Ted Berrigan : « Many happy returns  » et des poèmes qui s’ensuivent

Tous les lecteurs qui aiment la poésie connaissent le nom de Martin Richet : pendant des mois ils ont reçu directement dans leurs boîtes àe-mails des poèmes choisis et traduits de l’américain par ses soins attentifs.
Les envois ont cessé un jour.
Alors les lecteurs ont relu ces poèmes.
Un autre jour, comme eux j’ai reçu ce nouveau poème : « Many happy returns  » de Ted Berrigan. Ce return était vraiment beau et happy et j’ai demandé àMartin Richet s’il accepterait de confier àremue.net d’autres poèmes de Ted Berrigan qu’il aurait traduits.
Il a accepté.
Les voici, précédés d’une présentation de ce poète.
On trouvera, àla suite des douze poèmes, la présence de Ted Berrigan sur le Net et une bibliographie établie par Martin Richet.
Merci àMartin Richet ainsi qu’àAlice Notley. DD.

NB : Pour des raisons d’exactitude typographique, le poème « Many happy returns  » est disponible en fichier Word téléchargeable.


À propos de Ted Berrigan

Ted Berrigan, influent génie poétique de la deuxième génération de la New York School, est né àProvidence, dans le Rhode Island, le 15 novembre 1934. Études àla La Salle Academy àProvidence et, après seize mois de service en Corée, àl’Université de Tulsa. Durant les années 60, il vit àNew York, dans le Lower East Side, écrit des poèmes urbains, dirige les excitantes et uniques éditions « C  », écrit des critiques d’art et joue àmener un groupe de jeunes poètes et amateurs de poésie. Il enseigne ensuite àIowa, Ann Arbor, Yale, Buffalo, Essex, Chicago et Naropa. Il revient dans le Lower East Side au milieu des années 70, enseigne au Stevens Institute of Technology et au City College de New York, donne des lectures partout et influence une nouvelle génération de poètes. il se décrit, dans un curriculum vitae de 1982 comme étant « modérément vénérable, large, d’apparence traditionnelle. Ressemble àApollinaire (barbu) ou àun ours déguisé en Georges Bernard Shaw [...] Formidable, affable, endurant  ». Il est mort le 4 juillet 1983. M.R.


CEUX QUI SONT MORTS

Pat Dugan... mon grand-père... cancer de la gorge... 1947.

Ed Berrigan... mon père... crise cardiaque... 1958.

Dickie Budlong... le grand frère de Brucie, mon meilleur ami, quand
                   nous avions de cinq àhuit ans... tué en Corée, 1953.

Red O’Sullivan... star du hockey & coureur de fond
qui s’asseyait àma table le midi
au lycée... accident de voiture... 1954.

Jimmy « Wah  » Tiernan... mon ami, au lycée, équipe régionale
           de Football américain et de Hockey... accident de voiture... 1959.

Cisco Houston... mort du cancer... 1961.

Freddy Herko, danseur... s’est jeté d’une fenêtre du Greenwich
                         Village en 1963.

Anne Kepler... my girl... morte d’asphyxie alors qu’elle jouait de la
                     flà»te au Yonkers Children Hospital lors d’un incendie
                     allumé par un pyromane de 16 ans... 1965

Frank... Frank O’Hara... fauché par une voiture àFire Island, 1966.

Woody Guthrie... mort de chorée d’Huntington en 1968.

Neal... Neal Cassady... mort de froid, ayant passé toute une nuit
                     sous la pluie près des chemins de fer au Mexique... 1969.

Franny Winston... une fille... sa voiture accidentée sur l’autoroute
                     Detroit-Ann Arbor, en revenant de
                     chez le dentiste... sept. 1969.

Jack... Jack Kerouac... mort malade d’alcool & de colère... en 1969.

Mes amis dont la mort a ralenti mon cœur restent avec moi maintenant.

TÉLÉGRAMME

àJack Kerouac

Salut Jack.

À bientôt.

LA VIE DANS LE FUTUR

pour Donna Dennis

Poudre blanche

capsule mauve

capsule rose

poudre blanche

                     (2)

Air bleu

brume blanche

ciel bleu/blanc

MARS

& c’est l’automne sur l’hémisphère nord

                               là-bas.

