Mon identité numérique (7 novembre 2011)

Ce lundi 7 novembre, c’est ma première séance d’atelier d’écriture numérique - c’est donc aussi, d’abord, la première séance d’un cycle d’ateliers.

Or, toute première séance d’un cycle d’ateliers est, par définition, celle des préalables – celle-ci est celle de tous les préalables, préalables au web, préalables à l’écriture en atelier, préalables aux deux ensemble.

Et le début a son début. Il convient, politesse efficace, de se présenter, dire d’où l’on parle, et en quelque sorte, sans tout dévoiler, sans obscurcir l’élan par trop d’affichage d’intentions, ce dont il sera question.

Prendre parole, prendre place - et dès ce commencement, un virage.

En effet, dès l’abord, surgit une bascule, essentielle, dans ma pratique - car ce discours inaugural constitue un socle, toujours, autant qu’un point nodal d’où se déroulera l’agrégat de paroles, propositions, pistes que je lancerai dans les semaines à suivre ; en forme de déclaration de principes (quatre grands principes, voir ci-dessous), il constitue aussi une manière de pacte, je le présente d’ailleurs comme un contrat, une garantie : ce que je vous propose, ce à quoi cela vous engage, en êtes-vous d’accord ?.

Les quatre grands principes en question, transmis par Cathie Barreau durant nos années de travail en commun à La Maison Gueffier :


 Droit à l’erreur
 Droit de ne pas écrire & droit de ne pas publier (ou « lire à voix haute » tel quel défini dans la version non numérique d’un atelier) – droit au repentir et à l’auto-correction
 Droit à la parole et au silence
 Droit à la confidentialité – c’est ici que ça change :
Par principe, cet atelier en ligne, c’est sur internet, donc : on publie. Et nous publierons, à chaque séance (chaque auteur en décidant librement, certes, mais : si ce qui se passe dans la pièce où nous travaillons n’en sortira pas, ce qui se publiera sur le blog sortira (c’est une évidence, quasi tautologique)). Extension d’usage, dans mon discours, de ce principe dit de confidentialité : à entendre, et plus encore en ce contexte, comme une question fil rouge, comme une autorisation à (voire une nécessité de) la fiction littéraire, voire du pseudonymat (jouant et questionnant plus aigu son identité littéraire et numérique) : rappel des notions d’identité numérique, référence à Olivier Ertszcheid, qui enseigne ici et à qui cet atelier doit aussi d’exister).


Temps d’écrituremon identité numérique.
(Partant de cette question quant à notre identité numérique ; partant aussi qu’écrire web signifie écrire dans et avec le web, que s’écrire web le signifie plus fort encore).

Les sources littéraires de cet exercice sont des curriculums et bios d’auteurs devenues objets d’écriture sur leur site. Nous nous attardons sur les présentations aléatoires de Joachim Séné ; les versions courtes et longues de l’autobiographie de Fred Griot (et l’effet littéraire produit par l’écart entre ces deux formes différemment rugueuses) ; François Bon qui se joue des paresses médiatiques usuelles pour contaminer le réel en fiction ("cette notice autobiographique n’est pas destinée à publication ou reproduction, même partielle ; / cette demande n’étant jamais respectée, cette notice inclura systématiquement au moins un élément fictif discret, régulièrement modifié) ... tant de façons de produire un énoncé différencié de l’être, par collision entre le contexte et les formes.

La consigne donnée est :

« Écrivez votre micro-autobiographie en cinquante mots dont au moins dix soient des liens hypertextes »

Les textes produits sont à lire ici :
Un morceau de moi, ça vous dit ?
« je » est « elle »
Oui je prononce le T de vingt.
Toute une vie bien plagiée.
Fanny ou la prétention d’écrire une biographie à seulement 20 ans.
Logged in.
Portrait sous contraintes (de 30 à 50 mots avec 20 % de liens)
Un petit dinosaure…

Un lien tous les dix mots, c’est beaucoup. La contrainte formelle, en atelier, est réductrice - elle est une réduction, tout comme la situation d’atelier n’est qu’une réduction du temps d’écriture et des contraintes spécifiques à chaque projet individué. Les textes sont donc performatifs, concentrés sur l’objectif. Et pourtant, ils disent déjà de leur rapport au web, à leur identité sociale transitoire d’étudiante, et aussi à leur maniement habile de ces greffes de sens : leur usage du lien joue le clin d’œil, illustre... ou pas, ou choisit de dérouter, de mentir, de faire mine - voire, de faire mine de mentir. Mon identité numérique, je l’invente, quand je veux je change, disent-elles, en somme.

1er mars 2012
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