Peleg Poague & Billy Lee (cheval)

153 Peleg Poague [Edgar Lee Masters, traduction Général Instin]

Les chevaux et les hommes, c’est pareil.
Prenez mon étalon, Billy Lee, 153b
noir comme un chat et svelte comme un daim,
un œil de feu, prompt àpartir,
capable de battre àla course
n’importe quel cheval de la région.
Mais alors qu’il semblait ne pas pouvoir perdre
avec son avance d’au moins cinquante yards,
il se cabra et éjecta son cavalier
et chuta en arrière, tout emmêlé,
complètement en morceaux.
Vous voyez, c’était l’arnaque parfaite :
il ne pouvait pas gagner, il ne pouvait pas travailler,
il était trop léger pour tirer ou labourer,
personne ne voulait de ses poulains.
Et le jour où j’ai essayé de l’atteler — eh bien,
il s’emballa et me tua.



153b Billy Lee, cheval [Christine Jeanney]

Je ne savais pas, je ne savais rien.
Je n’étais pas un chien, je n’étais pas
un serpent.
Je n’étais ni un aigle
ni truite ni saumon. Je me tordais
et bougeais sans savoir,
sans pouvoir fuir, brà»lé et – décomposé de
doute – je me parlais. Car j’avais en tête
ma parole : « Peux-tu te hisser sur le sol,
arrachant des herbes les racines, frappant
les branches de ton souffle, illuminant
la nuit de tes prunelles ?  » Je me tançais.
J’allais, répétant, tournant au bout d’une
corde, gueule baissée dans la mangeoire,
souffle coupé, répétant, répétant sans
cesse « Je ne suis ni chien
ni serpent ni l’aigle funambule
ni la truite arc-en-ciel ni homme à
veste de cuir, àgestes de cuir, àfouet
de lanières de cuir tressées.  » Je me
disloquai. Ne sachant Qui, ne sachant
Quoi, je suis mort
sous le feu, le pistolet
contre ma tempe,
entendant pour tout
derniers mots
« Crève, saleté de...  »



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25 janvier 2017
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