F. Bon - 18 mars 2002, acheté cet après-midi

acheté évidemment à Tours, librairie Le Livre, puisque c'est là que j'habite et que, malgré le nombre réduit de mètres carrés, c'est une des plus pointues pour les choix et le stock - bon, quatre bouquins ça me fera la semaine, mais au moins deux sont des livres outils - fin de semaine il y a visite au salon du livre ça aussi c'est dangereux pour le porte-monnaie - encore ai-je puissamment résisté à quelques suggestions amicales de Martin Arnold et Laurent Évrard, les libraires

anthologie de "poèmes à dire"

on y trouve, sous l'emblème ce "poèmes à dire", un parcours via Artaud, Gherasim Luca, Desnos, Pierre-Albert Birot, mais aussi Valère Novarina, Bernard Noël, Jean-Luc Parant, Christian Prigent, Serge Pey, Armand Gatti ou Christian Gabrielle Guez-Ricord: le livre finit avec Valérie Rouzeau - livre à mettre entre toutes les mains, et ne chipotons pas sur les choix ou les absents - oui, la poésie est un domaine vivant, dense, où se joue toujours l'atelier essentiel de la langue (c'est en Poésie/Gallimard, présentation et choix de Zéno Bianu) - de belles pistes d'ateliers lecture... extrait :

À opposer au monde ce cri je suis toi comme pour le commencement, toi
Comme pour la fin, comme ce qui nous parle de ce renoncement, toi étreinte
Enfin dans la lumière du doute et de la mort, le silence à nouveau et toi
Christian Gabrielle Guez-Ricord

Alain Duault : Où vont nos nuits perdues

des blocs nus de mots sans majuscules, disant le corps, ne rechignant pas aux rythmes longs, à l'afflux d'une langue violente : parmi tant et tant d'amas de livres indécents à force de rien, on reçoit ça comme de reprendre confiance - Alain Duault est membre du comité de rédaction de la revue Po&sie - un extrait :

Moi je voudrais bien que le monde soit ce que vous dites
Mais il faudrait que l'on m'explique pourquoi l'on peut
Mourir d'amiante comme on aimait pourquoi la peur pour
Un baiser qui a goût de départ et la panne des roses après
Le nuage d'inquiétude qui venait de si loin qu'on ne sait
Si Tchernobyl est au monde ou ailleurs pourquoi une ride
Remplace un rire sur son front dur quand je la crois belle
Pourquoi au détour d'une route en Bourgogne un matin
Une pie a plié ma vie comme une mère se retourne avant
Que son enfant s'en aille on se reverra à Noël ou à la nuit
Mon pauvre petit tu ne sais pas comme je suis trop vieille
Et la pie a passé si vite que je n'ai vu que ses ailes ce vol
De ma vie a passé si vite que j'ai vu plus belle lumière
Quand on a crevé mes yeux mon âme et pourquoi le rêve
De voler s'achève parfois en fumée pourquoi une bombe
Au café et le ciel déchiré un matin d'août où l'on n'a rien
Vu mon amour pourquoi le faire pour en pourrir son sang
Ne fait qu'un tour du monde je voudrais bien vous croire
Au père à la mère et à ses seins si doux j'en ai l'empreinte
Dans mes mains mais pourquoi ne répondez-vous jamais
© Alain Duault - Gallimard

Carnets de Marcel Proust

les ratures, les petites notes serrées sur le calepin, les bouts de phrase qui parfois tombent tout droit dans la tête, ce qu'on recopie parce qu'on l'a lu dans Saint-Simon ou Kipling (Proust lisait, oui, Kipling), des tics de prononciation et des listes de lieux, et puis Raymond Clermont, Georges Grégoire, Francis Dubanton, soldats de rencontre : on est dans l'atelier intime, la forge en amont du livre cathédrale - Proust d'aussi près que dans sa Correspondance, et tout cela ridiculement inutile devant l'oeuvre : donc indispensable

Georges Picard, Le Vagabond approximatif

je ne connais pas Georges Picard, qui a écrit un livre intitulé "Petit traité à l'usage de ceux qui veulent toujours avoir raison" - j'ai entendu parler de ce "Vagabond approximatif" la semaine dernière par Laure Adler, il y a toujours pour un livre qui doit venir à vous un intercesseur ou un hasard - on visite avec lui La Châtre, on dort à Orléans, on s'arrête à pied en pleine campagne pour regarder passer un train de marchandises : j'aime ces livres qui ne prennent pas distance avec le réel mais l'investissent comme les déambulations de Gracq, ou La France fugitive de Michel Chaillou - c'est chez Corti, j'en reparlerai une fois lu - d'ailleurs, l'avantage du site Corti sur celui de Gallimard, c'est qu'il propose des renseignements sur l'auteur et un large extrait du livre