André Markowicz | Un entretien aléatoire (11)

Les chariots crissent crissent
Les chevaux s’ébrouent s’ébrouent
Chaque conscrit a son arc et ses flèches

Pères et mères femmes et enfants

Le défilé lève tant de poussière

Trépignant s’accrochant à leurs habits

L’écho des pleurs monte droit jusqu’au ciel

Un homme est là sur le bord de la route

Le conscrit ne lui fait qu’une réponse :

Certains ils ont quinze ans on les envoie

Et même à quarante ans requis à l’Ouest

Quand ils partent le chef de leur village

Ils reviennent ils ont les cheveux blancs

Aux frontières là-bas le sang qui coule

L’empereur belliqueux poursuit son rêve

Vous n’avez donc pas vu, monsieur,





Les milliers de villages de hameaux

Et nous avons pourtant des femmes fortes

Mais des semis poussent sur les remblais

Loin de chez eux les fantassins chinois

Si nous étions des chiens ou des poulets

Quand bien même un ancien nous interroge
À qui donc un soldat peut-il se plaindre ?
Mais cet hiver monsieur vous savez bien
Les régiments s’en allaient tous à l’Ouest
Le collecteur d’impôts qui se présente
Les impôts les impôts comment payer
Mieux vaut ne pas du tout avoir de fils
Il est plus rassurant d’avoir des filles
On peut marier sa fille à un voisin
Votre avenir si vous avez des fils

Voyez-vous aux frontières du Tibet
Ces ossements blanchis sans sépulture
Les jeunes morts ulcérés d’injustice

Le ciel est noir et la pluie nous transperce







Note :
Poursuivant mes aventures chinoises, j’ai établi ce texte, comme pour le poème de Wang Wei, à partir de différentes sources.
- Un mot à mot de Mark Alexander, sur son site internet : www.chinese-poems.com. Mark Alexander a publié ses traductions en volume : A little book of Du Fu, 2008-2010.
J’ai également étudié une série d’autres traductions, parmi lesquelles je citerai :
— Une mouette entre ciel et terre, poèmes traduits du chinois par Cheng Wing fun et Hervé Collet, Moundarren, 1995, p. 62-63.
— F. Ayscough, Tu Fu, the autobiography of a chinese poet, arranged from his poems and translated by Florence Ayscough, 2 vol., vol, 1. p. 101-102.
— Vikram Seth, Three chinese poets, Wang Wei, Li Bai and Du Fu, Harper Perennial, 1993., p. 48.
— David Young, Du Fu A Life in poetry, Alfred A. Knop, New York, 2010. p. 43.
Et les trois différentes versions de l’anthologie classiques des Trois cents poètes Tang.
— Three hundred poems of the Tang Dynasty, 618-906, a Translation with Notes and Commentary of the Study and Appreciation of the Chinese Poems. Translated by Witter Bynner, Book World Company, s.d. Taïpei, p. 169.
— 300 Tang Poems, translated by Innes Herman, The Far East Book Co., Ldt, Taipei, 1973, 2000.
— Three hundred Tang Poems, translated and edited by Peter Harris, Everyman’s Library, Pocket Poets, 2009, p. 55