prison et littérature / deux approches, deux témoignages

Philippe Claudel / Le bruit des trousseaux

Sur le trottoir, la première fois où je suis sorti de la prison, je n'ai pas pu marcher immédiatement. Je suis resté là, quelques minutes, immobile. Je me disais que si je le voulais, je pouvais aller à gauche, ou bien à droite, ou encore tout droit, et que personne n'y trouverait rien à redire. Je me disais aussi que si je le voulais, je pouvais aller boire une bière, ou un Ricard, ou encore un cappuccino dans n'importe quel bistro, rentrer chez moi et prendre une douche, deux douches, trois douches, autant de douches qu'il me plairait. J'ai compris à ce moment que j'avais vécu jusqu'alors dans la jouissance d'une liberté dont j'ignorais l'étendue et les plus communes applications, voire même l'exacte et quotidienne dimension.

Michèle Sales / La grande Maison (un extrait)

Les fêtes sont des période dures à passer dans les prisons, et parmi les fêtes, Noël est la plus dure. Même les endurcis ont une mémoire, et dans la mémoire une enfance, une famille, le sentiment d'avoir ici encore quelque chose à faire, quelque chose de différent des jours ordinaires. Pourtant ce jour-là le personnel aussi fête Noël, c'est service minimum. Il y a juste l'aumônier qui vient dire la messe, et bien sûr il fait salle comble, tous confondus, chrétiens, athées, musulmans.

Ce qui se dit, c'est que l'idée de suicide, la tentative, rodent encore plus fort. A Noël, en prison, on a envie de mourir, ou de dormir pour tout oublier, effacer de la mémoire la moindre trace. A Noël, en prison, on n'exige pas des prisonniers qu'ils se lèvent.

ateliers d'écriture / deux mises en ligne exceptionnelles

Michel Séonnet / Une part de la vérité du monde

dans un "Centre", dont il n'est dit nulle part où il se trouve, sauf que c'est un "centre", huit femmes se retrouvent un après-midi chaque semaine pour écrire

un texte d'Alberto Giacometti sert de partage - la notion de visage - et comment ses propres visages de mots s'en vont vers les mots des autres.

Leslie Kaplan / Les Cafés Parlés

"Quelle vie", c'est le nom de projet pour lequel, d'octobre 2000 à février 2001, une semaine sur deux, dans le Val de Nièvre, près d'Amiens, Leslie Kaplan est présente lors d'une discussion collective sur un thème choisi à l'avance. Elle prend des notes, et rédige ensuite le texte de ce "Café parlé". Imprimé sur un flyer, le texte est distribué au marché du samedi suivant à Saint-Ouen.