Hervé Chesnais / La fille de la maison voisine

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Sur le plastique gris du tableau de bord de la Nissan Sunny, une madonne autocollée prie. Piété vaine: la voisine est gâteuse, elle sort nue la nuit sur la place, elle fait pitié dit-on ici. Sa fille (la dame à la piéta patchée) l’enferme désormais, en partant rejoindre son fils (un innocent qui l’attend dans l’auto), qui ne dit pas un mot. Elle n’a pas de chance, elle fait face, elle conduit. On sent bien qu’elle est toute action, que le soir après avoir tout rangé, couché le fils, elle ne regarde pas la télé. Elle s’endort comme la pierre tombe dans le puits. Elle ne rêve jamais, elle ne sait pas ce que c’est, rêver. Elle ne prie que rarement : l’autocollant le fait pour elle. Elle n’a pas peur des cauchemars, et si dieu existait, s’il se trompait à nouveau, s’il la vouait à l’enfer au jugement dernier, je crois qu’elle rangerait l’enfer, qu’elle prendrait sa voiture, et qu’en enfer encore, elle changerait sa mère au linge jaune, et qu’en enfer encore l’innocent l’attendrait avec ce sourire là dont elle sait qu’il ne signifie rien.