Laurent Grisel / Changeons d'espace et de temps
suite 1, "Depuis toujours"

 

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Laurent Grisel, photo Philippe De Jonckheere

Nous avons accueilli pour la première fois Laurent Grisel sur remue.net à la parution de Nasse, poème dont le choix était d'emblée celui d'une publication en quatre langues, à laquelle vient de se rajouter l'Italien.

Travaillant à un ensemble poétique structuré dans un vaste projet global, Laurent Grisel nous a proposé la publication Internet de Changeons d'espace et de temps, poème composé de huit suites, elles-mêmes divisées en propositions formelles récurrentes, appelées par un sous-titre commun (musiques, en douceur, contre, etc...). Nous proposons ci-après la lecture html de la première de ces suites, "Depuis toujours", et en version PDF l'ensemble des huit suites.

lire la suite "Depuis toujours":
musiques ___ exploration ___ proposition ___ en douceur ___ contre
ou lire Changeons d'espace et de temps, version intégrale, en version PDF

La Nasse, extrait, présentations et liens d'une tentative multilingue à partir d'un dialogue Pierre Bourdieu et Hans haacke.

Du point d'astrakan : aux éditions du Lérot, Laurent Grisel publie "Une anthologie", cinq explorations formelles d'écriture, dont celle-ci à partir de l'art du tricot...

Mort & vif: printemps 2004, Laurent Grisel intervient dans une classe de lycée à Epinay-sur-Seine, cartable chargé de poètes... Réflexions, notes, et quelques textes d'élèves...

Laurent Grisel a créé le site poesieschoisies.net, où on trouvera une exploration graphique de poètes majeurs, dans une proposition virtuelle originale très complète, à l'opposé de l'habituel butinage Internet

Lors de la récente disparition du poète Cid Corman, Laurent Grisel s'était chargé de l'hommage sur remue.net. A lire aussi, autre hommage, cette fois aux écrivains ouvriers (Turquin, Malva, Navel...)

contact et courrier Laurent Grisel possible via le site

récapitulatif liens et bibliographie Laurent Grisel

Sur remue.net
UNE ANTHOLOGIE, quatrième partie, Du point d’astrakan
LA NASSE, quatrième partie, Sortir.
Le non-coopératif :
http://www.remue.net/revue/TXT0207Grisel.html
Truquin, Malva, Navel, trois écrivains ouvriers
CHANGEONS D’ESPACE & DE TEMPS, suite 1, Depuis toujours, remue.net, revue été 2004 ; suite 2, À la rencontre, revue Décharge, été 2004 (L’idée bleue éditeur), http://membres.lycos.fr/decharge/.
Joël Cornuault, ANDRE BRETON & SAINT-CIRQ-LAPOPIE, Plein Chant (16120 Bassac), 2003, un compte-rendu en tandem avec Laurent Margantin :
http://actu.remue.net/2003_07_01_archivLIVRES.html

Sur d'autres sites
Brèves bio et biblio, et un poème sur la « poéthèque » du Printemps des poètes :
http://www.printempsdespoetes.com/le_livre/moteur.php?fiche_poete&cle=204
http://poesieschoisies.net/
Fait partie du groupe Réflexe :
http://www.horschamp.org/rubrique.php3?id_rubrique=4Bibliographie
POEMES BREFS, POEMES FACILES A LIRE; La Font Secrète, VII, Plein Chant éd. (Bassac, Charente) Plein Chant ; Du Lérot éd., Tusson (Charente), 1985.
LA NASSE, DIE REUSE, LA NASSA, THE FISHTRAP (texte original et traductions en allemand par Rüdiger Fischer, en italien par Fabio Scotto, et en anglais par Cid Corman), Éditions en Forêt, Rimbach (Allemagne), 2002.
S'EN SAUVER, Wigwam éd., Rennes, 2002.
Un poème extrait de S’EN SAUVER sur le site de Philippe De Jonckheere, Désordre :
http://www.desordre.net/invites/grisel.htm
wigwam : http://assoc.wanadoo.fr/alidades.librairie/criwigwa.htm ; maison d’édition animée par Jacques Josse : http://www.remue.net/RK/29_Josse.html
QUI NE DISENT MOT, in revue Triages, Tarabuste éditeur, décembre 2004.
UN HYMNE A LA PAIX (16 FOIS), manuscrit peint, avec Anne Slacik, septembre 2004.
Avec Rüdiger Fischer, version française de : Cid Corman, PITH WATER / EAU-FORTE / WASSERFRAFT, Éditions En forêt, Rimbach, Allemagne, 1998. http://www.verlag-im-wald.de/francais/corman.htm
LE JUGEMENT EN POESIE (en collaboration avec Roger Gaillard), Écrire & Éditer, hors série n°1, Vitry, juin 1995.
http://www.calcre.com/ouv_prat/?page=005
UNE ANTHOLOGIE, Du Lérot éditeur, Tusson (Charente), 1996.
LES JARDINS DE RENE PECHERE (photographies de Sylvie Desauw), Archives d’architecture moderne, Bruxelles, 2002.
http://www.aam.be/fr/edit_lvres_uni033.html
http://www.bvrp.net/

