipacchi, un passionné du surréalisme, nous avait contactées. Il se disait prêt à acheter un hôtel particulier à Paris où il aurait abrité la collection de mon père et d’autres aussi. Mais on ne pouvait financer une telle opération, à moins de vendre les 3/4 de la collection de la rue Fontaine.”
[...] J’avais un rêve impossible: celui d’un lieu où la collection d’André serait préservée et accessible à tous. Mais on ne peut pas garder la rue Fontaine. C’est vrai que papa n’aurait jamais voulu être muséifié, même s’il adorait fréquenter les musées...”
La vente à Drouot? “Je n’y mettrai pas les pieds, c’est douloureux pour moi, je trouve ça indécent. La rue Fontaine, c’est toute une partie de ma vie et de celle de milliers de gens aimant le surréalisme. Mon désir est que le maximum d’objets reste en France, pas par chauvinisme mais parce que le surréalisme est né à Paris. On m’a proposé de tout transposer en Amérique, mais ça ne m’intéresse pas...”
Et si Aube devait emporter un seul objet de la rue Fontaine? “J’ai gardé L’Homme Baleine, un masque esquimau. Sinon, je choisirais un cadre en coquillage fabriqué à Guérande. Un de ces objets sans valeur mais chargés de poésie que mon père affectionnait. La tendresse même...
Propos recueillis par Pierre Imbert, © La Nouvelle République, 5 avril 2003.

 

03/04 intervention de J-J Aillagon dans Le Monde, et réponse de François Bon, transmise au journal Le Monde
construire un musée c'est "momifier", rassurante équation de la part d'un ministre de la Culture – l'ancien directeur de Beaubourg aurait-il oublié ses propres réussites?...

Entretien avec Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture
LE MONDE | 03.04.03 | 12h52    •  MIS A JOUR LE 03.04.03 | 14h19
" La vente Breton ne dispersera pas sa mémoire. Elle la propagera"
L'Etat interviendra dans les enchères, mais se refuse à "momifier" le surréalisme et les collections de son meneur de jeu.
Les collections d'André Breton conservées dans l'atelier du 42 rue Fontaine seront vendues aux enchères à l'hôtel Drouot, du 7 au 17 avril. De nombreuses voix se sont élevées contre la dispersion d'un ensemble unique par la stature de l'écrivain, âme du mouvement surréaliste, et par l'agencement des œuvres où se côtoyaient le rare et le banal selon des correspondances secrètes voulues par le poète. Le ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon, répond à nos questions.
Aux demandes d'interdiction de la vente, formulées par une association qui a recueilli plusieurs milliers de signatures, vous avez répondu en rappelant la liste des œuvres entrées dans les collections nationales par achat, donation ou dation, mais vous n'avez pas pris parti sur la dispersion elle-même. Pourquoi ?
Le simple rappel de cette liste et de sa chronologie indique bien que la dispersion de la collection constituée par André Breton a commencé il y a fort longtemps. Elle a commencé quand Breton lui-même a fait don de sa correspondance à la bibliothèque Jacques-Doucet.
Dans le prolongement et dans l'esprit de ce geste, sa veuve, Elisa, puis sa fille, Aube, ont manifesté le constant souci de mettre à l'abri des collections nationales les parts essentielles de cette collection, par des dons ou des ventes à l'Etat. En témoigne avec éclat la dation du célèbre "mur" et les dons majeurs qui l'accompagnent.
On peut regretter que, dans les années 1970 et les années 1980, l'Etat n'ait fait aboutir aucune proposition globale pour l'acquisition du fonds, mais je ne peux pas laisser dire que rien n'a été fait, que rien ne s'est passé. Elisa, puis Aube Elléouët-Breton ont su tisser avec l'Etat et ses institutions culturelles une relation extraordinairement profonde, où priment la confiance et la générosité.
La vente ne remet pas en cause cet acquis. Puisse-t-elle même nous permettre d'aller plus loin, car comme je l'ai dit à plusieurs reprises, l'Etat compte bien être présent lors de cette vente. Je ne vois pas, quoi qu'il en soit, au nom de quoi il aurait été légitime de s'opposer à la volonté de la fille d'André Breton de rendre à la passion des collectionneurs, à la "passion privée", pour reprendre la belle expression de Suzanne Pagé, ce que la passion de collectionneur de Breton avait rassemblé. Je ne redoute pas les effets de cette vente. Elle ne dispersera pas la mémoire d'André Breton. Elle la propagera.
Quelle est la politique du ministre de la culture vis-à-vis des "lieux de mémoire"?
Dans le cas de Victor Hugo, c'est la volonté de la famille qui a constitué les lieux de mémoire que sont la place des Vosges et la maison de Guernesey. Il en est de même pour le Musée Bourdelle, le Musée Zadkine, le Musée Maurice-Denis, ou tant d'autres. Mais la réussite n'est pas toujours au rendez-vous, spécialement lorsqu'il faut réimplanter un ensemble d'œuvres et d'objets dans un nouveau cadre. Malgré le talent de Renzo Piano, l'atelier Brancusi reste un "objet culturel" ambigu. Le lieu de mémoire devient trop souvent un lieu d'oubli. Ces pieux cénotaphes sont, de façon touchante mais un peu puérile, une périlleuse protestation contre le temps, contre la mort. Le temps finit toujours par tout rattraper.
Je crois que notre culture nous a fourni deux formidables "machines" à assumer et continuer l'histoire, à digérer et gérer le temps : ce sont les bibliothèques et les musées. Ils permettent au particulier de devenir général, au privé de devenir public, à l'éphémère de braver le temps. Contrairement aux lieux monographiques, à la multiplication desquels je ne suis pas favorable, ils maintiennent vivante la relation d'échange et de confrontation avec d'autres pensées et d'autres œuvres dans laquelle s'élabore toujours toute pensée et toute œuvre.
Confier Breton à ces lieux de la mémoire active d'une part, et à la passion des amateurs d'autre part, c'est bien œuvrer pour sa postérité, comme cela aura été fait pour Picasso.
Même si l'on admet que la conservation sur place n'était pas envisageable, est-ce qu'une action comparable à celle qui a abouti à la dation d'un élément essentiel, le "mur", entré dans les collections du Musée national d'art moderne, n'aurait pas dû être engagée avec des bibliothèques pour la conservation du fonds littéraire et notamment les manuscrits du groupe surréaliste ?
Il est incontestable que, dans l'ensemble des catalogues de la vente, le fonds des archives et des manuscrits forme une sorte de cœur spirituel et intellectuel. Au-delà du collectionneur génial et artiste, c'est le Breton créateur, écrivain, poète et théoricien qui s'affirme là. Aube Elléouët-Breton a du reste pris l'initiative judicieuse et généreuse de faire numériser la totalité de cet ensemble. La gestion de la base ainsi constituée pourrait être confiée au Centre Pompidou. Je tiens à vous assurer que chacun est bien conscient de l'importance particulière du fonds littéraire. L'Etat le manifestera lors de la vente.
Comment se fait-il que l'on attende la vente et l'exercice du droit de préemption là où des négociations étaient sans doute envisageables avec la famille ?
Nous sommes appelés à conserver et transmettre la mémoire d'André Breton et celle du surréalisme. Il nous est défendu de les momifier. Certains nous reprochent aujourd'hui de ne pas avoir conservé dans le moindre détail le 42 rue Fontaine. Lorsque ont été organisées l'exposition "Breton, la beauté convulsive" en 1991, puis "La Révolution surréaliste" en 2002, d'autres - mais à la vérité ce sont souvent les mêmes - n'ont pas manqué de nous reprocher de faire entrer Breton au musée.
Cette ambiguïté, cette contradiction, est en vérité au cœur de notre relation avec l'héritage spirituel et matériel d'André Breton. Elle est l'explication de fond des hésitations et des atermoiements qu'a rencontrés sans cesse l'idée d'une conservation globale. Après les acquisitions par dons, achats ou dation, qui se sont succédé depuis presque quarante ans, il y aura - c'est un secret de Polichinelle - les préemptions de l'Etat pendant la vente, pour son compte ou celui d'autres collectivités publiques.
De ce point de vue, le fait que la vente ait lieu à Paris facilite notre action. Au reste, dans la mesure où le Conseil de Paris avait formé un vœu à ce sujet, j'ai indiqué à la Ville que j'étais disposé à préempter pour son compte. C'est à la sortie de la vente qu'on pourra faire le bilan. Ce bilan sera largement positif. En définitive, nous parviendrons à donner à l'histoire du surréalisme la chance de se poursuivre et de s'écrire dans des institutions ouvertes au public, aux artistes et aux chercheurs. Pour moi, l'essentiel est là.
Propos recueillis par Michèle Champenois
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 04.04.03

