Virginie Gautier | Les déprises

Lecture de Virginie Gautier le 26 janvier 2019
Photo Mathilde Roux
Les déprises (enregistrement micro)
Virginie Gautier/SECONDA (2019)

Le texte des déprises est publié strophe par strophe dans la revue Hors-Sol. Les trois premières strophes sont reproduites ci-dessous


Départ à l’aube          où tout est provisoire          démontable          grossièrement ficelé
          articulé          roulant sur roues     déplacé par une troupe de l’autre côté d’un barrage          d’un fossé          on sort des ornières un camion          on cherche un point d’accroche          de chute          une forêt          une piste indienne en particulier          qui se détourne          lustrée par les pas des chasseurs          un lac          avec une bordure où l’on puisse fredonner          en trottant comme sur un cheval          en récitant des vers          les plus démunis sont les plus légers          les plus légers les moins saisissables          les plus dispersés          _cette terre d’abord si étrange          si pleine de bruits          zébrée de bois sauvages          des restes d’un feu ils ont fait leur destination          dorment sur des tissus tendus capitonnés de feuil-



 -capitonnés de feuilles          à peine arrivés          la zone          envahie          à leurs manières légères          ils donnent l’eau aux chiens          d’un bidon          touchant terre          les pointes des pieds déchaussés dans l’humide          sur l’herbe des marais où glissaient les pirogues          [petites pirogues pour chasser l’oie sauvage]          un bout abandonné du monde          l’occasion est trop belle          pour eux          qui ont tourné longtemps          la terre gratuite          cri des crapauds          dans l’air tapage nocturne          ils ne savaient rien de ça          du peu qu’il faut          des branches à feu dites fagots          paroles en bouche à oreille          un cercle autour          lumière vacille          l’île est aux rats          aux rats les miettes           bientôt tailleront pics pilotis          pont de planches          échelles connues pour leur solidit-


 -leur solidité          le coupant de la hache          le pied de biche          l’huile de coude          la palette du même bois que le bois de l’arbre          à bras le corps          le hangar          en coque de bateau          en écailles          petites peaux          du même tonneau          le dos cintré tirant l’arc           arquant la tige          le piège          cette chose bien pesée disposée à distance          sur la litière forestière qu’ils traversent en courant          trois bonds sorciers          les longues pattes          les manches relevées          perdent des plumes puis s’arrêtent          devant un tertre          une chose à défendre           _ici les carnivores feront les mammifères          les mâles les femelles          les plus malins les amphibiens          les historiques de l’histoire continuent de creuser          écorcent des troncs d’ivoire          avec les mains ramassent          des résidus des graines          faisant le geste de s’approvis-          

8 juin 2019
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