Le Début des pieds

Livre de Ludovic Degroote.


Le titre peut surprendre. Et le livre tout autant. Il y est question de présence au monde, de trop plein ou d’excès de vide, d’un corps difficile à porter, de pensées qui s’empilent en lui, du ventre qui prend parfois un peu de la rondeur du monde à son compte, des pieds qui doivent supporter tout ce que la tête fomente et décide.

« je travaille à l’intérieur de mes barrières comme les enfants et comme les vaches je me colle à la clôture je regarde passer le monde il va si vite je me cale contre le bord j’aime bien ça je ne peux pas faire autrement je suis très mal »

Un homme doit vivre avec ça. Avec ce qui en lui s’effondre, bascule, touche terre et pourtant, in extremis, se relève (puisque aussi bien « c’est au moment de mourir qu’il faut tenir la route ») pour poursuivre le périple en ramassant sur les bas-côtés de quoi confondre la noirceur du temps. Pour ce faire il y a bien la télé au quotidien, avec ses lenteurs, ses séries, ses dépêches, ses riens mais il y a surtout le besoin impérieux de se trouver en un réel pauvre, et de l’exprimer le plus simplement possible. C’est ce que fait Ludovic Degroote. Il procède (« c’est difficile d’être continu ») par touches, fragments, pensées, réflexions, notes graves ou ironiques pour tenter de tirer au clair ce mal être qui l’empoisonne.

« je mange ce qui se mange
je cherche le monde
je ne le trouve pas
je ne trouve que moi
sur le bord de l’assiette
chacun se vide
nous allons bien ensemble »

Vacillant mais debout, avançant pas à pas, corps fixé, précisément, sur ces pieds qui le précèdent, il marche et invente ses propres repères. Il filtre, rabote, isole l’infime. Parfois reviennent des peurs qui restent encore vives au fond des caves. Ce sont celles précédemment évoquées dans Un petit viol. Leurs pinces se resserrent. Il les touche, les écarte. Il a des mots justes, des vers brefs, évidents et implacables pour cela. Il les assemble dans Le Début des pieds. Et, simultanément, pose une à une, en poésie, des pièces rares et retrouvées, issues d’un « travail de fourmi qui passe par la voûte du sol ».

« déchus de notre mobilité nous ne vivons plus
les morts le savent bien ».


Ludovic Degroote : Le Début des pieds, Atelier La Feugraie (14770 Saint-Pierre-la-Vieille).




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1er juillet 2010
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