Le vent de l’impermanence

Depuis Le voyage de Sainte Ursule (Gallimard, 1974), qui fut pour moi une révélation, et dont j’ai gardé en mémoire certains vers, tels que ceux de la « Simple ballade pour Maud Gonne », Paul Louis Rossi n’a cessé d’être pour moi l’homme qui erre dans une légende ou dans des mots, le poète des « horizons égarés ». Le livre qui nous parvient aujourd’hui, publié aux éditions Obsidiane, est là pour nous rappeler que la poésie nous aide, comme il l’écrivait en introduction au voyage d’Ursule, à « retrouver les allées et venues de nos périples, avec les hésitations, les élans, et ce murmure qui traverse toutes les contrées, qui semble peu à peu nous livrer notre propre histoire comme une eau mouvante qui brille, pour nous la montrer un instant et tout de suite après la faire voler en éclats, à l’image de la fable indicible. »
Ainsi, toute la première séquence, qui donne son titre à l’ouvrage, nous apporte-t-elle, une fois encore, ce que j’ai autrefois appelé une « preuve de poésie. » Le voyage de Sainte Ursule est devenu, ici, récits d’explorations chimériques. Le « voyageur intrépide » se nomme Alfred Pinard, ou mieux encore Aldebert de Chamisso, et l’on comprend la fascination que celui-ci a pu exercer sur Paul Louis Rossi quand on sait qu’il est l’auteur d’un livre extraordinaire intitulé L’homme qui a perdu son ombre !
Une « preuve de poésie » ? Comme je l’avais écrit à propos de Faïences (Flammarion, 1995), cette preuve nous est donnée « par l’invisible ». Elle tourne autour de l’objet comme langue de l’être dans la mémoire. Celui qui marche vers les horizons égarés, il peut saisir les mots qui lui avaient échappé. Il suffit d’un souffle d’air pour lui ravir l’esprit. Pour être éveillé du sommeil et du silence, il faut que chaque mot retrouve son innocence et sa fraîcheur, sinon comment les prononcer, tous ces noms des divinités ? Et c’est ce souffle de fraîcheur à nos tempes que nous éprouvons à la lecture des Brûleuses d’algues, la séquence centrale, et plus encore dans les dernières pages, magnifiques, de Méditations, Rivages :
ne sont
que de rêves […]
le vent de
l’impermanence
ne choisit pas l’instant
l’ombre
suit
la forme
ne se promène
sans un masque
la mémoire est pour lui
seul comme le miroir
d’une mélancolie
à la clarté de la lune qui a franchi les crêtes,
de rosée sur la feuille fugitive
une dernière goutte : votre histoire
viendrez-vous sous mes yeux la revivre ?
Et songeant à son propre destin :

de ma destinée

inconnue

je


