Résonances du romantisme | Olivier Schefer

On avait eu l’occasion d’évoquer la belle traduction des Derniers fragments de Novalis par Olivier Schefer. Il nous avait même confié quelques uns de ces fragments. Avec l’impeccable éditeur La Lettre volée, Olivier Schefer avait déjà publié en 2002, Poésie de l’infini. Novalis et la question esthétique. On pourrait donc dire qu’Olivier Schefer est un spécialiste de Novalis. C’est le cas. Mais on réduirait ici son activité intellectuelle.

La parution fin 2005 de Résonances du romantisme vient élargir et approfondir ce travail. La série d’articles qu’ont eu la bonne idée de regrouper La Lettre volée, tient la promesse de son titre : un horizon, une attente, une onde de choc et des articulations. Tel est le travail proposé dans ce volume. Le romantisme a toujours des effets plus ou moins discernés dans les formes modernes et contemporaines. Les textes d’Olivier Schefer viennent les déplier. Mais il ne construit pas une histoire de l’esthétique contemporaine au regard (ou à partir) d’un point de vue. Aucune tentative totalitaire (unique, uniciste et univoque). Sa perspective est plus fine : il ouvre des dialogues, tisse des liens par petites touches et envisage des rapprochements.

Bien sûr, il déplie et éclaire les enjeux du romantisme allemand (Un peu Schlegel, Novalis beaucoup, mais aussi Tieck et Caspar David Friedrich... Olivier Schefer reste Olivier Schefer !). Mais dans ce livre la réflexion est double : d’une part, il nous rappelle la richesse vivante de l’héritage théorique, esthétique et littéraire du romantisme allemand. D’autre part, les liens qu’il tisse viennent enrichir notre regard sur le contemporain (on ne s’étonne donc pas de croiser Fluxus, Cattelan, Haacke, Long, Holt, ou d’autres encore). L’enjeu est à la fois de poser l’héritage et de penser la critique en ouvrant les pistes multiples du sens.

On retiendra la belle analyse centrale du tableau La Mer de glace de Caspar David Friedrich, « la seule peinture de catastrophe » du peintre, dit-il (p. 64), mise en perspective avec les questions romantiques du fragment et du chaos.

Et aussi ce beau dialogue entre le surréalisme de Breton et du romantisme autour des pierres et du monde minéral, en prenant appui par moments sur l’alchimie de Paracelse, les pensées de Ficin ou Werner.

On s’amusera avec l’auteur de l’allègre passage de Jerry Lewis à Hegel (p. 99) pour penser l’homme comique ; et de revenir aux romantiques pour ouvrir les perspectives contemporaines sur l’insignifiant, le dérisoire, le grotesque, jusqu’au gag burlesque cinématographique.

C’est enfin la belle question du somnambulisme qui clôt le volume : le somnambulisme comme accomplissement romantique du rêve. Et d’y croiser Novalis, Nerval, Balzac, Nodier, Kleist, ou encore les cinéastes Wiene ou Lang.

Au final, un extrait de l’avant-propos d’Olivier Schefer pour redire l’esprit de ces Résonances du romantisme :

« Plus qu’une « période » ou un « mouvement », le romantisme est un laboratoire toujours en activité, un lieu de possibles où n’ont pas cours les définitions arrêtées et les systèmes dogmatiques. C’est pourquoi penser avec et à partir du romantisme revient à risquer quelques hypothèses, à opérer des variations théoriques sur objets récurrents. Et s’il s’agit ici d’examiner quelques problématiques majeures des esthétiques contemporaines à la lumière du romantisme allemand : création collective, mélange des formes, poétique du paysage, art du chaos, et de proposer une généalogie romantique de l’art aujourd’hui, c’est aussi pour mieux imaginer celui de demain. »

14 mai 2006
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