Martin Winckler / Odyssée, et après...

Après dix mois, et de façon brutale, la chronique du matin tenue par Martin Winckler sur France Inter cesse. Pourtant, on renouait avec une idée forte: l'écrivain, capteur de langage, en examinant les langages du monde, ravive ce lien entre la curiosité et l'expérience, montre que le travail de littérature n'a pas de cantonnement réservé, mais participe de ce déchiffrage permanent de notre propre énigme. On était reconnaissant à France Inter de cette ouverture (comme on l'avait pu être à L'Humanité de son inviation à Jean Rouaud ou Camille Laurens pour une chronique hebdo). Les chroniques de Martin Winckler seront reprises en décembre au Cherche Midi éditeur, et faisons lui confiance pour que ce soit un livre peu banal, incluant des ouvertures, des réactions d'auditeurs. Pour l'instant, on peut encore les consulter sur le site France Inter, y compris la dernière chronique, que personne n'aura entendue. Catherine Le Cam-Verdier s'est chargée pour remue.net de nous y introduire. Pour une fois que l'écrivain avait à dire quant aux mots de la cité... FB

deux promenades guidées mais hasardeuses dans l'intérieur même de l'auteur
suite en Winckler majeur 1 par Catherine Le Cam-Verdier
suite en Winckler majeur 2, par François Bon, à télécharger (RTF)

 

et toujours, les pages de remue.net sur Martin Winckler
quand on est médecin, écrire à quoi ça sert ? un inédit
et une rareté wincklerienne, son petit afflictionnaire médical

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Les chroniques de Martin Winckler sur France Inter qu’est-ce que c’était ?

C’était
– dix mois de plaisir
– 185 chroniques dont
– 181 au titre en forme d’interrogation, sans doute les « questions saugrenues » envisagées dès la première intervention de Martin... «Questionnez vos petites cuillers» comme le disait Perec puisque «ce n’est pas parce qu’une question est gênante qu’il faut éviter de la poser» ; d’ailleurs le questionnement, c’est aussi la science : « La meilleure manière de NE PAS être un scientifique, c’est de ne pas se poser les bonnes questions et de répondre… à côté »
–  mais 4 assertions : le « voyage dans la tête » introductif , la devinette «Il a un bec et il pond des œufs mais ce n’est pas un oiseau...», les « quelques questions que j’aimerais poser aux auditeurs» et les tendres « histoires de pères » ...
– une Odyssée dédiée à un ami grec, du rêve à la diffusion du savoir (dans une chronique paradoxalement non diffusée) qui « cherche en même temps l’éternel et l’éphémère » (encore Perec)
et même si «ce n’est pas parce que c’est sur l’internet que c’est vrai», on savait ce n’était « pas des bobards »... Non, vraiment, c’était
• du bonheur
• une surprise quotidienne
• de l’enthousiasme
• une voix au réveil / sous la douche / dans la voiture…
• des infos sérieuses, parfois médicales certes mais pas seulement (et loin s’en faut !), littéraires, scientifiques
• du poil à gratter (l’industrie pharmaceutique… – même s’il est politiquement correct à présent de dire les entreprises du médicament – , mais pas seulement)
• du savoir partagé
• un émerveillement quasi-enfantin
• des vérités
• de l’imagination
En fait, c’était l’indispensable sourire du ma(rc)tin qu’on n’aura plus.
Catherine Le Cam - Verdier

archives des chorniques de Martin Winckler sur site France Inter

 

