L’imprévu RDV

Juste une intersection, et puis, à l’angle même, cette plaque bleue fixée au mur et qui ressemble à une faute de frappe.

Pourtant, aucun graffiti nocturne : simplement, les religieux Guillemites portaient de Blancs-Manteaux...

Et comment, alors, devant le nom du restaurant, ne pas penser à un célèbre tableau de Max Ernst ?

Dans ce coin du Marais, à Paris, pas encore de boutiques de design ou de vêtements de luxe. Un magasin vend des jouets, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie (4e), comme si c’était toujours Noël.

Finalement, ce qui est agréable ici, dans cet espace encore préservé de la foule et de la circulation, c’est l’impression d’être non pas hors du monde, mais hors de Paris : un lieu retiré (anciennement, des couvents), tranquille, où de rares passants font entendre leur accent américain.

Dans cette même rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, le 27 janvier à 15h.33, l’antenne de l’anpe (respectons la typographie de son nouveau logo) est fermée. L’adresse ne doit sans doute pas être très connue...

Pourtant, d’après Le Monde du 29 janvier, le taux de chômage en France atteignait, à la fin de l’année dernière, 9,9 % de la population active, soit un total de 2 909 500 demandeurs d’emplois.

Max Ernst parcourut la mouvance Dada avant d’être un peintre appartenant au groupe surréaliste : et même, par la suite, dit-on, il devint ardéchois !

Certes, nombre de restaurants se nomment « Le Rendez-vous des amis » : mais celui-ci, par la confrontation esthétique que son enseigne présente avec ce qui aurait pu être une sorte d’erreur littérale ou littéraire, nous plaît particulièrement...

"Le Rendez-vous des amis", Max Ernst, 1922.

André Breton (Le Surréalisme et la Peinture, Gallimard, 1965, page 162) :

« Peu après, Max Ernst - il portait ce jour-là une admirable cravate de velours noir un peu plus grande que lui puisque, le nœud correspondant à son cou, son visage se découpait sur le triangle supérieur, - m’a convié à une promenade dans Paris. Je n’ai pas besoin de dire que fut des nôtres le grillon des égouts qui, depuis Lautréamont, a charge de magnétiser les « florissantes capitales », hélas, et « les amène dans un état léthargique où elles sont incapables de se surveiller comme il le faudrait ». Nos pas nous portèrent vers le quai de Bercy, prématurément sombre, la Halle aux Vins parcourue de bouffées âcres, vertigineuses, le Châtelet où nous font la haie les appareils orthopédiques qui s’efforcent ingénieusement d’étayer l’homme, les abattoirs de la Villette où le ciel mire les blouses des toucheurs de bestiaux. Max Ernst regagna au petit jour le réservoir désaffecté où il avait élu domicile, vers l’endroit où les boulevards extérieurs coupent le canal Saint-Martin. Tout du long, à notre hauteur, une femme nue, au visage recouvert d’un loup, patinait sur place. Le calendrier marquait 1921-22-23. Deuxième commandement : Errez, à vos côtés viendront se fixer les ailes de l’augure. »

Trames :

http://www2.unil.ch/acvs/F/x40.html
http://www.angelfire.com/ar/ernst/max.html
http://maxernst.chez.tiscali.fr/Page_2.html
http://www.bruehl.de/index_max_ernst.htm

Dominique Hasselmann

7 février 2005
T T+