réaction personnelle de François Bon transmise à la page Débat du Monde

De l’or du temps, réponse à M. Aillagon
Ce prochain lundi, le 7 avril, la collection Breton va être dispersée, lot par lots, manuscrits, tableaux, livres, photographies, objets. « La vente Breton ne dispersera pas sa mémoire, déclare M. Aillagon, elle la propagera » : bluff, ou opium ?
Depuis l’annonce dans le Monde, le 20 décembre, de cette vente, 3 400 personnes ont tenu à dire leur tristesse d’être mis devant ce fait accompli. Ce sont des écrivains, des artistes, des enseignants et chercheurs, et des centaines de bibliothécaires ou conservateurs.
Nous n’avons jamais souhaité une simple muséification, phénomène à la mode, pour cette collection unique. Nous avons simplement dit qu’aujourd’hui, dans la dynamique actuelle des musées, bibliothèques, lieux d’art, cette collection tenait évidemment de notre patrimoine collectif, répondait parfaitement à la notion de « trésor national » récemment doté d’un statut juridique.
Nous savons que « l’or du temps », que cherchait André Breton, c’est dans les mots, dans l’œuvre. Comme nous le savons pour Lautréamont et Rimbaud, que Breton, plus qu’aucun autre, a contribué à mettre au premier rang de notre héritage littéraire. Mais cette collection, l’œuvre de toute une vie, pendant quatre décennies reclassée rue Fontaine, c’est le visage matériel d’un mouvement décisif pour notre siècle, pour la pensée contemporaine de la littérature. En vendant par morceaux, en nocturne pour correspondre aux heures de bureau à New York, la petite cuillère en bois de L’Amour fou, trouvée un jour avec Giacometti au marché aux puces, ou bien cette photographie comme pacifiée du dernier Artaud (qui prouve bien qu’on a affaire à la mémoire de tout le surréalisme, et pas seulement à Breton), ou ces portraits de Desnos mort en camp de concentration, on prive notre pays d’un pan essentiel de sa mémoire, ou ce qui deviendra tel pour ceux qui viennent. Même la boule de voyante, même le galet du Lot que les habitants de Saint-Cirq voudraient voir restitué à sa rivière, tout fera monnaie, et plus rien de ces bribes, dans les vitrines, les coffre-forts, ou voyageant de main à main, n’aura sens. Pas un site d’enchères américain, allemand ou japonais qui ne présente cette vente comme l’aubaine de l’année, voire « la vente du siècle ». Pourtant, combien de messages avons-nous reçus d’écrivains ou artistes étrangers, nous disant combien pour eux le surréalisme c’est Paris, et qu’à Paris devaient rester des objets d’une telle charge.
Jamais les 3 400 signataires de cet appel lancé par Mathieu Bénézet le 7 janvier n’ont demandé à ce que cette vente soit « interdite », et nous aimerions que Le Monde en prenne acte. Des dizaines de chercheurs, de conservateurs, ont tenu à dire que des solutions techniques étaient possibles pour maintenir cette collection dans son ensemble, pour peu qu’on procède à la décision symbolique de la garder telle. L’inaction des pouvoirs publics du vivant d’Élisa Breton, certainement, n’a rien facilité. Ce n’est pas une raison, M. le ministre, pour cautionner comme vous le faites le désastre. Jacques Chirac déclarait récemment à l’Unesco que « la culture ne doit pas plier devant le commerce », là elle l’invite avec tapis rouge.
M. le ministre affirme que « l’État sera présent », il l’aurait encore mieux été, ou plus efficacement, en publiant une liste d’œuvres interdites de sortie du territoire, qui aurait permis aux collections publiques de ne pas préempter au prix fort. Non, on a signé ces autorisations par milliers, une pour chaque œuvre mise en vente, dans la stupéfaction de tous les milieux concernés.
Je parle ici en mon nom personnel : pour une des rares fois de notre histoire littéraire, un mouvement esthétique de toute première importance avait laissé son « musée imaginaire », notre pays laisse passer cette chance. Quand 3400 personnes, dont la plus grande partie représentatifs d’associations d’auteurs, de maisons d’écrivains, de bibliothécaires, expriment leur désarroi, et leur souhait d’un rendez-vous avec le ministre de la Culture, on ne leur répond même pas. Triste conception du pouvoir. Le résultat en sera à l’aune : renoncement. Demain on s’occupera des choses sérieuses, édification d’un musée Gainsbourg, allègement d’impôts pour les mécènes privés… Nous, ce sont nos premiers cahiers d’écriture, nos premières expériences de littérature, qui seront bradées avec le reste. Tout ce qu’avait rassemblé Breton avait à voir avec le rêve, et avec une conception de la littérature comme agissant le monde. Une littérature de subversion. On ne peut pas s’empêcher de penser que dans le renoncement de l’État à s’opposer au commerce, c’est cette idée de la subversion qui gêne.
D’où notre volonté d’être, ce lundi 7 avril, à 14h, devant Drouot pour dire notre protestation, au moment même où s’ouvrira la vente.
François Bon.

01/04 ouverture expo Breton à Drouot


photo Dominique Hasselmann
en attendant rassemblement de protestation lundi 7, distribution de tracts devant Drouot, par le comité Breton – il y aura quelques autres surprises tout au long de la vente : le monde entier regarde, stupéfait, la France brader sa mémoire, nous dirons notre peine et notre honte

 

