Echos de janvier

En janvier, sur remue, les jours rallongent, mais ne sont pas moins sombres. Sous forme de revue désormais mensuelle, remue accueille :

— Les insouciants, de Jeanne Mercier, rencontres, paroles échangées, reconnaissance d’une communauté, entre le Maroc, et la France : "Dans son minuscule atelier il m’invita à entrer. Je ne voulais rien acheter, et il ne voulait rien me vendre mais les langues se déliaient. Nous avions tous deux envie de parler."
— Les Marguerites de Sophie Lamotte d’Argy évoquent avec justesse les souvenirs et les non-dits qui affleurent, à la mort d’un proche : "Ces inconnus dont elle a tant entendu parler du vivant d’Albert, Irène les a à présent tous sous les yeux ; mais lui n’est plus là pour les lui présenter. Elle pointe des ressemblances et, par déduction, attribue des prénoms aux visages."
— une série d’Emmanuèle Jawad, Faire le mur, en trois temps, remarquables de précision, saisie graphique du mur auquel on fait face, à Berlin ou ailleurs
— une promenade berlinoise, elle aussi, dont Cécile Wajsbrot nous livre les échos, dans le texte de la leçon inaugurale donnée à la Freie Universität sur le thème "Littérature et Climat" : "Le siècle où nous sommes nés - le vingtième – reçut des averses particulièrement abondantes de paroles qui ne furent pas entendues en leur temps et que nous n’avons perçues que plus tard, bien plus tard, longtemps après que les guerres où elles furent proférées furent éteintes. Et la littérature est le lieu privilégié du dégel."
— un texte de Shaimaa El Sabbagh, militante, poète, tuée le 25 janvier en allant déposer une couronne de fleurs place Tahrir
— Le rêve d’Annie de Dominique Dussidour en écho à la violence des assassinats perpétrés le 7, les jours suivants
— Charlie Love, de Claudine Galea, consacré au même événement
— Jean-René Lassalle évoque, dans Anthropos, poème multilingue où se mêlent grec, français, allemand, l’inaliénable de l’humain :
"rien, n’est plus, insoutenable ahurissant inadmissible chérissable
imperturbable, intraduisible et transposé
que tout humain, l’eau
mirrorant ciel changeant"

un nouvel épisode du feuilleton Instin, sous forme de clonerie singulière

et des lectures : Vies et destins d’Effi Briest par Dominique Dussidour suivant cette chère Effi des bras de Theodor (Fontane) aux griffes de Günter (Grass), G. Mar, Kate Braveman et Michel Bourçon par Jacques Josse, Larry Eigner sous la plume organique de Marie de Quatrebarbes, et Friederike Mayröcker par Bruno Fern.

Enfin : qui d’autre qu’un bon géant pour saluer la naissance d’un Ogre ? (un entretien de Guénaël Boutouillet avec Benoît Laureau et Aurélien Blanchard)

Ainsi, en janvier : remue fait peau neuve, remue fait écho, remue lance ses petits cailloux, ceux qui brillent sous la lune quand la nuit est profonde.

22 février 2015
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