Comment l'internet a-t-il été créé ?
Chronique du 16 Octobre 2002
Vous aurez remarqué que je dis « l’internet » (avec un article) et non pas Internet, sans article et avec une majuscule comme on le dit en France, pays où l’internet a longtemps été présenté comme une entité, une sorte de monstre tentaculaire. On dit le téléphone, la télévision, la radio, il faut donc dire l’internet, ça remet les choses en place. Qu’est-ce que l’internet ? Eh bien, pour simplifier : c’est l’ensemble des réseaux d’ordinateurs qui échangent les informations sur la planète Terre. Ce n’est donc pas une chose, mais un système de communication. Autrement dit : un outil.
Le premier homme qui semble avoir anticipé un réseau de communications entre ordinateurs s’appelait Licklider, et c’était un chercheur du MIT, l’institut de technologie du Massachussets. Dans des articles écrits en 1962, il imaginait un système de connections entre ordinateurs qui ressemblait tout à fait à l’internet que nous connaissons aujourd’hui. La technologie évolue souvent sous l’impulsion des militaires, et le premier grand réseau de communications entre ordinateurs fut en 1973 un réseau militaire, l’ARPANET. Parallèlement, d’autres réseaux sont apparus à l’initiative des scientifiques et des chercheurs civils qui désiraient échanger des informations via les ordinateurs des universités où ils travaillaient. Au début des années 80, pendant que les Télécom françaises créaient le Minitel, système lourd, lent et dont le principal objectif était de taxer ses utilisateurs, l’ARPANET mit au point le protocole TCP/IP, système qui permet aux ordinateurs d’échanger des « paquets » de signaux via une ligne téléphonique. De manière assez remarquable, l’ARPANET distribua gratuitement son système, ce qui permit à tous les réseaux de se connecter entre eux et de donner naissance à l’internet proprement dit.
Les ordinateurs des années 70 étaient d’énormes machines ; les premiers ordinateurs individuels,celui d'Apple puis celui d’IBM, n'ont été commercialisés respectivement qu’à la fin des années 70 et au début des années 80. On peut donc considérer que la mise au point et la multiplication des ordinateurs individuels a joué un rôle fondamental dans le développement de l’internet et qu’en retour, l’internet a accéléré les avancées de l’informatique. À noter que les progrès de l’internet ne sont pas toujours venus d’Amérique ; ainsi, le langage informatique qui permet de réaliser et de mettre en ligne des pages contenant du texte, des images et des sons - comme le site de Radiofrance.com, par exemple - a été mis au point en 1991 par le CERN, un centre de recherche nucléaires suisse.
Au cours des 40 années écoulées, l’internet s’est développé parallèlement au téléphone et à la télévision. Contrairement au téléphone, il permet d’échanger beaucoup d’informations en très peu de temps et avec beaucoup de monde en même temps. Contrairement à la télévision, dont les programmes sont imposés par la direction des chaînes, l’internet contient tout ce que ses utilisateurs veulent y mettre. Tel une bibliothèque planétaire, c’est un outil extraordinaire qui change notre monde et contribuera à le changer encore longtemps. En France, où les idées nouvelles ont toujours du mal à être acceptées, beaucoup de gens se demandent cependant encore à quoi ça sert vraiment, de surfer sur l’internet. Et bien ce sera le sujet de la rubrique de demain.