PENSE À N’IMPORTE QUOI

La Rose de Saron
illumine
Grand Valley

Là
Robert Creeley parle :

l’air devient
de plus
en plus sombre

la Rose de Saron
passe

vers la porte

et par.

TED BERRIGAN
& ROBERT CREELEY

POÈME

Oui, même si je passe
par la Vallée de
l’Ombre de la Mort, je
Ne redoute aucun mal -
car je suis beaucoup plus
fou que
Cette Vallée.

CEUX QUI CHANGENT DE NOMS

Abraham & Sarah

Naomi - (« Ne m’appelez pas Naomi,
appelez-moi Mara ; car le Tout Puissant
m’a remplie d’amertume.  »

Simon, qui sera appelé Pierre.

St Paul (anciennement Saul).

Joseph d’Arimathée.

Caïn.

Libby Notley (« c’est àsix ans que j’ai découvert
que mon vrai nom était Alice  ») ;

Francis Russell O’Hara ; Didi Susan Dubleyew ;
Ron Padgett ; Dick Gallup ;

STEVE CAREY ;

Kenneth Koch (anciennement Jay Kenneth Koch) :

Jackson Pollock ; « Rene  » Rilke ; William Carlos
Williams ;
ma mère, Peg ;
Guillaume Apollinaire ;

« Joe  » Liebling : John Kerouac : Joe Howard
Brainard : « Babe  » Ruth :

Tom Clark ; Anselm Hollo ; Clark Coolidge ;

George & Katie Schneeman.

Samuel R. « Chip  » Delany.

CÉSAR

César,
je me fous de
savoir si ta grand-mère
était noire,
ou blanche -
pour moi tu seras toujours un négro.

Gaius Valerius Catullus
(trad. Ted Berrigan)

MY LIFE & LOVE

pour Phil Whalen

« Est-ce que tu
penses que je
le reverrai
un jour ?

« La beauté
dont l’action n’est
guère plus forte qu’une
fleur ?

« Je crois que je vais bientôt être
               dépassé ànouveau.

« Est-ce que tu crois qu’on ferait mieux d’aller en
                         Californie ?  »

« Nan. Dis pas de bêtises. Envoie-lui un fromage
rond ou quelque chose comme ça. Une boîte
de pêches.  »

11 juillet 1982

Chère Alice,
                     Si je t’aime
tant c’est par-
ce que tu es très
belle & bonne. J’
apprécie aussi ton
intelligence, quoique ce
qu’est « l’intelligence  » je n’en suis pas
sà»r, & ton esprit, qui
ne ressemble àrien de ce
que j’aie jamais pensé.
                       Ton mari aimant,

                           Ted Berrigan

LES TÊTES DE LA VILLE

pour Harris Schiff

Ils ont tué toutes les baleines

maintenant ils sont en train de tuer tous les glands

je suis presque le dernier des Rhinocéros

je suppose que je ferais bien de les tuer.

SKEATS ET LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

(DICK JEROME, Vue de 3/4)
encre sur papier

God : peut-être, ‘L’être vénéré. À qui
sacrifice est offert. N’est pas apparenté
à‘good’ (qui est un adjectif, pas un
‘être’. Godwit : un oiseau, ou, plus
récemment, une ‘machine àgazouiller’ ; (de
l’Anglo-Saxon, God-wiht : dont le sens peut être
‘digne créature’. Cf. Isle of Wight - ÃŽle des
Créatures. Voir, également, Song, folk ; Childe
Ballad # 478 : « I’ve been a creature for a
thousand years  »...)


Sources

« Many Happy Returns  », « Ceux qui sont morts  », « Télégramme  », « La vie dans le futur  » et « Pense àn’importe quoi  » sont extraits de So Going Around Cities, new and selected poems 1958-1979, Blue Wind Press, Berkeley, 1980.
« Poème  », « Ceux qui changent de noms  », « César  », « My Life & Love  », « 11 juillet 1982  », « Les têtes de la ville  » et « Skeats et la révolution industrielle  » sont extraits de A Certain Slant Of Sunlight, éd. Alice Notley, O Books, Oakland, 1988.

