"Parfois on rêve de choses – qui en rien – ne peuvent être réelles..."
un atelier d'écriture à Périgueux avec Michèle Sales
Michèle Sales a publié aux éditions du Rouergue La Grande Maison

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Un atelier, pour écrire, trente neuf filles de 18 à 20 ans, BTA action sociale en Institut rural, sur une colline de Périgueux.
On commence à bien se connaître. Il y a derrière nous ces sept mois d’écriture, une confiance lentement acquise, et ces rencontres avec tant d’auteurs évoqués sur notre route commune.
Cette fois encore on parle de Kafka, sa vie de famille, sa ville, la lutte pour vivre et écrire.
Leur faire lecture des rêves, si présents dans son Journal.
Auxquels on va soi-même comme à la rencontre d’un secret, d’une source.
Parler des rêves en atelier c’est d’abord parler de ceux qui dans notre histoire littéraire en ont fait pour eux-mêmes une discipline, non pour en faire des livres, le récit souvent si court, si confus, si étrange, mais pour ces matériaux internes, fuyant la conscience, mais si riches de mots inattendus et de sentiments complexes.
En atelier aller ensemble dans cet intime qui ne nous appartient pas vraiment, chaque rêve perçu comme si intérieur, si personnel que la proposition leur a d’abord semblé choquante.
Je leur demande l’impossible : trouver des mots pour dire ces rêves qui – en rien – ne peuvent être réels, comme dit Cathy, entre la crainte du contraire et la distance qu’elle devra mettre pour permettre aux mots d’aller chercher ses rêves.
Ecrire leurs rêves, et plus encore les lire devant la classe, elles ne pourront pas.
Je me tais. Il faut affronter seules, elles le savent maintenant.
Visages concentrés, silence. Tant de silence, dans la classe ou dans le parc ensoleillé, en bout d’une journée de cours. Ce don. Cette façon qu’elles ont de savoir instinctivement la valeur de ce qu’elles donnent.
A la fin il y aura trop de textes, trop de matière à partir de ce refus premier. Et la lecture sera encore une fois trop courte.
J'attends notre prochaine rencontre, Johanna, Virginie, Nadège, Jessica, Audrey, Emilie, Laure, Delphine, Yaël, Claire, et toutes les autres, pour vous remercier encore une fois de ce que vous me donnez, et qui nous fait être ensemble. Ecrire.

Michèle Sales

Je suis enfermée dans un établissement vide, les couloirs sont sombres et je me vois courir.
Je suis poursuivie par quelqu’un ou quelque chose, je n’ai jamais vu qui me poursuivais
J’ai peur.
J’ai envie d’une chose, c’est de sortir de ce bâtiment mais toutes les portes sont fermées à clef.
Je me vois crier « au secours » mais personne ne vient à mon aide.
Alors je cours de plus en plus vite.

La piscine était de toutes les formes (arrondies) avec des petits carreaux bleus
Je ne voyais pas les murs, tout était noir.
Je n’avais pas pied.
Les personnes me faisaient couler et ils me laissaient longtemps sous l’eau où je ne pouvais pas respirer, mais pourtant j’y arrivais car je rêvais.
Et c’est une sensation très bizarre.

Dans ce morceau de rêve je me vois dans un cercueil fermé, je vois mon squelette. Je sais tout simplement que c’est moi. Dans ce rêve c’est comme si c’était mon âme qui me voyait morte.
Ce rêve je le fais très souvent.

Je me souviens que c’est la guerre, je me couche sur le sol car les avions allemands bombardent. Je suis couchée sur l’herbe ça me chatouille. J’ai si peur de mourir. Je ne sais pas pourquoi mais je sais que je suis juive, qu’il faut que je me cache. Je me relève et je continue à marcher. La suite je ne me souviens plus. J’ai rêvé aussi que mon chien qui avait disparu était revenu. Il avait creusé un trou sous le portail, et il était passé. Dés que je l’ai vu je l’ai sifflé et appelé « Marius, Marius ».
Il a tourné la tête puis est venu me voir en courant. Mais ses poils avaient tellement poussé qu’il s’entravait dedans. Et je n’ai jamais pu le prendre dans mes bras.