A quoi ça sert l'internet ?
Chronique du 17 Octobre 2002
L’internet - qu’on appelle aussi le réseau des réseaux - relie entre eux via des ordinateurs des
individus et des organismes privés ou publics qui désirent partager ou échanger des images, des sons ou du texte simultanément avec des centaines de milliers de personnes. Et il permet à tous ses utilisateurs d’échanger ces informations simultanément. Bien sûr, l’internet permet à tout un chacun d’accéder facilement à une myriade de sites commerciaux, depuis la librairie en ligne jusqu’au grand magasin. Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, qui donne à l’internet son statut de véritable outil démocratique réside dans cette petite chose toute simple qu’on appelle le courrier électronique : on tape son message, quelques mots ou plusieurs lignes, et on l’envoie, à une personne ou à plusieurs, qui le trouveront dans leur boîte à lettres électronique ou, si on le poste sur un forum - sorte de chambre d’écho dans laquelle plusieurs intervenants peuvent converser en groupe - avec dix ou cent personnes qui peuvent réagir immédiatement ; ainsi, des individus ou des associations du monde entier organisent rapidement un mouvement d’entraide pour un pays éloigné, ou font circuler très rapidement une information cruciale. Au moyen d’un programme qu’on nomme un navigateur (les canadiens disent « feuilleteur »), on peut commander un livre à une librairie en ligne, réserver une place de train, identifier l’itinéraire le plus rapide entre Pithiviers (Loiret) et Preuillé le Chétif (Sarthe), envoyer à un collègue suisse une photo de famille, recevoir d’une amie italienne les coordonnées d’une revue, retrouver le numéro de téléphone d’une cousine dont on a perdu la trace, lire les articles parus la semaine ou l’année précédente dans un quotidien national, visionner un film, écouter des morceaux de musique, visiter des musées virtuels, récupérer la notice d’un appareil électrique dont on ne sait plus faire le réglage ou encore télécharger gratuitement (c’est à dire enregistrer sur son propre ordinateurde bureau) « Plumes d’Ange », le dernier livre de Martin Winckler prépublié en feuilleton sur le site des éditions POL . Etc. Etc. Il est très rapide et très facile d’installer ce qu’on appelle un site internet, c’est à dire une série de pages contenant des informations de toute sortes accessibles au plus grand nombre. Cette facilité permet d’allier le savoir-faire des hommes de terrain au savoir des experts et à l’expérience des citoyens pour mettre en commun des ressources ou des documents, et de proposer tout cela à ceux qui en ont besoin. Un exemple significatif : il y a quelques années, je cherchais des informations complètes et nuancées sur la mort subite du nourrisson. En surfant - c’est à dire en repérant des sites au moyen de mon programme de navigation internet - j’ai découvert un site canadien consacré à la maladie. Il était rédigé en anglais et en français. Plusieurs milliers d’articles sur la mort subite du nourrisson y sont archivés en consultation gratuite. Ce site a été conçu par des parents de victimes, pour les parents de victimes et pour les jeunes parents qui sont simplement inquiets. Signe de sa volonté d’informer sans dramatiser, sa première page donne à tous les nouveaux arrivants un conseil essentiel : « N’oubliez jamais que sur 1000 enfants, 998 ne feront pas de mort subite. »
Et le plus merveilleux dans tout ça c’est qu’un très grand nombre des sites d’information accessibles via l’internet sont mis en place et alimentés de manière bénévole. L’autre élément merveilleux et proprement inouï, c’est qu’aucune instance, aucun organisme ne peut contrôler autoritairement ce qui circule via l’internet, ce qui en fait un outil de libre échange du savoir et de la pensée qui se joue des frontières et des régimes politiques.
Mais justement, me dira-t-on, est-ce que cette liberté totale de circulation des informations n’est pas dangereuse ? Et les virus ? Et les sites nazis ? Et les réseaux pédophiles ?
Eh bien, j’aborderai la question de ces dangers - réels ou supposés - dans le troisième et dernier épisode de ce feuilleton, demain, à la même heure.


