Ce 22 mai en compagnie de Gérard de Nerval

22 mai 1808-22 mai 2008, d’un voyage de déjàdeux cents ans les textes de Gérard de Nerval continuent d’avancer vers nous qui leur demandons du Valois, comme Sylvie, « comment peut-on aller si loin ?  »
comment peut-on aller si loin et àsi vive allure, reprenons-nous aujourd’hui, dans cet échange ininterrompu entre les questions narratives et les fils du récit qu’il soit des rêves ou des voyages ?
comment redisposer devant soi les traces éparpillées dans le puzzle des territoires ?
en compagnie de Gérard de Nerval la route n’est jamais directe, elle se prolonge « comme le diable  », allons, lisons, on n’arrive jamais qu’àla nuit.
DD


J’ignore si tu prendras grand intérêt aux pérégrinations d’un touriste parti de Paris en plein novembre. C’est une assez triste litanie de mésaventures, c’est une bien pauvre description àfaire, un tableau sans horizon, sans paysage, où il devient impossible d’utiliser les trois ou quatre vues de Suisse ou d’Italie qu’on a faites avant de partir, les rêveries mélancoliques sur la mer, la vague poésie des lacs, les études alpestres, et toute cette flore poétique des climats aimés du soleil qui donnent àla bourgeoisie de Paris tant de regrets amers de ne pouvoir aller plus loin que Montreuil ou Montmorency.
  On traverse Melun, Montereau, Joigny, on dîne àAuxerre ; tout cela n’a rien de fort piquant. Seulement, imagine-toi l’imprudence d’un voyageur qui, trop capricieux pour consentir àsuivre la ligne, àpeu près droite, des chemins de fer, s‘abandonne àtoutes les chances des diligences, plus ou moins pleines, qui pourront passer le lendemain ! Ce hardi compagnon laisse partir sans regret le Laffitte et Caillard rapide, qui l’avait amené àune table d’hôte bien servie ; il sourit au malheur des autres convives, forcés de laisser la moitié du dîner, et trinque en paix, avec les trois ou quatre habitués pensionnaires de l’établissement, qui ont encore une heure àrester àtable. Satisfait de son idée, il s’informe en outre des plaisirs de la ville, et finit par se laisser entraîner au début de M. Auguste dans Buridan, lequel s’effectue dans le chÅ“ur d’une église transformée en théâtre.
  Le lendemain notre homme s’éveille àson heure ; il a dormi pour deux nuits, de sorte que la Générale est déjàpassée. Pourquoi ne pas reprendre Laffitte et Caillard, l’ayant pris la veille ? Il déjeune, Laffitte passe et n’a de place que dans le cabriolet.
  « Vous avez encore la Berline du commerce  », dit l’hôte désireux de garder un voyageur agréable.
  La Berline arrive àquatre heures, remplie de compagnons tisseurs en voyage pour Lyon. C’est une voiture fort gaie : elle chante et fume tout le long de la route ; mais elle porte déjàdeux couches superposées de voyageurs.
  Reste la Châlonnaise. – Qu’est-ce que cela ? – C’est la doyenne des voitures de France. Elle ne part qu’àcinq heures ; vous avez le temps de dîner.
  Ce raisonnement est séduisant, je fais retenir ma place, et je m’assieds deux heures après dans le coupé, àcôté du conducteur.
  Cet homme est aimable…

Gérard de Nerval, « Route de Genève  », Voyage en Orient.


Liens des portes d’ivoire sur tierslivre.

Sur remue, « Une nuit àLondres  ».

La quasi intégralité des œuvres de Gérard de Nerval sur Gallica, le site de la Bibliothèque nationale de France qui consacre une exposition virtuelle aux voyages en Orient dont un dossier Gérard de Nerval et la pratique du daguerréotype.

22 mai 2008
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