Christophe Segas | Devenir pénombre

1.

J’étais l’enfant
qui n’avait pas appris
àcroire au désert -
l’enfant que la nuit
faisait trembler d’horreur -

Impatient de passer àautre chose
je voulais être déjàmà»r
sans avoir vieilli

2.

Saisir la viscosité du temps
sur des corps qui seraient
approximativement des êtres

Saisir les débris de conscience
déposés en poussière
au bord des chemins

Saisir la durée -
peine perdue

3.

Reflets écailleux
nuages
dernières rousseurs du jour
et les lames de ciel intercalées
qui s’éparpillent, tourbillonnent, se recentrent -

Miroirs suspendus aux branches

4.

La nuit aussi porte loin
les voix funambules

Beaucoup sont irisées, chevelure pétrole
certaines ont la saveur
du chant des mésanges

5.

Sauter d’une image de soi
àl’autre
n’être jamais le même personnage -
refuser le monolithisme de façade

Qu’alors je sois vide
pensée vide

6.

J’égare le corps
dans les structures en dur -

Pierres et peau mêlées
eau vive articulée
aux façades de verre
pensée incarcérée
dans l’ossature du vivant
ailes fragiles des images -

Voici le rêve d’absolue matérialité

7.

Me résoudre
àcontempler toujours
le même paysage
ciel et lave durcie
lumières inchangées -
me résoudre
àl’immobilité
sauf
clignements d’yeux
sauf
inspirations expirations -

Alors je pourrais
me jouer du jour naissant
et du crépuscule
pour devenir pénombre