30/03 délégation au ministère de la Culture

Le Journal du Dimanche, daté de ce 30 mars, consacre à son tour un article à la vente Breton, et bien évidemment au large accueil que reçoit notre appel, devant un tel gâchis et une telle absurdité, une telle atteinte à la mémoire collective qu’est la dispersion de ce patrimoine national.
Nous découvrons avec stupeur la réponse téléphonique du ministère de la Culture au Journal du Dimanche, sous la forme suivante:
“ Dès jeudi matin, les signataires étaient reçus rue de Valois pour se voir signifier la position de Jean-Jacques Aillagon.”
Nous rappelons que nous avons transmis il y a plus de 4 semaines notre appel, alors signé par 2000 personnes, au ministre de la Culture, sans même un accusé de réception depuis lors.
Devant l’écho sans cesse plus large que notre appel trouve dans la presse, l’accueil fait à nos distributions de tracts (au Printemps des Poètes, au Salon du Livre), après la multiplication des interpellations d’artistes et d’écrivains, le soutien de nombreuses associations, fondations, bibliothèques, lieux de recherche et d’enseignement, nous avons obtenu, ce jeudi 27 mars à 11h, qu’une délégation composée de Mathieu Bénézet, initiateur de l’appel, accompagné d’Alain Jouffroy*, Yves di Manno et Bernard Noël, puisse déposer à nouveau, directement auprès de M. Eric Gross, responsable du cabinet de Jean-Jacques Aillagon pour les questions touchant au livre et à la lecture, l’appel et la liste de ses 3400 signataires actuels, ainsi qu’une demande de rendez-vous directement auprès du ministre.
Cette demande de rendez-vous n’a pas toujours pas été satisfaite, monsieur le ministre ayant mieux à faire.
Quant à la position du ministère de la Culture, la seule déclaration qui nous ait été communiquée est textuellement la phrase suivante: “La discrétion du ministre ne signifie pas son inaction”, à quoi Bernard Noël a répondu, tout aussi textuellement: “L’inaction du ministre ne pourra pas se prolonger éternellement dans la même discrétion.”
On en est là. Rien, aucune réponse, quant à l’autorisation de sortie de territoire signée pour la totalité des oeuvres mises en vente. Rien sur les intentions de préemption et de sauvetage.
Que la mobilisation continue pour forcer l’état à se déclarer, et être très nombreux le 7 avril devant Drouot pour empêcher la vente, nous devons continuer sur la ligne droite.
Comité André Breton

* à la suite de cette rencontre, M. Alain Jouffroy a préféré se désolidariser des 3 400 signataires, dont acte – le comité Breton décline sa responsabilité pour tout contact ou transaction avec les pouvoirs publics qui n'aurait pas l'aval ou le mandatement des signataires

25/03 Fernando Arrabal dans Le Monde

Vente Breton, misère de la poésie, par Fernando Arrabal
LE MONDE | 25.03.03 | 13h18
Hommes d'affaires et inconscients pourront se partager, et même pas en flagrant délit , l'héritage de Breton. "Prenez et mangez, ceci est mon corps" et cela le revolver à cheveux blancs .
Tout sera vendu aux enchères à Paris, capitale de la douleur .
" Tout doit disparaître !", criera, gouailleur, selon la tradition, le fourrier de la débandade et de la dispersion.
Tout sera liquidé, parti, et les frais répartis. Livres de bibliophilie, lettres, lithographies, gravures, tableaux et autres objets surréalistes.
L'ensemble, dépecé et, sinon pillé, éparpillé, parviendra au plus offrant. A l'Hôtel Drouot ou au diable Vauvert, partout où l'on encense le veau d'or.
En 1927, André Breton a écrit Introduction au discours sur le peu de réalité.
Pendant près d'un demi-siècle, Breton, dans le mythique "42, rue Fontaine", recevait en célébrant le rite du verre de rhum blanc et de la charmeuse de serpents. Il a habité cette retraite monacale depuis 1922, deux ans avant de rédiger le premier Manifeste du surréalisme, jusqu'à sa mort, en 1966, à l'âge de 70 ans.
Que l'on n'ait pas réussi à créer une fondation ou un musée avec tout ce que le poète a engrangé grâce à la clé des champs est un outrage pour la culture et un défi au sens commun.
En 1926, André Breton a écrit Légitime défense.
Pendant trois ans j'ai assisté quotidiennement à la réunion présidée par André Breton. A La promenade de Vénus ont été rédigées ou rééditées quelques proclamations, comme Le surréalisme est à la portée de tous les inconscients. Nous n'aurions pas pu imaginer que cet avis, pris pour un faire-part de décès par les affairistes, allait se révéler à ce point prémonitoire.
En 1919, André Breton a écrit Mont de piété.
Breton, à New York, a connu sa dernière épouse la lame d 'Arcane 17 à la main : la Chilienne Elisa. "  Mais... n'était-elle pas anglaise ?" Jusqu'à sa mort, voilà deux ans, cette veuve silencieuse et intelligente a lutté pour conserver le trésor du château aux étoiles . Pendant plus d'un quart de siècle, elle a reçu de faux serments de la part de gouvernements parjures. Les uns ont promis une Fondation du surréalisme ou un Musée Breton, et d'autres, comme des Pilate cosmopolites, la Maison internationale de la poésie ou Le Palais du rêve surréaliste. Mais il y a eu aussi des projets qui sentaient la carotte et d'autres un brin vaudevillesques. Certaines offres auraient pu paraître insultantes si elles n'avaient été le fait d'ignares "perforateurs" punaises en main.
En 1924, André Breton a écrit Les Pas perdus.
L'inertie des autorités a eu raison de la patience de la fille d'André Breton et de Jacqueline, Aube (l'artiste si talentueuse), et d'Oona, la petite-fille du poète. Transpercées par les sept poignards de la Vierge des Douleurs, elles se sont résignées à la vente aux enchères.
Pendant trente-sept ans, seules ou avec Elisa encore en vie, elles ont tâché de trouver une solution. Alors se sont succédé des camarillas d'endormeurs de mulots et autres camelots. "Qui a participé à ces discussions avec des fonctionnaires tout-puissants et hyperignorants sait ce qu'est l'humiliation." L'un d'eux a insisté : "Il faut arriver à un accord avant les prochaines élections, ce qui nous mènera au V de la Victoire, après, ce serait trop tard."
De 1930 à 1933, André Breton a dirigé la revue Le Surréalisme au service de la révolution  ; par la suite, il a pris en main, avec les Transcendants Satrapes du Collège de Pataphysique Marcel Duchamp et Max Ernst, VVV.
Un autre fonctionnaire, le dernier directeur du Musée du Prado au XIXe siècle, se plaignait de ne pouvoir se débarrasser des tableaux du Gréco : "ces absurdes caricatures" . Toiles qu'il n'a jamais exposées dans sa pinacothèque. Toutes ces œuvres "engorgeaient et encombraient" jusqu'aux plafonds les sous-sols de "son" musée. Tandis que Francisco Mateos Gago, le plus éminent critique de l'époque, affirmait : "Nous n'avons rien à faire de ces extravagances."
En 1937, André Breton a écrit De l'humour noir .
Un manifeste a été rédigé pour tenter de sauver Les Manifestes et la vision de la vie qu'André Breton manifestait au point du jour. Il a déjà été signé par plus d'un millier d'artistes, bibliothécaires et écrivains.
Tant de rendez-vous fixés, de liens tissés, tant de mensonges plausibles et de propositions risibles ! Impuissants à convaincre les "assis" dont parlait Rimbaud, Michel Butor, Jacques Derrida et mille autres ont clamé : "Dormez en paix, braves gens. Le Gouvernement de la France n'a pas les sous nécessaires pour faire un Musée Breton. Nous n'ajouterons rien à notre dégoût, notre indignation et notre profond chagrin."
En 1931, Breton a écrit Union libre.
Lawrence Ferlinghetti, Milwaukie, Bogartte, Benjamin Ivry, et d'autres artistes américains se sont également dressés contre cette "répugnante idée" . Ils demandent des vases communicants  : un antimusée "together and only together" (variante de "el pueblo-unido-jamás-será-vencido" ), un espace permanent de poésie.
En 1921, André Breton a écrit Les Champs magnétiques.
Le mot surréaliste vaut pour "bizarre" chez les responsables "Potemkine". Ils ont élevé musées et fondations à la gloire des soumis qui ont milité dans les entreprises les plus terroristes du XXe siècle.
Breton conserva toujours son foyer d'énergie : clair de terre qui sera vendu et réparti en mille morceaux. Très précisément en 4 100 lots. On fera monter les enchères pour chacun d'eux comme s'il s'agissait du balconnet de la "Traviata" ou de la culotte du footballeur.
En 1943, André Breton a écrit Pleine marge.
Trois Espérance, trois Nadja (Nadejda) ont égayé de leur lumière la vie de Lénine, de Staline et d'André Breton : Kroupskaia, Allilouieva et la Parisienne. Douze ans après la publication par Breton de son premier poème dans La Phalange (qui n'avait rien à voir avec celle de Madrid), la muse apparut aux surréalistes. Cette immaculée conception leur enseigna ce qu'il est fondamental d'apprendre et que nul n'enseigne, les relations de la poésie avec la vie et le hasard : l'amour fou. Tous les souvenirs, les notes, les photos de ces visions, un par un, seront vendus au plus offrant.
En 1925, André Breton a écrit Nadja.
Les manuscrits sont d'un commerce lucratif pour les commerçants du lucre. Particulièrement ceux étiquetés sous le mot-leurre de "surréalistes" . Parfois, je reçois des messages tels que celui de Sergueï Martin : "Le 15 novembre, à la salle des ventes numéro 12 de l'Hôtel Drouot, a été vendue 1 200 euros par l'étude du baron de Ribeyre (d'après l'expertise de Maryse Castaing) une lettre manuscrite (de cinq lignes) que vous aviez adressée à Dali. A combien s'est élevée votre commission ?"
Nous autres écrivains ignorons les ventes et les achats effectués dans notre dos. Inconscients, nous les alimentons par notre passion pour la correspondance manuscrite et son charme. Souvent, nous rehaussons les lettres par des dessins ou des couleurs. Mais, parallèlement, j'ai vu des joyaux calligraphiques de certains de mes contemporains perforés par des punaises, ou scotchés au mur, avant que le bijou, jauni, ne finisse par tomber en morceaux dans la corbeille à papier.
A partir de 1961, André Breton a dirigé la revue La Brèche.
Afin de payer à l'Etat carnassier les frais de succession réclamés par un ministère vorace, les héritières ont eu une idée qui est aussi une leçon... pour irrécupérables ? Elles ont décidé de donner un mur peint prélevé dans l'appartement de Breton pour s'acquitter de leur dette fiscale. L'Etat a accepté cette amputation sans émotion. La légende du "Pecorone de Ser Giovanni" raconte comment un autre créancier, en d'autres temps barbares, avait recouvré son dû : en prélevant sur le débiteur une livre de chair.
En 1932, André Breton a écrit Misère de la poésie.
Fernando Arrabal est écrivain.

