Jennifer K. Dick | Betwixt

Si seulement il m’était possible de voir les signaux dans le smog

Grève. Les transport publics nous remontent côté surface, Orphée, et ma vision ressemblant àcelle d’une taupe est un vide, un brillant. Peux-tu me conduire sur la ligne A, me faire sillonner Manhattan, ou le 13e arrondissement ? Ce sont des chemins que j’empruntais, que j’ai empruntés. Doigts parcourant le calcaire jaune. J’imite ton chant et ta voix virevolte, un nuage vert. Il n’y a pas de pastorale dans la putain avec qui je couche au premier étage d’un asile de nuit délabré et moisi de la rue Saint-Denis me faisant passer pour toi, un homme àla mer, lofé, m’entraînant àreculons haletant crachat noyée pelage de chat collé aux côtes. Son manteau de lapin enragé traînait après contournement des marchés du coin. Laisse tomber. Vas-y franco. Se bagarrer avec les meilleurs d’entre eux, je dois dire, c’est entendu, ceci marchant pour la prochaine baise, la prochaine, 5 dollars la touche, 100 donnent droit àune pipe. Que ne ferais-tu pas pour prendre ton pied avec moi ? Elle ne sait pas, dessine un X sur la carte quand je demande où aller.

If only I could see the signage through the smog.

Strike ! The public transportation hoists us surface-side, Orpheus, and my mole-like vision is a blank, bright. Can you lead me forth along the A-line, cut me up and down Manhattan or through the 13th arrondissement ? These are the paths I’d take, I took. Fingers along yellow limestone. I mime you singing and your voice hovers, a green cloud. There is no pastoral in the hooker I bed in a rotted-out mouldy two-floor flophouse off St Denis pretending I am you, man overboard, keyhauled, dragging me back out gasping spittle drowned cat fur stuck to my sides. Her rabid rabbit coat trailed after rounding corner markets. Give it up. Lay it on the line. Throwing down with the best of ’em, I gotta say, this is a bargain, this going in for the next lay, the next, 5bucks a pop, 100 gets you a suck job. What wouldn’t you do to get me off ? She doesn’t know, draws an X on the map when I ask where to head.

*

Post-mortem : tiroirs vidés, localisés : des mots Coney Island griffonnés àOrphée

Voici une liste. Ou ce n’est pas une liste. Pour : qu’elle revienne. Joue la musique. Pour : jouer la musique qui est assez bonne pour qu’elle revienne. Pour : être résistant. Pour ne pas : être trop curieux. Pour réfléchir à : un pacte avec le diable au carrefour pour le droit au commerce. Pour : faire un échange au bon moment lors du cycle lunaire. Pour ne pas : être dérangé par parents, cousins, tantes, oncles, amis d’enfance, ce politicien dont tu es peut-être responsable de la présence. Jamais : ne mange rien qui te tente. Comme en rouge, autrement connu comme. Rougeoiement. Pour : savoir qu’elle attend. Entravée. Rêvant de toi, c’est sà»r. Pour : lui apporter des fleurs. Pour : lui composer un chant. Pour ne pas : fléchir. Pour être absolument sà»r de ne pas, de ne jamais, vraiment, c’est l’une de celles dont personne ne se souvient de dire mais entendu par source, même légèrement sénile, digne de confiance : regarde Charon dans les yeux. Ignore l’eau. Pour voir : les vagues. Pour : ne penser qu’àelle. Pour ne pas oublier : qu’elle est. Pour : savoir ceci : la balance penche en avance...

Post-mortem : Cleared out the drawers, located Coney island scrawled notes to Orpheus

This is a list. Or it is not a list. To : get her back. Make music. To : Make music that is good enough to get her back. To : Be resilient. To not : be overcurious. To consider : a bargain with the devil at the crossroads for the right to trade. To : make the exchange at the right time in the lunar cycle. To not : get distracted by parents, cousins, aunts, uncles, childhood friends, that politician you may perhaps be responsible for being down there. Never : eat anything tempting. As in red, otherwise known as. Blush. To : know she is waiting. Tied up. Dreaming of you, surely. To : bring her flowers. To : compose her a song. To not : waver from the plan. To be absolutely sure not to, no not ever, really, this is one of those no one remembers to tell anyone but heard from reliable, if slightly senile, source : look Charon in the eyes. Do : Ignore the water. To see : The waves. To : think only of her. Not to forget : she is. To : know this : the scale is titled forward...