Depuis toujours
© Laurent Grisel ___ Changeons d'espace et de temps, 1ère suite ___ ce texte est dédié à Véronique Perrin ___

 

Musiques
Un magma qui n’est pas indifférent.
Des débris qui ne sont pas n’importe quoi.
Du bruit qui n’est plus le bruit.
La foule qui n’est jamais la foule —

mais l’événement certain d’exister
un chant en train de se former.

Le dissemblable au semblable s’accorde :
coopèrent — s’arrangent entre eux.
Le cinq est engendré par les quatre : il est
ce qui les regarde — sans arrêt.

Et parce que c’est ainsi, un écoulement,
y plonger — à n’importe quel moment ;
se noyer, interrompre, surnager en avalant de l’eau,
s’y défaire, bafouiller ; laisser rouler.

Métamorphose dans le bain de sons :
se transformer en poisson, peau étendue
longtemps vibrante, cadencée.
Chanter. Parce que c’est maintenant.

Et la ligne de chant : maintenant
vers l’autrefois, vers le jamais, vers ce qui
ne fut plus et sera ce qu’en feront
nous — ce qui dans sa mort se tait.

Les nuances ; les nuances sont vitales.
Allez, on recommence.

 

(Exploration)


Partir avec pelle et pioche et se petisser,
se glisser dans le boyau, s’apaiser —
devant, on fait sonner la roche —
oublier la surface, entrer, paix

dans la pierre, cristal, arêtes opposées
deux à deux, je te regarde et tu regardes
qui te regarde qui regarde qui —
force dure, rien d’autre —

ê tre l’enfer qui refroidit lentement
de proche en proche, spirale, trouve
sa forme d’équilibre propre —
et chante, identiques, ses notes uniques

tenues en montée, haut, emplissant l’air
superposées, arrêtées, quel que soit l’instant
toujours montantes — nous entraînant hors
où le temps est en fragments, habités.

 

*

- N’écoute pas, ils sont trop bêtes ;
Crois-moi, tu vaux mieux que ça.
- Je ne vaux rien.
- Allons ! Pour qui te prends-tu ?

- Sûrement pas pour quelqu’un.
Ce que je viens d’essayer, qui le recommencera ?
Si je mens même qu’un peu, qui me reprendra ?
Si je m’emporte, qui me prendra le bras ?

 

(Proposition)

On va d’ici. D’ici-bas. On s’en va. On soulève
le plafond. On le laisse s’élever ; Partir ;
La pièce grandit. C’est haut. C’est
pas chez moi. Non, pas moi qui grandis.

On ne serait plus absent. Ici maintenant
s’attarde. S’étale. Change d’allure :
indéfiniment grande. Accueille l’instant
venu de loin — sonnant longtemps.

Ce que chacun a vu, l’autre le voit
et plusieurs fois, de plusieurs côtés
en même temps — l’accord se fait
se recompose en dehors de nous —

coïncidences produites à tout moment,
reprises du passé, allées au futur,
alignements exacts dans toutes les dimensions —
bulles, grains, foisonnements — cela.

 

*

Abandonner la hâte, l’impatience
renoncer à la force, aux à-coups
se mettre dans l’axe, saisir bien ; un, deux
trois — tirer, ensemble : glissant doux.

 

(En douceur)
Naturellement dense, concentrée
et qui ne se dilue pas —
attendre, attendre très longtemps
que cela fasse son chemin,

que s’accommodent autour
attentes, attentions, que grandissent
les mains, que s’élèvent
les places, les rassemblements —

et que cela soit par frottements,
par bousculades répétées, épaule
contre épaule, mille excuses, pardon !
Ç a va, ça ira —

et qu’enfin on ait grande cavité,
rire commun, connivence — là,
comme si depuis toujours
il en avait été ainsi

 

Contre


Contre quelques-uns.
Nous indéterminés (dans l’air, dans la lumière).
Comme si de rien n’était.
Vite, sur une pente douce.