 

 

24/03 lettre du comité Breton au président de la République

Supplique pour sauver l'"art magique"
LE MONDE | 25.03.03 | 13h18
Monsieur le président de la République, sauvez avec nous l'art magique d'André Breton !
Nous nous adressons aujourd'hui à vous après avoir interpellé à plusieurs reprises monsieur le ministre de la culture, sans avoir eu aucune réponse.
Représentant de nombreuses professions culturelles, il va sans dire que ce silence nous surprend et nous peine. Nous nous adressons aussi à vous car vous êtes, de par votre fonction, le meilleur défenseur de notre patrimoine culturel.
Le 7 avril prochain commencera à l'Hôtel Drouot la vente aux enchères de l'ensemble de la collection Breton : des centaines de chefs-d'œuvre, d'objets d'art "primitif" ,de livres, de manuscrits, de photographies qui témoignent d'une histoire, celle du surréalisme, mais au-delà, de la littérature et des arts du XXe siècle.
Si l'Etat ne réagit pas, cette vente scellera la fin d'une aventure, celle d'un rassemblement unique, d'une mosaïque de formes et d'émotions esthétiques, symbole de la pensée encore vivante du surréalisme. Avec elle un rêve prendra fin.
Mais cet événement marchand sonnera également le glas d'une politique culturelle généreuse, faisant des maisons d-écrivain des espaces où transmettre une pensée exceptionnelle et une expérience de vie sans égale : nous songeons à la maison de Victor Hugo dans le quartier du Marais à Paris, à d'autres demeures littéraires que l'Etat français a su préserver dans le passé et ouvrir au public sans en dénaturer la vie intérieure.
Mais le "musée privé" d'André Breton est plus qu-une maison d-écrivain : c'est un espace de création et de désirs, le témoignage d-une pensée nouvelle en train de se générer, l'expérimentation de ce que Breton appela lui-même "art magique" , sans être toujours compris.
Or, en découvrant l'agencement de l'appartement 42, rue Fontaine, on comprend justement le secret d'une vie et d'un mouvement de pensée. On veut disperser cet ensemble, sans en avoir saisi la logique interne, sans avoir respecté l'esprit à l'œuvre dans cet assemblage disparate et foisonnant. Par ignorance, on défait une œuvre (comme si l'on découpait les parties d'un tableau cubiste !), et on vend, on liquide sauvagement, obéissant à la seule logique du marché quand il faudrait écouter les règles d'un art nouveau et mal connu.
La collection Breton est en effet le résultat et l'expression d'un rite magique que son auteur se plaisait à respecter et à élucider. Extraordinaire récepteur des arts premiers, Breton rassemblait les objets qu'il considérait comme des "fétiches" . Inspiré par la démarche d'Apollinaire, qui dans Zone écrit "aller dormir parmi (ses) fétiches d'Océanie et de Guinée", il y allait pour lui de la "nécessité de faire prédominer une forme de conscience du monde sur une autre" , cette forme de conscience étant une "vue poétique (surréaliste) des choses" .
Il y a une véritable passion de la collection chez Breton, collection qui a une fonction éminente dans l'élaboration du surréalisme comme pensée de l'art et mouvement culturel de premier ordre. Un spécialiste de la question décrit le "fonctionnement" de la collection ainsi : "Une visite à l'appartement de Breton suffit à comprendre que l'ordonnateur a voulu composer un gigantesque pentacle, où les signes occupent des positions symboliques, où les signifiés sont engendrés par les rapprochements et les oppositions."
L'approche privilégiée n'est nullement intellectuelle, mais "constitutive d'un savoir affectif", d'un "vrai savoir" où "l'objet tribal parle de lui-même et des énergies magiques qui l'animent, en même temps qu'il libère la parole de celui qui sait accueillir ces énergies". (Jean-Claude Blachère, Les Totems d'André Breton )
C'est au nom de cet espace-là, unique dans l'histoire de l'art du XX esiècle, que nous avons engagé notre action qui a obtenu un large écho auprès du public et des lecteurs de Breton, toutes générations confondues.
Ce serait faire mourir André Breton une seconde fois que de voir ce trésor de vie poétique dilapidé, dispersé et enfermé dans les chambres de coffre-fort que méprisait tant l'auteur des Champs magnétiques.
Pour cette raison, et étant donné le silence des pouvoirs publics, qui ne remplissent pas leur mission, nous avons appelé à une manifestation devant l'Hôtel Drouot le 7 avril prochain, et plusieurs actions sont en cours à Paris et dans toute la France.
Nous faisons aujourd'hui appel à vous, monsieur le président, révoltés de voir cette vente – qui n'est nullement une fatalité – sceller peut-être cette histoire.
Nous vous faisons confiance, à vous qui avez déclaré récemment que "la culture ne doit pas plier devant le commerce" , pour interrompre vigoureusement le cours des choses.
La préemption par l'Etat de quelques œuvres détachées de leur contexte ne peut être une solution, il faut sauver l'ensemble.
Comme vous le savez, la politique culturelle de la France s'est bâtie sur des actions audacieuses, contre toute logique marchande, en vertu de visées humanistes et pédagogiques que la création d'un musée réunissant intelligemment toutes ces œuvres permettrait de perpétuer.
Préserver le patrimoine, c'est ouvrir de nouveaux chemins, en incorporant ces pensées nouvelles et fortes, résolument différentes, et en offrant la possibilité à chacun de les continuer. L'art magique d'André Breton ne doit pas être sacrifié sur l'autel de la spéculation internationale comme une vulgaire marchandise !