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Jusqu’ici retard en escabosetage

Dans l’ec—, ec —, ectoplasme de l’écho, de l’ego, la vague du concerto hivernant dans l’exssscentrique aaah oscillant, un hurlement ou rétrécissement pour, envelopper, coupe-le. Il vibrate, attendant. Orphée, autrement dit, extirpé. Pianissimo, fortissimo. Sur une autre insupportante république née d’un poids lourd cette route, signless, aurait dà» lui montrer jadis un autre, piétiné, moi (gorge serrée) indigné de (confiance). Empoté et silencieux, interrogeant sa propre oreille, bouche ouverte, vague. Cette note. Ça note. Science ou voix de casserole bleue clair. Merde, elle/il s’imagine contralto. Ils reculent d’un même pas, sans corps se courbant, repliés dans la vitesse vacillante des ténèbres qui avancent en avant de lui/d’elle son regard projeté dans un paysage d’ombres. Listage oreille tendue pour sifflement perfide, pas regarder, car pas vu, Éc, Éc, Écho pleurnicheuse avec eux deux, couinement. Perchés, lissent, mélopant, hésitant. Ce brà»lant telle une maison des enfers, elle le dirait si elle le pouvait, Eurydice, éclipse excentrique ecclésiastique du son. Sous le lest, formation d’un ordre moindre, une syllabe semence entre rails attache tente. Traces exultant.

Heretofore slippage in the stepladdaring

In the ec-, ec-, ectoplasm of the echo, the ego, the concerto’s wave wintering in the exssscentric wavering eeek, a shriek or shrink to, wrap, cut it up. He vibratos, waiting. Orpheus, that is, extirpated. Pianissmo, fortissimo. On any other unbearing load-born republic this road, sans signage, should have proved him long ago other, that is squelched, untrusted (worthy) self (gulp). Gawky and soundless, sounding his own ear out, mouth open, inchoate. That note. That’s not. Science or clear blue warbler. Shit, she/he feels contralto. They back up together, bodiless curving, folded in the flickering lick of dark ahead heading of him/her eyes face forward in the shadowscape. Cock-eared listing for the serpentine hiss, not to glance, because not-seen, Ec, Ec, Echo wimpering with each of them, squeal. Roosted, preen, keening hover. This hot as a hellhouse, she would if she could say it, Eurydice, eccentric ecclesiastical eclipse of sound. Below the ballast, subgrade formation, a syllable sprout between rail ties tries. Trails exultant.


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L’auteure : Jennifer K. Dick a grandi àIowa City, Iowa et réside actuellement àMulhouse où elle est Maître de Conférences àl’Université de Haute Alsace. Elle est l’auteur de :
No Title (Estepa, 2015),
Conversion (Estepa, 2013),
Circuits (Corrupt 2013),
Betwixt (Corrupt 2011),
Tracery (Dusie Kollectif, 2012)
Enclosures (Blazevox ebook, 2007),
Retina / Rétine (Estepa, tr Rémi Bouthonnier, 2007),
Florescence (University of Georgia Press, 2004)
Et 3 manuscrits àparaître : CERN, Lilith et That Which I Touch Has No Name

Elle a également co-dirigé 2 livres sur la traduction en sciences sociales, organise un cycle de lectures bilingues àParis, est « poetry editor  » pour Versal magazine (basé àAmsterdam), co-organise « Ecrire l’Art  » mini-résidences pour des auteurs français àla Kunsthalle-Mulhouse et tient un blog perso. Jennifer sera l’auteur en résidence avec la Kunsthalle-Mulhouse centre d’art contemporain et Kunsthausbaselland àBâle de 24 novembre-8 janvier 2017.

Le traducteur : Christophe Marchand-Kiss, auteur et traducteur, est né en 1964. Il est le co-fondateur de la revue de poésie Zoom-Zoum et a dirigé la collection de poésie “L’Œil du poète†aux éditions Textuel. Il a fait publié des livres de poésie, de biographie et d’essais. En tant que traducteur, Il a traduit des ouvrages de Herman Melville, Edgar Poe, Gertrude Stein, William Carlos Williams, John Cage et Peter Greenaway, entre autres.

3 janvier 2017
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