Isotypie sur doxogravure de Jérôme Mauche

Puisque Jérôme Mauche, après Hélène Cixous et Cécile Wajsbrot, sera le prochain invité des rencontres remue.net au Centre Cerise avec La scène du balcon (il y présentera la collection « Les grands soirs », éditions Les petits matins, en compagnie de plusieurs auteurs, le vendredi 16 janvier 2009 à 20 heures) ; profitons-en pour poser le regard un moment sur, non pas un livre, mais un objet récemment paru. Poser puis fixer le regard, car l’objet n’est pas anodin.

Le regard posé fixe, on a lu cet objet qui n’est pas un livre, cet objet qui n’est pas qu’un texte, qui est un texte avec image, un texte sur image, un texte hors image aussi.

Cet objet est trace d’une résidence de Jérôme Mauche, au Triangle à Rennes : parmi les auteurs déjà invités court ou longuement par là-bas, citons Albane Gellé (dont les traces du passage sont à lire ici, qui débouchèrent en un livre chez inventaire-invention), Charles Pennequin, Tanguy Viel (dont on reparle plus bas), François Bon, Olivier Mellano. Des années d’action résolue et ouverte, qui font de celui-ci le plus pointu des triangles, qui en font un lieu essentiel, tourné toujours vers la population de son quartier via la littérature contemporaine (plutôt qu’avec, plutôt que contre, plutôt qu’en dépit de , comme tant de nos décideurs l’imaginent : qu’aux pauvres il faudrait proposer du « populaire », ou supposé tel, et le préserver du difficile, ou supposé tel…)

Contemporaine, oui, est la littérature de Jérôme Mauche, inscrite en son temps, charriant avec goût, fantaisie, violence, subtilité, les vocabulaires techniques ou pauvres ou archi-spécialisés jusqu’au dérisoire, jusqu’à l’absurde, jusqu’à la poésie – creuser pour dénicher et construire la poésie, avec, dans le vulgaire, un enjeu important et le moyen d’une autorisation. Autorisation d’accès à chacun (non à tous, non aux gens, cette entité vague quand chaque existence est précise). Ici l’idée est simple, « toute simple » : chaque texte constitue un point de vue, un épuisement (perecquien) d’un lien, avec l’application plastique en plus : chacune des 12 pages, 12 textes ici présentés, épuise un lieu de haut en bas et de gauche à droite, en un relevé non restrictif (il y a les sons proférés mais aussi les idées accolées dans l’esprit de Mauche) qui joue l’exhaustif (et qui le jouant, le devient , puisque chacun des relevés constitue un point de vue sur le monde, à un instant T).

Félicitons Yann Dissez et le Triangle d’avoir posé les affiches en question sur les lieux considérés, manière de retourner la question, manière de poser tout simplement du poème en espace urbain, acte simple et important.

L’instant T est le rendez-vous irrégulomadaire du Triangle, gratuit et disponible sur place, il témoigne sur papier de ce qui s’est passé lors de la venue d’écrivains ; l’objet, vous l’avez compris, vaut le coup d’œil, et vaut d’aller mettre les pieds à Rennes, ne serait-ce que pour le dénicher, un de ces jours, à l’occasion. Pour une lecture de Tanguy Viel, par exemple, qui feuilletonne un singulier top ten cette saison, par là-bas…

3 janvier 2009
T T+