Pierre Escot | JE NE T’AI PAS VUE

Cette image, je l’ai prise début janvier 2014. Passant devant ce petit parc, j’ai vu ce banc déserté. Puis, après quelques pas, j’ai fait demi-tour, j’ai attendu quelques instants. Et j’ai pris cette image. Un peu inquiet, un peu terrifié. Et plus tard, un peu amusé me rendant compte que l’image (celle vue, celle prise) était une surface de projection. Ce qui avait vacillé en moi était l’idée de la disparition. Parce que j’ai toujours été très ébranlé et inquiété par les chaussures laissées dans la rue, souvent au bord d’un trottoir, par les vêtements étalés dans l’absence des corps sur d’autres trottoirs ou routes des villes. Mais l’on pourrait sans doute envisager d’autres interprétations, d’autres chemins d’imagination...
J’ai donc soumis la photographie autour de moi àdifférents auteurs avec comme proposition la saisie libre de cette image. Voici donc une variation d’écriture et de lecture.

Sébastien Rongier


Pierre Escot | JE NE T’AI PAS VUE



J’ai cru te voir respirer, marcher, boire, t’allonger, gémir, dormir, parler. J’ai dà» voir une idée de toi. Les rougeurs, ta bouche qui n’en finit pas, je te vois comme j’ai envie de te voir, je te vois comme jamais tu ne t’aies vue. Tu m‘as souri, tu hésites entre une affirmation et une question. Nous baissons la tête, nous nous sommes regardés et tu t’es mise àrire et j’ai ri aussi. Je pourrai encore deviner tes souvenirs, ce n’est pas connaître, reconnaître, j’ai déjàperdu ton odeur. J’ai cru te voir, ce n’était pas toi. Je t’ai vue mais tu n’étais déjàplus là. Nous nous sommes serrés dans les bras l’un de l’autre. Tu serais là, àcôté de moi, tu verrais que je chuchote et que ma voix est douce, oui, ma voix est douce maintenant.

Pierre Escot


On retrouve l’ensemble des contributions ici.

22 mars 2014
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