© Alice Notley 1980, 1988 et 2005 pour les textes américains
© Martin Richet 2005 pour les traductions françaises.


Présence de Ted Berrigan sur le Net

La revue électronique Double Change a récemment publié un dossier en PDF consacré
au travail de traducteur de Martin Richet.
On y lira des poèmes de Bruce Andrews, John
Ashbery, Charles Bernstein, Ted Berrigan, Clark Coolidge, Robert Creeley,
Alan Davies, Emily Dickinson, Ray DiPalma, Larry Eigner, Robert Grenier,
Carla Harryman, Lyn Hejinian, Ernest Hemingway, p. inman, Steve McCaffery,
Frank O’Hara, Joan Retallack, Kit Robinson, Jerome Rothenberg, Leslie
Scalapino, Ron Silliman, Gertrude Stein, Barrett Watten et Hannah Weiner,
ainsi que des notes et commentaires de Jean-Paul Auxeméry, Guy Bennett,
Olivier Cadiot, David Christoffel, Pierre Courtaud, Robert Creeley, Lyn
Hejinan, p. inman, Charles Pennequin, Joan Retallack, Kit Robinson, Samuel
Rochery, Leslie Scalapino et Barrett Watten.

Ressources en américain :

de Ted Berrigan : « The Business of Writing Poetry  »

textes en ligne

bibliographie et liens

liens.


Bibliographie de Ted Berrigan

A Lily For My Love, àcompte d’auteur, Providence, 1959
The Sonnets, C Press, New York, 1964
Seventeen (en collaboration avec Ron Padgett), àcompte d’auteur, New York, 1964
Living With Chris (avec des dessins de Joe Brainard), Boke Press, New York, 1965
The Sonnets, 2e édition, Grove Press, New York, 1967
Bean Spasms (en collaboration avec Ron Padgett et Joe Brainard), Kulchur Press, New York, 1967
Many Happy Returns, Corinth Books, New York, 1969
Doubletalk (en collaboration avec Anselm Hollo), àcompte d’auteur, Iowa City, 1969
In the Early Morning Rain, Cape Goliard Press, Londres, 1970
Guillaume Apollinaire Ist Tot, März Verlag, Cologne, 1970
Memorial Day (en collaboration avec Anne Waldman), Poetry Project, St. Mark’s Church In-the-Bowery, New York, 1971
Train Ride, Vehicle Editions, 1971
Back In Boston Again (en collaboration avec Tom Clark et Ron Padgett), Telegraph Books, New York, 1972
The Drunken Boat (avec des dessins de Joe Brainard), Adventures In Poetry, New York, 1974
A Feeling for Leaving, Frontward Books, New York, 1975
Red Wagon, Yellow Press, Chicago, 1976
Clear the Range, Adventures In Poetry/Coach House South, New York, 1977
Nothing for You, Angel Hair Books, New York, 1977
Yo-Yo’s with Money (en collaboration avec Harris Schiff), United Artists Books, Henniker, 1979
Carrying a Torch, Clown War, Brooklyn, 1980
So Going Around Cities, new and selected poems 1958-1979, Blue Wind Press, Berkeley, 1980
In a Blue River, Little Light, New York, 1981
The Sonnets, 3e édition, United Artists Books, New York, 1982
The Morning Line, Am Here Books/Immediate Editions, Santa Barbara, 1982
A Certain Slant of Sunlight, éd. Alice Notley, O Books, Oakland, 1988
Talking in Tranquility : Interviews with Ted Berrigan, éd. Stephen Ratcliffe et Leslie Scalapino, O Books, Oakland, 1991
Selected Poems, éd. Aram Saroyan, Penguin Books, New York, 1994
On the Level Everyday : Selected Talks on Poetry and the Art of Living, éd. Joel Lewis, Talisman House Publishers, Jersey City, 1997
Great Stories of the Chair, Situations V, New York, 1998
The Sonnets, 4e édition, Penguin Books, New York, 2000
The Collected Poems of Ted Berrigan, éd. Alice Notley, Anselm Berrigan et Edmund Berrigan, University of California Press, Berkeley, 2005.

10 novembre 2005
T T+