Mes expériences d’atelier àBagnolet et ailleurs

Mes expériences d’atelier àBagnolet et ailleurs

par Olivier Charneux, en résidence àla médiathèque de Bagnolet (93),
dans le cadre du dossier transversal "ateliers d’écriture en résidence".


Ma résidence d’écriture àBagnolet avait comme projet d’explorer l’écriture de soi. Les ateliers d’écriture que j’ai menés àcette occasion ne préexistaient pas àcette résidence. La parution de mon nouveau récit fut pour moi l’occasion d’interroger l’autobiographie sous toutes ces formes : en invitant des artistes qui s’y confrontent dans d’autres arts às’exprimer, en présentant une lecture-spectacle et en proposant des ateliers d’écriture et de lecture ouverts àtous. Selon ma demande, ces ateliers devaient regrouper des gens d’origine et de milieux sociaux différents. Ainsi un petit groupe issu de la boutique de solidarité a pu rencontrer des gens plus habitués àla pratique artistique et vice-versa.




Formation, origines.

Je n’ai pas été formé par une école ou une formation spécifique, cependant je me réfère toujours àl’atelier d’écriture dirigé par Michel Vinaver en 1984 que j’ai suivi àl’université quand j’étais étudiant. Je pratique l’encadrement d’atelier depuis 25 ans (je n’aime pas le terme d’ « animation d’atelier  », je n’anime personne). J’explore ainsi tous les genres littéraires, de l’écriture théâtrale àla nouvelle en passant par l’autobiographie et ce avec les publics de tous âges et de tous milieux aussi bien dans des cadres scolaires, sociaux ou associatifs. Ce que je redoute toujours dans les ateliers est le non investissement personnel des participants, l’imitation d’un style qui se voudrait littéraire et l’emploi du « masque qui cache au lieu de révéler  ». La première séance de mes ateliers àBagnolet s’est déroulée « normalement  » exceptée une participante de l’atelier médiathèque qui, ayant pris peur de s’engager, a voulu nous quitter tout de suite pour revenir finalement et partir ànouveau… Cela ne m’était jamais arrivé. Elle voulait participer àun atelier d’écriture de soi, mais ne rien raconter d’elle ! L’important est qu’elle essaye.



Manières de faire

Toutes les séances sont préparées àl’avance et ajustées au fur et àmesure suivant la précédente. Les thèmes d’écriture sont listés et le temps défini pour l’écriture, la lecture, les commentaires est fixé le plus précisément possible. C’est une nécessité surtout quand on regroupe 14 participants. Le temps d’écriture est une contrainte aussi importante que les thèmes données et les commentaires de chacun sur les textes des autres : ici 15 minutes maximum par thème. Ainsi la peur de la page blanche est évacuée, ainsi le tri s’opère dans les souvenirs d’une manière immédiate. Il y a également une progression dans les thèmes donnés. Je demande parfois d’écrire des listes (par exemple d’odeur) avant d’en tirer la matière d’un petit récit. La mémoire est de ce fait mise en éveil d’une façon plus fournie, plus éclairante et plus ludique. Si des contraintes font penser aux « Je me souviens  » de Perec, elles ne sont qu’un clin d’œil àcette Å“uvre. Elles représentent surtout pour moi le début de quelque chose et non sa finalité. Les références àla littérature ne sont pas systématiques. Elles naissent sur l’instant et ne sont jamais écrasantes. Elles font écho àun texte ou àune difficulté. Elles ne sont jamais données comme base ou modèle àsuivre. Chaque participant, selon moi, doit trouver son écriture, sa propre couleur et l’accepter, ce qui est le plus difficile. Mes références viennent plutôt dans le récit que je fais d’expériences liées àla création en général et àson aventure, la mienne est aussi donnée en exemple. À ce titre aussi, je suis un passeur.



Échange

Les ateliers sont pour moi le miroir de mon propre travail. Je vois souvent chez les participants les mêmes écueils dans lesquels je tombe parfois, le pire ennemi est bien souvent soi-même. Il faut savoir être àla fois « dehors  » et « dedans  » ou savoir être « Ã l’extérieur  » et « Ã l’intérieur  » de son propre texte, d’où l’importance des commentaires sur les textes des uns et des autres que j’organise àla fin de chaque lecture de texte. Je trouve également dans ces ateliers les mêmes émerveillements d’avoir mené un travail àbien surtout quand on constate qu’il ne correspond pas àce qu’on imaginait au début. À Bagnolet, certains participants m’ont dit être sorti de mes ateliers plus fort, plus confiant, plus allégé. D’autres étaient ravis d’avoir rencontré des gens de milieux différents et surtout surpris que cela ait fonctionné entre eux, dans l’écoute et la bienveillance. J’ai accueilli leur production comme àmon habitude, avec le regard de celui qui découvre des nouvelles voix s’affirmer et cette découverte toujours m’émeut. Ce travail d’accompagnement et de soutien se poursuivra, je l’espère, dans les années àvenir en parallèle àma propre production.




Olivier Charneux, le 6 juin 2014.


11 juin 2014
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