plus belle est la page, plus grand est le désastre...
Sur ses terrasses, Francesco Biamonti cueille un citron doux rescapé de l’hiver, choisit les prunes et les pêches les plus mûres, commente les différentes espèces de mimosas, loue le vin des « terres blanches ». Conversation anodine ? Elle se prolonge dans les silences, comme chez ses personnages : « Edoardo ne répondit pas : il regardait un fragile amalgame : un papillon sur une fleur ondoyante. » Il parle de la musique d’Olivier Messiaen dont il accompagne ses nuits, qui divinise les oiseaux, les bruits de la nature : le violon ténu et lointain et le pas lourd de l’homme. Il parle aussi de l’impossible tâche de l’écrivain qui voudrait traduire le chant des sirènes.
Ce chant que l’on ne peut entendre sous peine de mort et que pourtant, parfois, dans quelques mots très simples, on croit parvenir à capter. Constant et fragile défi à la mort.
« Faulkner disait que chaque page est un désastre, et que plus belle est la page, plus grand est le désastre... Pour moi, écrire est un désastre lumineux. »
Attente sur la mer (Attesa sul mare), roman, Seuil, Paris, 1996 ;
Les Paroles la nuit (Le parole, la notte), roman, Seuil, Paris, 1999.
in Le Monde du 20/09/96