Etienne Brunet / Premiers sites littéraires sur la toile

La liste LITOR ("études littéraires et ordinateur"), modérée par Patrick Rebollar, est un pivot un peu secret mais des plus engagés et efficaces du Net littéraire, on l'a dit souvent. A propos d'une question mise en circulation, nous revenait dès le lendemain la contribution d'un des fondateurs, Etienne Brunet.
Je lui ai aussitôt demandé la permission, avec la complicité de Patrick Rebollar, de la reprendre dans ces pages.
J'ai raconté moi-même, lors de ma première connexion Internet en août 1996 (quelle aventure: obtenir une IP Compuserve, télécharger Netscape 2 sur le site de l'université d'Aix... même wanadoo n'existait pas encore, et pas de site Internet du ministère de la culture ou de la BNF), on faisait en quelques sites le tour complet des ressources virtuelles, avec Athena (où j'ai téléchargé les Fleurs du Mal, avant de contribuer moi-même à mise en ligne de Rabelais et Rimbaud entre autres), ABU, ou ClicNet... Plus Frantext, d'Etienne Brunet, voir liens ci-dessous.
C'est désormais notre mémoire collective, il est important de la produire comme histoire. Et c'est aussi, de notre part, un hommage.

F Bon

on peut aussi consulter, pour ceux que ces questions passionnent, la pioneer collection, via l'archivage Yahoo de 1996 - quant à ma première page perso, qui deviendra remue.net, elle date de septembre 1997, et c'était le 800ème hébergé par wanadoo juste créé!

à lire aussi:
chroniques Litoriennes, par Patrick Rebollar, sur remue.net

retour remue.net

 

   

Si les mots "site" et " Toile" sont clairs maintenant pour tout le monde, ils sont moins anciens que la chose. Auparavant on parlait de station de travail et de réseau. Et dès les années 70, il m'est arrivé au Centre IBM de La Gaude (près de Nice) d'être en liaison avec des ordinateurs de Californie. Le premier réseau européen a d'ailleurs été un réseau IBM, gratuitement mis à la disposition des universitaires européens. EB

Quels furent les premiers sites littéraires sur la Toile?

Disons d'abord que la hiérarchie chronologique n'est qu'un privilège de l'âge. Il n'y a aucun mérite particulier à avoir fait quelque chose le premier. Tout dépend de la qualité de ce qu'on propose. Hier à Nice on a battu le record mondial de la tarte à la crème: la pâtisserie, exposée sur le trottoir, faisait 300 mètres de long. Elle n'était pas meilleure pour autant.

Il y a du flou dans la question posée. Car si les mots "site" et " Toile" sont clairs maintenant pour tout le monde, ils sont moins anciens que la chose. Auparavant on parlait de station de travail et de réseau. Et dès les années 70, il m'est arrivé au Centre IBM de La Gaude (près de Nice) d'être en liaison avec des ordinateurs de Californie. Le premier réseau européen a d'ailleurs été un réseau IBM, gratuitement mis à la disposition des universitaires européens.

En France le réseau Transpac a pris le relais au début des années 80. Des ressources, dont certaines linguistiques et littéraires comme celles du Trésor de la langue française à Nancy, pouvaient transiter sur le réseau, parfois même avec un simple minitel. En ce sens on peut dire que le Trésor de la langue française a peut-être été le premier serveur de données littéraires et linguistiques, en même temps que le site miroir installé à Chicago sous le nom d'ARTFL par Morissey. Même si la version WEB de FRANTEXT n'existe dans sa forme actuelle que depuis 1995 ( si mes souvenirs sont exacts), des services similaires étaient rendus depuis des années par le logiciel d'interrogation Stella, réalisé par Jacques Dendien à Nancy. Et parallèlement sur le réseau Minitel à la fin des années 80 Charles Muller proposait sa base interactive Orthotel (qui existe toujours, mais maintenant sur Internet).

C'est dans la dernière décennie que la question posée du premier site littéraire prend un sens plus restreint, à partir du moment où le WEB voit le jour qui progressivement va se substituer, grâce au codage HTML, aux logiciels de travail à distance comme Telnet, de transmission de fichiers comme Fetch ou FTP, de commuication comme Gopher ou News, ou de messagerie comme Eudora. Les navigateurs Mosaic, puis Netscape, puis Microsoft Explorer s'imposent progressivement, en même temps que les premiers métaserveurs, en particulier Lycos qui a eu son heure de gloire bien avant Altavista et Google. Mais parallèlement les procédures anciennes se maintenaient encore et les grandes bibliothèques étaient ouvertes au dialogue, comme celles de l'université de Californie (tous sites réunis), la bibliothèque du Congrès ou, en France, la Bibliothèque Nationale. Bien sûr on ne téléchargeait pas les textes, mais on avait accès au catalogue à distance. C'est au moment où se répand le code HTML (qui, comme XML, n'est qu'une instanciation du code SGML antérieur) et le développement explosif d'Internet, qu'on peut vraiment parler de site et de Toile Et cela ne permet guère de remonter au delà de 1993.

En ce qui concerne le laboratoire que je dirigeais, l'apparition de son site (ancilla.unice.fr) date de 1994. Il est encore accessible actuellement sous une forme à peine changée, sur un vieux Macintosh qui a plus de dix ans. Le laboratoire proposait alors sur Sun un autre site (lolita.unice.fr) qui a disparu, parce que le nom pouvait prêter à confusion au moment où le sexe a envahi la toile. Et dès juillet 1995 le laboratoire mettait sur son site la base interactive Rabelais et son temps (base CGI) et quelques mois plus tard la base Balzac ( base purement HTML). Ces bases sont toujours opérationnelles, sans changement, au bout de huit ans, la dernière traitant plus de 10 000 requêtes par jour ( requête = fichier transmis).
Je m'excuse d'avoir été long: l'histoire et l'âge rendent bavard.
Pour de plus amples détails, voir un article sur ces question publié sur internet dès 1995 sous le titre "Le triple double V"

Etienne BRUNET