Est-ce que c'est dangereux l'internet ?
Chronique du 18 Octobre 2002
Attention, je ne vais pas parler de morale, de censure ou de législation qui sont des problèmes importants, mais qui ne font pas partie de mes préoccupations d'aujourd'hui. Je vais parler des dangers matériels, physiques, médicaux et éventuellement psychologiques que ferait courir l'internet. Nous allons classer ces dangers en quatre cas : les effets sur le matériel (autrement dit : les ordinateurs eux-mêmes), les effets sur le corps de l'utilisateur, et les effets du contenu (c'est à dire des sites visités) sur le cerveau de l'utilisateur.
Le danger principal et presque exclusif de l'internet pour le matériel est bien connu : c'est l'entrée d'un virus informatique dans l'ordinateur. Qu'est-ce qu'un virus informatique ? Eh bien c'est un programme de petite taille qui a en général au moins deux fonctions : 1° se reproduire pour se transmettre d'un ordinateur à un autre ; 2° entraîner des dégats de gravité variée sur les machines qu'il " contamine ", depuis le simple message loufoque jusqu'à la destruction plus ou moins totale des fichiers. Avant la multiplication des connections internet, le mode de diffusion d'un virus était le plus souvent la disquette qu'on se passait de la main à la main. Aujourd'hui, le principal mode de transmission est le courrier électronique. Quand un virus infecte un disque dur, c'est enquiquinant, on peut perdre une grande partie de son travail mais ça n'est pas nouveau : les pannes de disque dur ça arrive aussi, et les histoires d'écrivains ou de musiciens qui ont oublié une sacoche dans un taxi sont légion. Avec un antivirus, des sauvegardes régulières et un peu de prudence consistant à ne jamais ouvrir un message au titre ou à l'expéditeur suspect on peut limiter les dégats.
Les effets sur le corps de l'utilisateur se résument, en gros, au mal de crâne, au torticolis, aux jambes lourdes, au mal de dos et à la crampe de la main qui manipule la souris. Rien qu'un peu de repos et un anti-douleur ne puissent arranger.
Les effets sur le cerveau de l'utilisateur sont les plus redoutés. Les deux principaux dangers invoqués sont l'effet du contenu de certains sites sur la personnalité des enfants ou des personnes " sensibles ". Diverses associations s'inquiètent en particulier de l'existence de sites
pornographiques, de sites pédophiles ou de sites nazis. Encore une fois, il n'est pas dans mes propos de dire si ces sites doivent être interdits ou non, mais rappelons qu'à ce jour, il n'a jamais été scientifiquement démontré - et c'est pas demain la veille - que la vue d'un site pédophile rend pédophile ou que celle d'un site nazi fait du spectateur un antisémite. S'il était si facile de changer la personnalité de quelqu'un, mes petites chroniques transformeraient les auditeurs qui ne sont pas d'accord avec moi en zélotes, mais heureusement ce n'est pas du tout le cas.
Plus sérieusement, ce qui inquiète souvent les parents est que les enfants branchés sur l'internet ou d'ailleurs simplement à leur manette de jeux y passent, " trop " de temps. La psychologie infantile nous a appris que les phases de repli sur une activité solitaire font partie du développement de l'enfant. L'importance du temps passé n'est pas signe de dépendance au jeu - comme on serait dépendant d'une drogue - mais de concentration, soit parce que le jeu passionne l'enfant, soit parce qu'il lui permet d'échapper à un environnement pénible. Le temps passé sur le jeu (ou sur l'internet) n'est donc pas une cause, mais une conséquence.
Un enfant qui passe des heures à jouer sur un ordinateur est-il plus " inquiétant " qu'un enfant qui passe des heures à lire ou à faire du piano, activités considérées comme " culturelles "? Non, bien sûr. Alors, au lieu de le houspiller - et donc de renforcer son désir de se remettre le nez sur son écran -, proposons-lui plutôt quelque chose qui lui donne envie d'en sortir.
Non, le véritable danger de l'internet sur le cerveau de l'utilisateur, comme me le faisait justement remarquer Jean-François, auditeur et utilisateur lucide de l'internet, c'est la propagation de fausses nouvelles : " Il est en effet très facile de créer un site et d'y prétendre que de tremper un orteil dans de l'eau en ébullition guérit le mal au dos. L'information peut ainsi se propager et engendrer un nombre non négligeable de brûlure de l'orteil au troisième degré. "C'est vrai je l'ai vu à la télé" est une phrase courante et nous savons qu'il faut prendre avec précautions toutes les données provenant de la lucarne (comme il faut lire entre les lignes de la presse). Parfois, une fausse information se transforme en rumeur (les exemples liés au 11 septembre sont nombreux). Il faut toujours vérifier ces sources et les recouper. Il existe un site
plutôt bien fait : http://www.hoaxbuster.com/ qui présente et analyse les fausses rumeurs qui circulent sur le net."
Autrement dit : ce n'est pas parce que c'est sur l'internet que c'est vrai. Mais ça, ça tombe sous le sens, n'est-ce pas ? En tout cas, sur Radiofrance.com, ou ces chroniques sont archivées chaque jour nous faisons tout notre possible pour ne pas vous raconter de bobards.
A lundi ! 