Comité de vigilance André Breton : Alain Absire, Mathieu Bénézet, François Bon, Michel Deguy, Jacques Derrida, Guy Goffette, Alain Jouffroy, Yves Di Manno, Laurent Margantin, Bernard Noël, Jean-Yves Tadié, André Velter, Eliot Weinberger, Kenneth White.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 26.03.03

18/03/2003 - adresse des élus au président de la République

Monsieur le Président de la République,
Nous souhaitons vous alerter concernant la vente aux enchères qui aura lieu en avril prochain à l´Hôtel Drouot, vente lors de laquelle l´ensemble des collections d'André Breton – un trésor composé de centaines d´œuvres d´art, de manuscrits, de livres et de photographies conservés pendant près d´un demi-siècle par le poète – menace d'être dispersé.
En janvier dernier, un Comité rassemblant des artistes, des intellectuels et de nombreuses professions culturelles a été créé. A son initiative, plus de 3000 personnes en ont appelé publiquement à Monsieur le Ministre de la Culture et de la Communication, pour que les pouvoirs publics s'opposent légalement à cette vente.
A cette démarche citoyenne et désintéressée, à ce jour, ces quelque 3000 signataires n'ont eu, pour toute réponse, que le silence de M. le Ministre.
En février dernier, c'est à l'unanimité de ses membres que le Conseil de Paris a adopté un « vœu » dans lequel il demande aux Pouvoirs publics de déclarer l´interdiction de sortie du territoire, le report de la vente et la réunion d´urgence d´une table ronde.
De plus, conformément aux usages du Parlement, c'est par le biais des questions écrites au Gouvernement que la représentation nationale - à l'Assemblée comme au Sénat - a interpellé, et dans les mêmes termes, le Gouvernement sur cette question. Par ailleurs, une déclaration écrite a été déposée au Parlement européen, qualifiant la collection Breton de « patrimoine commun de la culture européenne », déclaration transmise à la Commission et au Conseil européens.
M. le Ministre de la Culture a répondu au Maire de Paris en affirmant associer l´Etat à la Ville de Paris dans sa demande de préemption, mais d´une partie de la collection, sans se prononcer exactement sur la totalité et sur la structure de conservation de l´ensemble.
Vous même, Monsieur le Président, avez déclaré récemment : « La culture ne doit pas plier devant le commerce».
Comment ne pas interpréter ces fins de non recevoir comme autant de désaveux de vos propres engagements? Car s'agissant du problème qui nous occupe, qu'a fait l´Etat au cours des trois derniers mois, sinon cautionner une dérive que vous souhaitiez pourtant voir partout prévenir, en donnant un blanc-seing à une opération préjudiciable à la culture en général, et à notre patrimoine national en particulier?.
Nul ne peut contester que le Mouvement surréaliste a bouleversé et marqué durablement de son empreinte la culture nationale mais universelle. Que faudrait-il donc penser de la volonté et des priorités en matière culturelle de votre Gouvernement, s'il se révélait demain complice de la dispersion, de l'effacement de cette part inestimable de l'héritage artistique du XXe siècle dans le secret de collections privées?
Que Monsieur le Ministre de la Culture fait à l'évidence peu de cas de sa mission, comme de l'objet et du sens de cette mission, puisque son silence et son inaction n'auraient rien favorisé que la liquidation pure et simple du Surréalisme!
C'est pourquoi, Monsieur le Président, sauf à considérer "l'exception française" comme un vain mot, nous en appelons aujourd'hui à votre autorité et à votre sens de l'intérêt général, afin que vous pressiez M. le Ministre de la Culture de rompre avec un silence inquiétant, et de prendre au plus tôt toutes les dispositions qui s'imposent.

Les signataires :
Damien Alary, député PS, Président du Conseil général du Gard
Danièle Auffray, adjointe au maire de Paris pour le Recherche (Verts)
Clémentine Autain, Adjointe au Maire de Paris (PC),
Nicole Borvo, Présidente du groupe communiste au Sénat, Conseillère de Paris,
Marie-George Buffet, députée PC de la Seine Saint Denis
Jacques Daguenet, Conseiller de Paris (PC)
Martine Durlach, Adjointe au Maire de Paris (PC),
Catherine Gégout, Conseillère de Paris (PC),
Isabelle Guirous-Morin, conseillère de Paris (Verts),
Alain Journet, sénateur PS du Gard
François Liberti, député PCF de l'Hérault
Pierre Mansat, Adjoint au Maire de Paris (PC),
Noël Mamère, député de la Gironde (Verts)
Sophie Meynaud, Conseillère de Paris (PC),
Vincent Peillon, ancien député, responsable du Nouveau Parti Socialiste, Chercheur au CNRS,
Alain Riou, conseiller de Paris (Verts),
Mylène Stambouli, adjointe au maire de Paris (Verts),
Simon Sutour, sénateur PS du Gard,
Jean Vuillermoz, Président du groupe communiste au Conseil de Paris (PC)
Henri Weber, Sénateur de Seine Maritime, Secrétaire national du Parti socialiste chargé de la Culture et des Médias

16/03/2003 - Réponse de J-J Aillagon au maire de Paris: décrypter la langue de bois

De nombreux signataires se sont réjouis, hier, de la réponse du ministre au maire de Paris, après le vote unanime du conseil de Paris, suite aux questions posées à notre intitiative, pour la non-dispersion de la collection Breton, et son classement comme trésor national. Hélas, le contenu ne suit pas...

Comme la précédente sur la dation du mur (13 février), cette nouvelle déclaration du ministre de la Culture omet de nombreux points, et plusieurs contenus dans le voeu du Conseil de Paris auquel elle est sensée répondre. La principale demande du Conseil de Paris était la suivante: "que l’Etat prononce l’interdiction de sortie du territoire des pièces de la collection, et use de son pouvoir de faire reporter la vente... pour que ces collections restent dans le domaine public et ne soient pas dispersées".
La deuxième demande du Conseil de Paris était la suivante: "qu’une table ronde soit réunie d’urgence à cet effet par l’Etat avec les différents acteurs concernés pour la recherche d’une solution, car il s’agit d’un patrimoine national à caractère universel".
Or là-dessus M.Aillagon se tait, respectant la loi du silence qu´il s´est décidé de suivre depuis le début de cette affaire, ne répondant pas à nos courriers. Il semble qu´il ne veuille pas comprendre que de tels bouts de réponse - comme les morceaux de la collection Breton offerts un à un pour calmer la protestation - ne suffisent et ne suffiront pas, et qu´il méprise profondément les 3000 signataires de l´appel Breton sans lequel il n´y aurait pas eu de lettre de M.Delanoe.
L´Etat, écrit-il, préempterait pour la Ville de Paris. Mais quoi ? Là aussi aucune réponse. Il y va de la totalité de la collection, et pas de quelques morceaux.
D´autre part, il affirme des contre-vérités énormes, en disant que "l´Etat agit depuis plus de 25 ans, en concertation avec la famille de Breton", ce qui est absolument faux puisque si la famille vend aujourd´hui, c´est bien parce que l´Etat n´a rien fait pendant toutes ces années ! Il suffit de lire pour cela le récit des 30 années d´interpellation des pouvoirs publics par Aube Breton dans L´art d´aujourd´hui, où elle fait le point sur la question (nous y reviendrons).
Continuons notre action jusqu´à ce que le ministre de la Culture comprenne nos demandes et nous réponde.

