Horizon du sol

Recueil de poèmes d’Étienne Faure.


Étienne Faure aime isoler quelques éléments d’un décor donné (haut de talus, fond de buanderie, voie de chemin de fer, rue parisienne, salle de séjour, etc.) pour dire, détecter ou imaginer les présences invisibles qui, s’y déplaçant, s’invitent làoù ses yeux soudain se posent, se ferment, regardent au-dedans. Ceux qui bougent alors sous ses paupières, créant des liens entre objets, outils, paysages et mémoire sont pour la plupart des morts réels ou en devenir. Des êtres dont les gestes et les émotions perdurent et marquent le lieu.

« Il dort, en deuil,
rêvant les morts encore vivants,
par hypallage àson tour mort
àfaire revivre les disparus
en leur temps étrangers par deux fois
naturalisés, plancher des vaches
qui mangèrent leurs racines.  »

Ce perpétuel va-et-vient entre passé et présent n’a rien d’évanescent. La réalité y fait de fréquentes descentes. Gravant sur le motif le passage, très bref, des hommes. Soumis aux règles de l’art ou de la guerre. Se hissant ou s’abaissant, restant de toute façon infimes face àce ciel qui les aspire et àcette terre qui les porte, en attendant mieux.

« La table, un tabouret, l’étagère où poser les thés
tout ce qui sert àvivre, eux aussi,
il faudra s’y pencher de temps en temps,
les soutenir encore, recoller, repeindre,
aider le meuble ànous survivre àmesure
que les saisons menuisent
jusqu’au néant, copeau de ce qui dure
un temps.  »

C’est en s’appuyant sur cet éphémère, ce rien, cette fragilité d’être que Étienne Faure enclenche son poème, toujours bâti d’un seul tenant, assez court, décentré, partant assez librement làoù les sonorités et les frottements de sens entre les mots les appellent. Ce n’est qu’en fin de texte qu’il tire brusquement sur la laisse, évitant la chute et ne sacrifiant jamais au pur automatisme.

« Â Les morts sous les pieds se taisent
àdemeure, sans le texte ;
au-dessus on s’agite
pour quelques mots dans la boîte crânienne.  »

Horizon du sol, troisième recueil de poèmes d’Étienne Faure, est une suite de tableaux vifs, donnant des morceaux de vies qui vibrent (malgré tout, malgré l’issue connue de tous), fragments clairs, parfois moqueurs, saisis par le regard et prompts àalerter tous les sens, en un éclair, en renouvelant les prises de vue et en créant un subtil emboîtement entre le quotidien (l’instant capté) et l’histoire en cours (avec petit ou grand h) dans lequel celui-ci s’insère.


Étienne Faure : Horizon du sol, éditions Champ Vallon.
(Logo : photo d’Étienne Faure)

9 juin 2011
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