Avec qui avez-vous grandi ?
Chronique du 8 Novembre 2002
Quand j’étais gamin, dans les années 60, j’achetais "Vaillant" qui devint plus tard « Pif Gadget », "Spirou", "Tintin", et bien sûr, "Pilote". Et, comme tout le monde, j’avais mes héros préférés : Gaston, Ric Hochet, Nasdine Hodja, et Blueberry. Mais parmi les dessinateurs, il y avait un type un peu à part, qui ne dessinait jamais d’histoires à suivre, et qui bossait à la fois dans "Vaillant" et dans "Pilote". Il se nommait - et se nomme toujours, d’ailleurs - Marcel Gotlib. Je l’ai vu faire ses débuts dans Vaillant en dessinant sur une page les aventures d’un garçon, d’une fille et d’un renard. Ça s’appelait « Nanar, Jujube et Piette ». Jujube, le renard s’est fait un copain : un chien placide qui roupillait tout le temps, ne riait jamais et s’appelait Gai-Luron. Bientôt, Gai-Luron est devenu le personnage principal et presque unique, de la planche hebdomadaire. Enfin, pas tout à fait : il avait toujours près de lui, dans un coin de la case où il était mis en scène, une petite souris qui vivait une histoire parallèle. Une BD dans la BD, en quelque sorte. À la même époque, dans "Pilote", Gotlib dessinait sur des scénarios de René Goscinny une double planche hebdomadaire intitulée « Les Dingodossiers ». J’y apprenais tout sur le cinéma, la télévision, la cuisine, les animaux de la ferme, les voyages en autocar et même sur l’école. Car les Dingodossiers, avaient parfois pour héros un petit garçon sans prénom, qui s’appelait seulement Chaprot. Chaprot avait mon âge, c’était un cancre et un rêveur. Lorsque le maître lui demandait « Chaprot qu’est-ce que je viens de dire ? », et que Chaprot répondait juste, l’instituteur, bouleversé, lui mettait la main sur la tête en disant « Qu’est-ce qu’il y a mon petit Chaprot, vous êtes malade ? » et Chaprot répondait « Je crois que j’ai de la fièvre, M’sieur ». Après les "Dingodossiers", Gotlib qui grandissait en même temps que moi, a créé la "Rubrique-à-Brac", et s’est efforcé d’y faire mon éducation scientifique grâce à deux grands savants. Isaac Newton, qui lui aussi faisait souvent la sieste, me fit régulièrement découvrir la gravitation universelle en recevant, tantôt une pomme, tantôt un pot de fleurs, tantôt un cheval sur la tête. De son côté, le professeur Burp m’enseigna tout ce que je sais aujourd'hui sur le crocodile, le paresseux (qu’on appelle également « aï ») la girafe et le kangourou - sans oublier la petite coccinelle, qui occupait le coin des cases comme la petite souris. L’inspiration de Gotlib ne se cantonnait pas aux sciences exactes : je me souviens aussi du petit poucet qui semait derrière lui des enclumes pour retrouver le chemin de la maison et des enquêtes de Bougret et Charolles. Et il lui arrivait aussi de se mettre en scène sous les traits d’un artiste couronné de lauriers qui foutait dehors les dessinateurs qui auraient pu lui piquer sa place. Il savait aussi être poétique ; je me souviens avec émotion de deux planches dans lesquelles il se montre avec un boulet au pied tandis que sa petite fille, patiemment, scie la chaîne. Après avoir clos la "Rubrique-à-brac", Gotlib a composé dans "Fluide Glacial", des récits provocateurs, et m’a appris la vie en se moquant de la religion, du sexe et de la morale. Il y a aussi inventé le personnage de Pervers Pépère. Et puis, un jour, Gotlib a cessé de dessiner. Et moi, j’ai constaté que j’avais grandi. D’abord, les deux choses m’ont rendu triste, et puis, je me suis réjoui de la chance d’avoir grandi avec Gai-Luron, Chaprot, Isaac Newton et aussi Hamster Jovial, le scout qui n’arrivait jamais à empêcher ses louveteaux de se tripoter partout. Finalement, j'ai grandi en suivant pas à pas, pendant près de vingt ans, la carrière d’un artiste. Je viens de voir que l’intégrale de la "Rubrique à Brac" ressort en un seul énorme album et j’ai très envie d’aller faire une cure de jouvence. Pas vous? 