PARIS, 13 mars (AFP) - "L'Etat acceptera de préempter pour le compte de la Ville de Paris", lors de la vente Breton en avril à Drouot, a écrit le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, au maire de Paris, Bertrand Delanöe, dans une lettre dont l'AFP a eu connaissance jeudi. Les héritiers d'André Breton ont décidé de mettre en vente une importante partie des collections d'oeuvres et d'archives autrefois rassemblées, dans son appartement du 42 rue Fontaine, par le chef de file des surréalistes.
"Sans s'opposer à la vente à venir, dont Paris peut s'honorer d'être le lieu, l'Etat souhaite naturellement y être présent. J'ai été très sensible, à cet égard, au voeu que le Conseil de Paris a voté à l'unanimité (le 25 février, ndlr) en faveur de la sauvegarde de la collection Breton. J'y ai vu le signe de votre souci que la Ville et ses institutions culturelles puissent intervenir aux côtés de l'Etat", écrit M. Aillagon.
"Cette vente intervient alors que l'Etat agit depuis plus de 25 ans, en concertation avec la famille Breton, pour mettre à l'abri des collections nationales et présenter au public les ensembles les plus remarquables de +l'atelier Breton+", a souligné le ministre.
Quelque 2.000 signataires soutiennent une pétition, à l'initiative d'un site web (remue.net), contre la dispersion des objets d'art accumulés par André Breton à son domicile parisien de 1922 à sa mort, en 1966. Estimée à 30 millions d'euros, la vente comprend plus de 4.000 lots dont des écrits et manuscrits de Breton, des toiles de Chirico, Picabia, Ernst, Magritte, Picasso ou Miro, des objets ethnographiques, des oeuvres naïves etc.

15/03/2003 - itw Laurent Margantin dans Le Devoir de Montreal

LE DEVOIR (Montréal), cahier «Livres», samedi-dimanche, 15-16 mars 2003.
Première et deuxième page du cahier (p.F1 et F2).
transmis par Guy Laflèche (univ de Montreal)

Trois questions sur la collection Breton
© Stéphane Baillargeon _le Devoir_
Ce sera la mère de toutes les ventes aux enchères de cette année. Dans moins d'un mois, le 7 avril, à l'hôtel Drouot de Paris, la maison Calmels-Cohen commencera la grande liquidation des quelque 4100 trésors accumulés de son vivant par André Breton, chef pontifiant du surréalisme. Vingt-deux sessions sont prévues jusqu'au 17 avril pour écouler 2500 livres, 1500 photographies, 800 manuscrits, 400 tableaux et dessins (de Chirico, Picasso, Ernst... ), sans compter des relevés d'écriture automatique, des tracts et des cadavres exquis. Les estimations frisent les 50 millions de dollars (environ 30 millions d'euros). Parmi cet Himalaya de lots, notons un des trois exemplaires hors commerce d'_Arcane 17_ (estimé à 15 000 euros), le livre écrit par Breton pendant son séjour au Québec, dans les années 1940, et deux aquarelles de 1947 (de 15.000 à 20.000 euros chacune) de Riopelle, que Breton avait surnommé le Trappeur supérieur. La perspective de la dispersion choque les milieux culturels français, indignés par la nonchalance des autorités politiques dans ce dossier. Un comité de vigilance fondé par les écrivains Mathieu Bénézet, François Bon et Laurent Margantin a réuni plus de 3.000 signatures, dont celles du philosophe Jacques Derrida et l'écrivain Michel Butor, sur le site remue.net. M. Margantin explique cette démarche dans une entrevue accordée cette semaine au Devoir.

LE DEVOIR. Pourquoi vous opposez-vous à la vente de la collection André Breton? Pourquoi ne pas laisser les oeuvres circuler et aller vers qui les veut?
LAURENT MARGANTIN. Laisser les oeuvres circuler et aller vers qui les veut, c'est le plus souvent les laisser aller vers les plus riches et les plus privilégiés, et laisser à la Bourse de l'art -- chaque oeuvre sur le marché pouvant devenir un bon placement -- toute la liberté d'agir, de décider sur la création artistique aussi. Or nous pensons que la notion de patrimoine culturel doit être respectée, et que c'est une des responsabilités de l'État de préserver ce patrimoine, responsabilité que l'État français, en l'occurrence dans le cas de la vente Breton, n'est pas en train d'assurer. Dans ce genre de situations, il est bon que les citoyens se mobilisent et rappellent l'un de ses devoirs à l'État.. Il faut ici citer les propos de Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture aujourd'hui, directeur du Centre Georges-Pompidou hier, à propos de _«l'exception culturelle française»_. Cette dernière _«souligne le fait que les biens culturels sont, avant même d'être des marchandises, porteurs des valeurs, des représentations, des espoirs des sociétés et des civilisations. Elle garantit la diversité et la richesse des expressions. La politique n'étant pas un territoire de fatalités qu'il faudrait constater et subir, il nous appartient de nous engager et de nous battre pour cette conviction-là, et de le faire avec d'autres»_. C'était en janvier 2002 dans le journal _L'Humanité;, entre-temps, M. Aillagon est devenu ministre et a tout oublié. Bien sûr, notre engagement n'est pas seulement motivé par des questions de principe, mais aussi et surtout par un attachement à la figure et à l'oeuvre de Breton, et à ce haut lieu de la création surréaliste que représente son appartement de la rue Fontaine. De générations différentes, les responsables de notre comité se reconnaissent une dette immense à l'égard de Breton et du surréalisme. Cette dette concerne une pratique de l'écriture, mais aussi une pratique de vie. Le surréalisme, Breton à sa tête, a bouleversé notre rapport à la littérature et à la société.

LE DEVOIR. Que suggère votre groupe comme solution de remplacement à la vente? Et quelles sont vos chances de bloquer le processus qui semble engagé de manière quasi irrémédiable?
LAURENT MARGANTIN. Disons-le tout de suite: notre action ayant été engagée trop tard -- nous n'avons appris la nouvelle de la vente qu'en décembre dernier, en lisant le journal --, nos chances sont minces, Å y a un énorme capital en jeu, et des collectionneurs du monde entier ont courtisé la femme de Breton, Elisa, pendant trente ans; celle-ci a résisté aussi longtemps qu'elle a pu, c'est-à-dire jusqu'à sa disparition en 2000. Mais il faut saisir cette chance, même si elle est maigre. Nous avons recueilli 3.000 signatures à notre pétition, demandant l'interdiction de sortie du territoire, la préemption de tous les lots et la proclamation de l'ensemble des oeuvres -- un tout cohérent -- comme trésor national. Ce sont des demandes parfaitement réalisables, il y a de multiples exemples. C'est une affaire de volonté politique. Mais bien entendu, ça gêne le commerce et beaucoup de spéculateurs du marché de l'art, dont le cynisme et la voracité sont sans frontières. Ajoutons que pendant des années les héritiers ont interpellé l'État pour que soit créé un musée ou une fondation Breton, sans succès... On a préféré autoriser la dispersion et ainsi faire plaisir aux collectionneurs privés, qui feront de ces oeuvres uniques des valeurs enfermées dans des coffres-forts, inaccessibles au public. Cette vente est le plus gros scandale culturel des dernières décennies, et une honte pour la France.

