Eric Ferrari / Les Inventions

« J’invente àmoitié vrai », disait-il dans Abris et déblais. Ce nouveau livre le confirme.


Trois ans après avoir publié l’étonnant Abris et déblais, Éric Ferrari récidive avec Les Inventions, toujours chez Cheyne éditeur. On y retrouve ce timbre particulier, hésitant parfois, s’exprimant par à-coups, trouvant finalement passage entre discrétion et retenue.

« On voudrait. C’est la fin du jour àla cime des arbres, les cages sont vides, un coq chante.
Que la lumière défasse. L’au-delàsous la langue, comment dire. Ne pose rien. Avance. »

En peu de mots, cherchant, tâtonnant, usant pour cela d’un vocabulaire qu’il semble vouloir pauvre mais précis, il réussit àcréer et àmaintenir une tension forte. Éllipses, esquisses rugueuses, énigmes laissées en suspens sont ici de mise.

« Enfonce des morceaux de papier dans la pierre. Écoute le bruit d’une bougie que l’on souffle. Décompte l’infini au fond d’un puits. »

Il fait souvent nuit chez Éric Ferrari. Une nuit sans adjectifs, avec simplement "le cri des chevêches" et "la toux des bêtes dehors" mais cette nuit-là, zébrée de lumière, tour àtour inquiètante et accueillante, s’avère également propice aux réconciliations (entre soi et soi ou entre l’un et l’autre).

« J’invente àmoitié vrai », disait-il dans Abris et déblais. Ce nouvel ensemble vient non seulement confirmer ses dires mais aussi les authentifier. Éric Ferrari (né en 1960, il avait auparavant publié deux recueils, Criblure et Relever-Traverser aux Editions Blockhaus) sait s’armer de patience et s’offrir au silence pour saisir dans la seconde qui suit ce qui (ombre, vent, signe, réflexion, regard, paysage) se dessine et s’ouvre àlui, venant d’en bas ou d’en haut, flottant de toute façon entre ciel et sol, tournant, cognant, s’installant inlassablement "dans le sens du sang".

16 septembre 2006
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