Roberta Dapunt [suite] | Le beatitudini della malattia | Poèmes



Ne me regarde pas quand tu manges, ne lève pas le regard,
tu pourrais croiser mon jugement et l’approuver.

Non guardarmi mentre mangi, non alzare lo sguardo,
potresti incontrare il mio giudizio e approvarlo.


*



Au bain

S’abandonnent àla vapeur dans l’intimité de l’eau
ta peau, ton cou, tes cheveux tressés.
Comme pour déposer un secret, la nudité qui rien ne feint,
les bras pliés ouvrent les mains àta poitrine,
elles cachent discrètes tes seins, leur pudeur.
Et tandis que je te lave tes cils s’assemblent
aux feuilles de sorbier en septembre.

Ton corps est le lieu loyal, des années accumulées,
livrées une àune, ici et laissées.
C’est une lèvre qui libère un réconfort sans voix,
ode émouvante que tu composes en silence,
entre terre et ciel, que personne ne sait et personne n’écoute.

Tu résous ainsi ton bain,
ta dignité exposée àmon regard.
Bientôt tu ouvriras les yeux en demandant àsortir,
avec peine nous lèverons ensemble ce corps.
J’attends ton accord en m’essuyant de ce triste observer,

nous sommes immergées, chacune dans son lavoir.

Il lavacro

Poggiano ai vapori nell’intimo dell’acqua
la pelle, il tuo collo, i capelli intrecciati.
Come a deporre un segreto, la nuditàche nulla finge,
le braccia piegate aprono al petto le mani,
nascondono ritrose i tuoi seni, il loro pudore.
E mentre ti lavo si abbinano le ciglia
e le foglie del sorbo a settembre.
È luogo leale il tuo corpo, degli anni depositati,
consegnati uno ad uno, lí e lasciati.
È labbro che libera un afono agio,
inno commovente che componi in silenzio,
tra terra e cielo, che nessuno sa e nessuno ascolta.
Risolvi cosí il tuo lavacro,
esibendo il mio sguardo la dignità.
Tra poco aprirai gli occhi chiedendo di uscire,
a stento alzeremo insieme questo corpo.
Aspetto il tuo consenso asciugandomi il triste osservare
di dosso,

stiamo immerse, ognuna nel proprio acquaio..


*


Cantique du frêne

Tu ne te plaindras pas, tu ne donneras pas la voix àla protestation,
tu n’auras pas àinvoquer un répit, tu ne craindras pas,
car en toi c’est l’arbre aux frondaisons vertes
qui ne sera pas coupé. Ils ne trancheront aucune branche,
ils ne fendront pas son tronc et ses racines
s’enfonceront
làoù sont tes pieds, où se posent les pas,
sur le sentier de tes artères le chemin
et ton temps dans les feuilles caduques et assemblées.

Avec lui en accord tu expliqueras le désert
et tu raconteras les forêts pluviales
et entre tes lèvres tu feras place au chant du merle,
tu révéleras aux oreilles l’écho de la paroi rocheuse,
aux yeux le bastion en pleurs d’un nouveau-né.

Et tu seras le fruit repenti du frêne que j’aime,
tu t’aimeras, dernier et premier,
toi dans la vérité de la vie de chacun, le dernier et le premier.

Cantico del frassino

Non ti lamenterai, non darai voce alcuna alla protesta,
non dovrai chiedere sollievo, non temerai,
poiché in te sei l’albero dalle fronde verdi
che non verràtagliato. Non troncheranno alcun ramo,
non fenderanno il suo tronco e le sue radici affonderanno
lí dove sono i tuoi piedi, dove poggiano i passi,
sul sentiero delle tue arterie il cammino
e dalle foglie caduche e composte il tuo tempo.
Che da esso concorde spiegherai il deserto
e racconterai le foreste pluviali
e tra le tue labbra darai spazio al canto del merlo,
all’orecchio rivelerai l’eco della parete rocciosa,
agli occhi il caposaldo in lacrime di un figlio nato.

E sarai frutto redento del frassino che amo,
amerai te stesso, ultimo e primo,
in veritàdella vita tu di ognuno, l’ultimo e il primo.


*


Jamais tu ne dispensas le repos, irrépressible cure
et tu ne t’asseyais pas àtable pour manger.
Tu restais debout, je te disais de t’asseoir
et comme par un commandement tu t’installais.

Che mai spargesti riposi, infrenabile accudire
e non sedevi al tavolo per mangiare.
In piedi stavi, io ti dicevo di sedere
e quasi fosse un comandamento ti accomodavi.


*


Tandis que moi et toi, collées àla lumière du jour,
après jour. À attendre un changement du vent
entre les cheveux relevés, toutes les deux.
Je sais que tu penses au ciel, il est là
dans tes yeux d’abandon. Tu regardes là,
où rien n’est jamais advenu, pas ce en quoi tu crois.
Ça importe peu, et même rien. Tu serais néanmoins contente.

Mentre io e te, qui incollate alla luce del giorno,
dopo giorno. Ad aspettare un cambio di vento
tra i capelli raccolti, entrambe.
So che tu stai pensando al cielo, sta lí
dentro al tuo abbandono di sguardo. Guardi lí,
dove niente è mai accaduto, non ciò in cui credi.
Poco importa, nulla anzi. Saresti grata comunque.


*


Des pleurs

Les pleurs dans l’étable
mélangent humilité et dépit. Dissonances vues
dans les yeux des bêtes,
quand leur indolence est figée. Ou du moins on le dirait.
C’est pour moi et j’en suis certaine, ma mélancolie
se reflète dans leur dense regard.
Rien que moi, donc. Tandis qu’elles détournent leurs yeux
en direction du foin. En mangeant, en mangeant.
Ruminant, ruminant.

Del pianto

Il pianto in una stalla
confonde umiltàe scontentezza. Dissonanze guardate
dentro agli occhi delle bestie,
mentre è fissa la loro indolenza. O forse cosí sembra.
È per me e di questo sono certa, la mia malinconia
a riflettersi nel loro compatto guardare.
Dunque, solamente io. Mentre loro voltano lo sguardo
al fieno. Mangiando, mangiando.
Ruminando, ruminando.


*


Trois lignes au néant

J’ai la neige en moi, glacés les membres et la mort,
elle dort autour de moi, indifférente
et elle ne comprend pas le froid. Elle ne le sent pas.



Tre righe al nulla

Ho la neve dentro, ghiacciate le membra e la morte,
essa mi dorme intorno, indifferente
e non comprende il freddo. Non lo sente.


*


Que tu puisses tenir serrées dans ton esprit
les oraisons quotidiennes, les vêpres et les mémoires.
Que dans chaque espace de ton cœur soient concubins
les mystères des rosaires et les chansons,
du temps où dehors dans l’herbe qui séchait, tu chantais.
J’ai pensé lors de ce premier été :
si j’étais la foi je te choisirais comme forteresse.

Che tu possa tenere strette nella mente
le orazioni quotidiane, i vespri e le memorie.
Che in ogni spazio del tuo cuore siano concubini
i misteri dei rosari e le canzoni,
di quando fuori tra le erbe a seccare cantavi.
Ho pensato in quella prima estate :
fossi io la fede sceglierei te come fortezza..

Tiré de Le beatitudini della malattia
(Einaudi, 2013)

28 mars 2024
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