Isabelle Damotte | Je savais que tout dépendrait de la lumière

Cette image, je l’ai prise début janvier 2014. Passant devant ce petit parc, j’ai vu ce banc déserté. Puis, après quelques pas, j’ai fait demi-tour, j’ai attendu quelques instants. Et j’ai pris cette image. Un peu inquiet, un peu terrifié. Et plus tard, un peu amusé me rendant compte que l’image (celle vue, celle prise) était une surface de projection. Ce qui avait vacillé en moi était l’idée de la disparition. Parce que j’ai toujours été très ébranlé et inquiété par les chaussures laissées dans la rue, souvent au bord d’un trottoir, par les vêtements étalés dans l’absence des corps sur d’autres trottoirs ou routes des villes. Mais l’on pourrait sans doute envisager d’autres interprétations, d’autres chemins d’imagination...
J’ai donc soumis la photographie autour de moi àdifférents auteurs avec comme proposition la saisie libre de cette image. Voici donc une variation d’écriture et de lecture.

Sébastien Rongier


Isabelle Damotte | Je savais que tout dépendrait de la lumière



Je savais que tout dépendrait de la lumière. Pour cela il fallait que le ciel soit lavé àgrande pluie. C’était donc le moment de la pluie avant celui de la lumière. Dernière persistance des images avant l’effacement.

Je suis moi autant dire rien. Une jeune femme s’assoit et surveille quelques courses d’enfants dans les allées, attend pour pouvoir enfin rentrer, qu’après les repas et les bains, vienne le soir. Je suis moi, repéré de loin, mais que le regard ignore lorsque la main repousse les feuilles, essuie les fientes des pigeons. Sous le soleil droit dans les yeux, les pousse-toi de làet les rires, les silences langue dans la bouche de l’autre. Et peu importe quand, pour lui qui les jambes écartées vomit.

Je suis moi, et mon immobilité n’efface pas la leur, eux qui toujours reviennent au même point. Je dois seulement quelquefois peser de tout mon poids pour être réel, laisser venir àmoi le ciel qu’ils disent bleu.

Je savais que tout dépendrait de la lumière. Il fallait ce jour làque le ciel soit lavé àgrande pluie. C’était donc le moment après la pluie. Rohmer accueillait la lumière promise par la saison. J’ai oublié laquelle. Je me souviens qu’une jeune comédienne avec un nom de rivière avait choisi les couleurs pour que l’image parle. Et puis dans l’instant avait tout enlevé. C’est alors seulement qu’à
été prise l’autre photo. Celle qu’elle a gardée, moi, autant dire rien.



Isabelle Damotte

On retrouve l’ensemble des contributions ici.

16 juin 2014
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