LE DEVOIR. Comment interprétez-vous cette dilapidation d'un noyau dur de la mémoire surréaliste?
LAURENT MARGANTIN. C'est, sans aucun doute, l'un des nombreux symboles -- mais quel symbole! -- d'un déclin de la politique culturelle de la France. Il y eut une époque où l'État français s'engageait dans la création d'une maison Victor Hugo en plein Paris, où il tâchait de préserver ces hauts lieux culturels à travers lesquels une figure d'exception sur le plan artistique mais aussi politique était mise en valeur. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. La politique culturelle (si on peut appeler cela comme ça), aujourd'hui, c'est le culte de l'éphémère, de la dispersion à tous les niveaux dans le loisir culturel (printemps des poètes, marché de ceci ou de cela, etc.), le nivellement par le bas de toutes les expressions «artistiques». Il n'y a plus aucun sens de ce qu'est une culture pour un groupe de personnes (ce constat, des gens comme Breton ou Artaud le dressaient déjà, sentant que ça allait s'aggraver encore -- à cet égard nous sommes en fin de course). Le surréalisme a représenté et représente encore cela: la volonté de développer une grande culture, ouverte aux autres traditions, dégagée de tous les enfermements idéologiques et sociaux, et c'est pour cela que nous devons lui témoigner notre reconnaissance en préservant ses oeuvres dans un cadre ouvert à tous. Il y va de la société de demain, de celle que nous désirons -- ou pas.
Copyright: Le Devoir, 2003

12/03/2003 -le devenir ministre : Jean-Jacques Aillagon "avant" et "après"
"Contre la mondialisation de la banalité ".
Je constate que l'exception culturelle est une réalité vivante et efficace, et surtout je suis attaché à son affirmation et à sa défense. Néanmoins, j'estime qu'elle représente un principe, une conviction qu'il nous faut, nous autres Français, plus et mieux faire partager par d'autres pays, en Europe, en tout premier lieu, mais aussi dans le reste du monde, en Asie, en Amérique du Sud, en Afrique. Sinon, elle deviendra une valeur de plus en plus fragile. Sinon, elle sera submergée par la loi commune, qui tend à réduire les biens culturels au rang de productions ordinaires. L'exception culturelle ne peut donc rester le seul point de vue des Français. Elle doit devenir, plus encore, une attitude partagée. Elle fonde la légitimité des actions culturelles publiques. Elle souligne le fait que les biens culturels sont, avant même d'être des marchandises, porteurs des valeurs, des représentations, des espoirs des sociétés et des civilisations. Elle garantit la diversité et la richesse des expressions. La politique n'étant pas un territoire de fatalités qu'il faudrait constater et subir, il nous appartient de nous engager et de nous battre pour cette conviction-là, et de le faire avec d'autres.
Que les productions culturelles soient soumises à une économie, à un marché, est inévitable et ne me choque pas en soi. Mais que cette situation devienne une cause d'appauvrissement, d'uniformisation, et même de tarissement de la création est préoccupant. C'est là justement que doivent intervenir les dispositifs de l'action culturelle, que le principe de l'exception culturelle vise à sauvegarder. Il y a aussi les phénomènes de la spéculation, auxquels les oeuvres de la création plastique sont plus assujetties que d'autres. Incontestablement, cela tient à la nature mobilière de ces oeuvres, au fait aussi qu'elles sont historiquement devenues des signes de distinction sociale. Là aussi, j'estime que c'est aux institutions publiques, parfois à des institutions privées ouvertes et destinées au public - comme les fondations -, à extraire les meilleures de ces oeuvres, quand c'est possible, d'une circulation purement spéculative, pour en faire des éléments d'un patrimoine commun. Ce sont les horizons que nous ouvre le service public parce que, aussi, il garantit aux institutions qui en sont chargées la pérennité de leurs moyens et de leur existence. Quand je considère aujourd'hui la fragilité d'institutions pourtant glorieuses comme le Guggenheim, le Whitney Museum ou l'American Ballet Theater, je me félicite de " l'exception française ".
Le surréalisme est une révolution de la culture par la culture, de l'art par la pensée et par la littérature. C'est un mouvement fécond, la " seule révolution du XXe siècle qui n'a pas échoué ", pour citer Werner Spies. C'est aussi l'une des étapes des libérations que le XXe siècle a su enfanter dans le registre des moeurs, des comportements, des attitudes intellectuelles. Le surréalisme a renversé des idoles, brisé des tabous. Il a eu la prémonition des catastrophes qui menaçaient le monde. Il les a dénoncées, pas provoquées. Pensons au tableau peint par Magritte dès 1929, le Temps menaçant.

eh non, malheureusement, il s'agit bien d'une déclaration de Jean-Jacques Aillagon mais.... en janvier 2002, juste avant qu'il devienne ministre de la culture.... il y a deux ans, au sujet de l'exception culturelle et de Meissier

11/03/2003 - La Beauté d’André Breton
appel solennel du comité Breton

La France vend le Surréalisme, titrait un journal new yorkais. Oui, la France, les pouvoirs publics vendent, bradent le surréalisme, mais également la beauté d’un homme, écrivain et poète s’il en fut, penseur, révolutionnaire: André Breton. Sous le marteau du commissaire-priseur, sera bradée aussi la passion d´un poète à expérimenter les formes de libération idéologique et artistique exprimées dans les Manifestes du Surréalisme. Plusieurs milliers d´oeuvres d´art, de manuscrits, de livres, de photos rassemblés dans un appartement pendant près d´un demi siècle et composant un tout cohérent seront dispersés en quelques jours. Ainsi la beauté surréaliste sera sacrifiée sur l´autel de la spéculation.
Face à cette bêtise, à cette non-pensée, à ce cynisme, nous appelons à une manifestation la plus large possible, le lundi 7 avril, 13h, devant l’hôtel Drouot. Non au démantèlement de la rue Fontaine: passez votre chemin!

11/03/2003 - - Texte d´ouverture du meeting poétique à la Mutualité hier lundi 10 mars, par "André Velter
Aujourd’hui Guillaume"
À la fin tu es las de ce monde ancien
(Apollinaire - Zone)

Aujourd’hui Guillaume Apollinaire, tu serais las de ce monde nouveau qui veut imposer partout son ordre, sa loi, ses normes, avec pour seule devise : “tout est à vendre !” Tout, depuis les os des victimes de l’holocauste proposés sur le net, jusqu’aux poumons, aux reins et aux coeurs des suppliciés chinois quasiment cotés à la bourse de Hong-Kong; tout, et dans tous les domaines, sur tous les registres, en tous lieux privés ou publics, comme s’il n’y avait plus de zone libre consentie à la conscience rebelle, à l’aventure gratuite, à l’émotion non-rentable, à l’amour fou sans liste de mariage.
Aujourd’hui Guillaume Apollinaire, tu serais las de ce monde nouveau qui s’apprête à désactiver le fabuleux champ magnétique que ton jeune ami André Breton avait créé autour de lui pour que la vie réelle, la vie rêvée jaillissent d’une même source - d’une seule source qu’un hasard objectif et magique avait situé rue Fontaine. Là ce n’étaient pas tant les peintures, les assemblages, les masques qui surprenaient ou fascinaient mais une énergie qui passait des uns aux autres, mais une tension violente qui se donnait d’emblée pour la porte d’accès au merveilleux. Une énergie, une tension radicalement, souverainement, ontologiquement opposées au code de la marchandise.
Alors, Guillaume, aujourd’hui, sans plus célébrer le monde ancien que le meurtrier nouveau monde, c’est avec cette énergie et cette tension que nous allons, jusqu’en désespoir de cause, tenter d’habiter poétiquement le royaume qui est le nôtre; royaume de rues, de terrains vagues, de perspectives imprévues; royaume où sortent des murs les visages et les corps réinventés par Ernest Pignon-Ernest. Oui, vivre ici et maintenant en poète, et cela sans faiblesse, ni gravité excessive, en cherchant par tous les moyens à tenir parole, à tenir les paroles et les chants de ceux qui ne se résignent pas aux discours piégés ou convenus.


