Pierre Antoine Villemaine | Contre toute attente (I)

 

il va falloir se parler

 

I

…

isolée au milieu des formes
sans lien sans lieu sans sol
une voix attend sa délivrance

une voix antérieure àtout discours
une pensée / une passion
ignorante / inapaisée

…

de fines émotions
des je ne sais quoi
restes ou affects innomés

parcelles infimes / secousses mentales / saignements de pensée

…

cibles de l’écoute :

toutes sortes de traces - griffonnages et gribouillis / motifs brisés / moments d’égarement / et de vertige et d’ivresse et de transport / variations atmosphériques / humeurs / grains de réalité / morceaux flottants de corps / parements divers fermentent la forme sans forme d’une voix séquencée / la fragilité d’une basse obstinée ourdie de rêveries obliques / de fictions théoriques

…

sans cohérence, mais faits d’association, comme des rêves

une prose musicienne

restes de gestes minuscules / presque de survie / de petits soubresauts ou secousses qui bouleversent les corps / des tremblements / miettes de sens / des agitations àpeine perceptibles pointent encore / vestiges de mouvements matinaux esquissés ou gestes d’une mémoire / balbutiements articulés au plus proche des commencements

…

dénué de sens / quelque chose commence

 

II



approximative incertaine instable
comme privée de parole
sur la surface une voix cherche un corps

cette voix appelle
l’organisation floue d’une suite d’interruptions
d’où souffle l’obscurcissement progressif d’un texte sans fin
la poursuite d’une image fantôme

soit
àmême la langue
un lieu de confluence
sans ordre apparent si ce n’est la matière de la phrase
une continuité souterraine issue d’ancêtres nouvellement assemblés




et le silence
et la peur - toujours la peur

 

(extrait paru dans la Revue Phaë ton, Bordeaux, 2020)

9 novembre 2021
T T+