La maison que je vois est en hauteur, donc je pense que je suis en avion ou dans quelque chose qui vole. Je la vois en forme de U, avec un crépi jaune et des tuiles roses. Par la suite je crois que l’avion se pose et que je rentre directement dans la maison sans ouvrir la porte comme si on m’y attendait.

Dernièrement j’ai rêvé que je me trouvais dans une guerre, au milieu des chars d’assaut, et d’hommes autour de moi avec leurs multitudes d’armes. Je ressentais un sentiment d’isolement et de peur, je pouvais apercevoir la nature autour de moi ; la verdure de l’herbe.
Parfois dans mes rêves je peux ressentir la douleur ; telle que des coups, ou alors une attaque, ou des morsures de chiens, ou rêver d’avoir sur moi des araignées qui me mangent.

On courait dans cette – forêt - mais aussi on traversait des prés, des collines.
On s’est arrêté, devant une grande cabane en bois qui me paraissait immense et pas du tout moderne, devant celle-ci un homme très grand barbu, habillé avec des guenilles
Il nous dit « rentrez ici vous serez en sécurité ».
Dans cette cabane très sombre il y avait une très grosse télé récente qui marchait, elle était installée au dessus d’un meuble, pour la regarder il fallait lever la tête, nous étions assis sur le banc. Pendant ce temps l’homme nous avait enfermés dans la cabane, puis peu de temps après il nous fit sortir et nous indiqua en allongeant le bras « que vers là-bas on serait mieux ».
Nous sommes sortis de la cabane et avons continué notre marche sans nous poser de questions en traversant des collines très hautes et très vertes.
Il y avait un grand soleil, il faisait chaud, le ciel était bleu et les arbres étaient fleuris, et moi j’étais couchée au pied d’un arbre à l’ombre et je regardais les papillons voler

Je rêvais que je songeais que je ne pensais plus à rien. Je marchais dans une ville, en fait je la visitais. J’avais visité un château, une maison, des souffleurs de verre et un zoo. Il faisait chaud alors je buvais beaucoup et j’avais une grosse envie de faire pipi. En ville, je suis entrée dans un bar et je suis allée aux toilettes et j’ai fait pipi. En me réveillant, mon lit et mon pyjama étaient tout mouillés.

J’étais au rebord de ma fenêtre et le soleil était un mai.
J’avais de longs cheveux bruns et j’étais très belle
Et en bas de ma fenêtre tous les garçons étaient en train de me regarder.
Et en me réveillant je suis allée dans ma salle de bain et je me suis regardée dans la glace
Et j’ai vu que ce n’était qu’un rêve
Et je suis repartie me coucher.

Une fois arrivé au ponton, il y avait une ambiance bizarre, des chaînes pendaient de partout comme dans un vieux film avec un entrepôt vide et sombre avec des tuyaux qui font un vieux bruit d’eau. J’entendais crier à l’aide et je courais mais le paysage ne bougeait pas. Lorsqu’on m’a mis dans ma tombe, j’ai eu l’impression de tomber. Et donc je me suis réveillée en sursaut. Des larmes coulaient le long de mes joues.

On ne distingue même pas les murs. Au centre d’un éclairage il y a un cercueil ouvert. Je m’approche pour essayer d’entrevoir qui se trouve dedans. J’aperçois une silhouette mais je n’arrive pas à reconnaître la personne. Des membres de ma famille sont autour et certains sont en larmes. Ils ne sont pas habillés de noir mais de couleurs. Il n’y a pas un bruit. Je n’arrive pas à voir qui est là. Plus j’avance et plus j’ai peur de découvrir qui se tient allongé dans ce cercueil.