11/03/2003 - message transmis par le modérateur de la liste biblio.fr, Hervé le Crosnier, à ses 11 000 abonnés bibliothécaires

Bonjour,
Il n'y a plus beaucoup de temps avant le 7 avril, date à laquelle sera dispersée à l'Hôtel Drouot la collection d'André Breton.
Le silence du Ministre est désolant sur cette question.

D'autant que les couloirs bruissent, et nous disent que l'on signerait actuellement à la pelle au sein de la Direction du Livre et de la Lecture les "certificats de sortie du territoire" pour tous les manuscrits d'André Breton et les livres autographés de sa collection personnelle. Je suis aussi surpris que vous toutes et tous, bibliothécaires, ne réagissiez pas plus fort.

Mais la réflexion doit créer un état de conscience global qui peut aller beaucoup plus loin.

Nos villes, nos régions financent des "Maisons d'écrivains" car elles sont conscientes de deux choses :

- d'abord, il y a une demande du public pour respirer, non plus l'encre fraîche et la colle à reliure comme on disait dans les mauvaises dissertations, mais l'atmosphère des lieux de vie des écrivains. Cette demande doit bien traduire quelque chose. Il n'est pas besoin d'y céder soi-même pour se représenter les nouvelles formes d'approche des oeuvres par le public qui en découlent. Et l'atelier d'André Breton, qui est encore en l'état, est un exemple formidable : ce poète avait l'oeil et les objets et oeuvres réunies nous parlent du surréalisme par leur bouche propre.

- ensuite, à l'heure de la dématérialisation des oeuvres, le tangible retrouve paradoxalement une place dans l'appréhension culturelle. La poésie est certainement la première activité mondialisée, mais les poetes sont d'ici d'ailleurs ou d'autre part. Ce qui les distingue radicalement des autres "écrivants".

C'est maintenant le "Printemps des poètes".
Et dans quinze jours l'automne ? Monsieur de Ministre, réagissez... ou assumez clairement et publiquement face à l'avenir ce que vous êtes en train de faire. La stratégie de l'édredon est-elle de mise quand on parle d'André Breton ? Pas lui tout de même !

Ci-après le texte d'introduction par André Velter, lu hier à la Mutualité (en présence du Ministre mais sans Michel Drucker, c'est peut être cela qui empêche d'entendre ce très beau texte...).

"Et oui c'est ça Monsieur le Printemps des poètes"
Hervé Le Crosnier

11/03/2003 - Dépêche de l´AFP, 10 mars
Mobilisation contre la vente Breton, à l'occasion du Printemps des poètes
PARIS, 10 mars (AFP) - Les opposants à la dispersion de la collection d'art André Breton, mise aux enchères du 1er au 17 avril à Drouot, se sont mobilisés lundi soir à la Mutualité, à l'occasion du lancement de la manifestation nationale, Le Printemps des poètes.
"Face au silence des pouvoirs publics, du ministère de la Culture en particulier, à quelque semaines des enchères, l'heure est à l'action plus large. Il apparaît nécessaire de mobiliser au delà des écrivains et des artistes qui ont initié cette réaction", selon un tract distribué à l'entrée de la salle parisienne et ayant pour titre l'anagramme suivante : "André Breton: te brader, non".
"C'est une première expression sur la place publique et on ne compte pas s'arrêter là", ont dit à l'AFP les promoteurs de cette mobilisation en indiquant qu'une manifestation sera organisée le 7 avril à 13h00 devant
Drouot.
Le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon était attendu à la Mutualité pour cette soirée animée par des poètes, des comédiens, des chanteurs et des musiciens réunis par André Velter et Claude Guerre. Parmi eux, figurent Denis Lavant, Jacques Bonaffé, Claude Piéplu, Agnès Sourdillon, Benat Atchiari, Adonis, Jacques Darras.
Quelque 2.000 signataires, dont Jacques Derrida ou Michel Butor, opposés à la dispersion des objets d'art accumulés par le chef de file des surréalistes, à son domicile parisien du 42 rue Fontaine (IXe), de 1922 à sa mort, en 1966, ont signé une pétition à l'initiative du site web (remue.net).
Estimée à 30 M d'euros, la vente comprend plus de 4.000 lots dont des écrits et manuscrits de Breton, des toiles de Chirico, Picabia, Ernst, Magritte, Picasso ou Miro, des objets ethnographiques, des oeuvres naïves. Selon les spécialistes, il ne s'agit pas d'une simple addition d'objets d'art mais de "l'âme du surréalisme" façonnée par ce génial visionnaire de l'art qu'était André Breton.

10/03/2003 Opération réussie ce soir à la Mutualité
Au plus fort, nous étions une bonne quinzaine à distribuer le tract. Nous en avons sans doute distribué de l'ordre de 1000 à 1500 avec un bon écho.
Nous avons recueilli 99 signatures sur papier en rien de temps (on vous transmettra celles - ci, mais toutes n'ont pas de mail, et certaines sont peu lisibles). On aurait pu faire beaucoup mieux, mais au départ nous n'avions pas organisé la signature sur place.
Nos harangues publiques, et l'interpellation à haute voix du ministre, nous ont valu la visite de la maréchaussée, nous menaçant de verbalisation pour tapage !!!!
Vous aurez photos (y compris de l'intervention policière!) et vidéo de l'opération dès que possible.
Nos slogans étaient entre autres: agissez - ne laissez pas ce printemps se transformer en hiver de la poésie - signer l'appel Breton. Y-t-il un ministre, un ministère de la culture. La culture aux enchères. Ne laissez pas la poésie aux marchands. Soyez intransigeants avec l'amour, la poésie et la liberté. Ne laissez pas vendre les manuscrits et dessins de Nadja.
Attention danger : La fleur des amoureux, le dessin de Nadja, en vente à Drouot le 7 avril si vous ne réagissez pas. Donnez vous mauvaise conscience: signez l'appel Breton, Ne laissez pas brader Breton ...
Dès samedi au plus tard, prochaine opération (soit à l'expo Picabia, soit à l'expo Magritte). Nous avons besoin d'autres coopérations - toutes les bonnes volontés disponibles sont bienvenues. Nous donnerons les détails (lieu et heure).
Demain je serai à Clamart pour une distribution de tract dans le cadre d'une manifestation du printemps des poètes.
Dans les jours qui viennent on va essayer de préciser le programme (salon du livre bien sûr, mais on va aussi tenter de toucher directement des médias).
On vous tient au courant, bien évidemment.
Continuez fort de votre côté. Il faut que l'opération fax au ministère prenne de l'ampleur. Relancez, relancez ... Il faut toucher les institutionnels.
Yves Veyrier