Ne pas faire l’effort d’écrire

Ne pas faire l’effort d’écrire.
Écrire librement avec des mots clefs, les mots comme ils viennent, ne pas perdre le temps de les arranger, enjoliver.
Comme les lettres que j’(e t’) écrivais, mots qui coulent à flot, sans retenue.
Lettres que je n’ai plus jamais écrites quand l’insouciance s’en est allée.
Trop à découvert ?
Comme à la chasse, violence de la fin de l’insouciance
insoutenable
Est-ce par protection ?
Impression que les mots découvrent, exposent bien plus que le dessin.
Possibilité de se cacher dans le dessin.
Les mots sont trop précis quand le dessin est large, généreux, il ouvre.

Petite, mon père se demande si je suis bête.
Décalée, ailleurs avec les autres.
Mon regard tourné à l’intérieur.
Ultrasensible.
Parfois je m’ennuyais avec les autres, encore maintenant…
J’attendais
Évadée, ma pensée
« Une sauvage » comme disait ma mère
Mon imagination, meilleur et pire ennemie
Solitude, meilleur et pire ennemie
Toujours se cacher
La résidence, se dévoiler, se faire violence, s’exposer.

Assumer sa singularité comme une chance
Cesser de la camoufler
les contours deviennent trop lisses, trop sage
Comme mes dessins que je gommais jusqu’à la perfection, enlevant toute la vérité, l’émotion dans la maladresse du premier trait.
Dans ma famille notable de campagne, je suis sœurs, j’ai deux sœurs, élevées, habillées identiques.
Comme dans un moule, gommer la différence, uniforme.
Dressée comme un animal
Et un rang à tenir, rituels, codes de conduite et politesse
Lourdeur des conventions, privation de ma liberté.

Le travail avec les enfants, cueillir une certaine fraicheur, du préservé
Avant la pression, rentrer dans le rang
Avant emprise de la société normative, contrainte sociale.
L’école exclut l’individuel
« Tu » devient « vous »
noyée dans le groupe, dissoute
sortir la tête de l’eau.

Retrouver l’autre réapprendre comprendre que ce n’est pas un ennemi
L’autre n’est pas un danger.
Chez les animaux espèce menacée
Retour à l’autre
Vérifier l’individuel, l’universel
Mes propositions en illustration sont singulières, comme moi, allergique aux codes, normes, règles.
Attirance et rejet des formules de la langue françaises
Certaines imprimées en moi depuis l’enfance, resurgissent, souvenirs de famille.
Terre à terre.

Mes dessins me racontent
Écoute tes dessins
Rangé dérangé
Ma chambre, fille parfaite ?
Mes dessins, artiste ?
L’expo de fin de résidence
D’accord, je suis dérangée.

Mon appréhension du monde, introspection
Vital, un temps dedans, un temps dehors, interaction
Mes dessins racontent, les personnages aux yeux tournés vers l’intérieur.

Avec les enfants, fondamental :
valoriser chacun
Valoriser le métissage
Valoriser les différences

L’accrochage final
Violence de s’exposer
Mise à nu
Mise en danger
Fin du cache cache ?

Voilà
Sorte de journal (intime) de la résidence
Comme on écrit pour soi,
un journal n’a pas de lecteurs
Ne pas chercher à plaire
Écrire vrai ?
Inventer ma façon.
Pourquoi ne pas désapprendre
Désapprendre à écrire
Désapprendre à dessiner.

Gwen Le Gac

25 février 2016
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