Qui étaient vos héros d’enfance ?
Chronique du 18 Décembre 2002
Un héros, ça n’est pas seulement une figure que l’on admire pour ses hauts faits, mais aussi un personnage auquel on s’identifie par ses doutes, ses conflits intérieurs, ses histoires sentimentales, ses problèmes domestiques ou ses choix professionnels. Comme tous les enfants du baby-boom, nés au milieu des années 50, j’ai eu des tas de héros, et j’aimerais en évoquer ici quelques-uns, parce qu’ils font partie de notre culture commune. Évidemment, la plupart de mes héros sont masculins et il ne faut voir là aucun sexisme mais le produit d’une histoire et d’affinités personnelle. J’aimerais d’ailleurs savoir quels étaient les héros des filles de ma génération. Enfin, moi, quand j’étais gamin, j’aimais beaucoup Thierry la Fronde, qui fit ses débuts à la télévision française en 1963 parce qu’il était long et maigre, parce qu’il vouvoyait Isabelle, sa bien-aimée et parce qu’il avait une fronde. J’ai cassé beaucoup de carreaux, au milieu des années 60. Ensuite, il y a eu Zorro. Celui de la série de Walt Disney, bien sûr, qu’on vit au petit écran à partir de 1965 - j’avais dix ans. Zorro, c’est autre chose. Il avait un masque, il s’habillait en noir et il se déplaçait sans bruit sur les toits. Il m’a donné très envie de faire de l’escrime. Un héros qui vous fait faire du sport ne peut pas être complètement mauvais. Et puis, j’adorais ses jeux de cache-cache avec ce bon bougre de sergent Garcia et je frissonnais dès que je le voyais entrer ou sortir de chez lui en cachette de son père par le passage secret qui se trouvait derrière la bibliothèque. Je choisissais aussi mes héros dans dans les bandes dessinées. J’avais une tendresse particulière pour les voyages dans l’espace des Pionniers de l’Espérance, pour les évasions de l’insaisissable Nasdine Hodja, et bien sûr, pour les aventures de Michel Vaillant et de son ami le pilote Américain Steve Warson. C’est peut-être pour ça que j’aime bien habiter au Mans. À l’âge de onze ou douze ans, mon « Harry Potter » de l’époque, personnage récurrent de toute une flopée de romans, s’appelait Langelot. Il était orphelin - ce que beaucoup d’enfants aimeraient être pendant deux heures, de temps à autre - et agent d’un service secret, le SNIF service national d’information fonctionnelle. Une sorte de James Bond adolescent mais 100 % français. Plus tard, à l’adolescence, j’ai adoré Arsène Lupin, sa ténacité, son bagou, son culot, son humour, son courage, son charme, sa loyauté et sa manière de dire merde aux politiciens ou aux affairistes en les délestant de leurs titres et de leurs tableaux de maître. Et puis, à mesure que je grandissais, j’ai adopté des héros plus réalistes. Dans les nouvelles de Conan Doyle, j’adorais évidemment les remarques presque cliniques de Holmes, mais aussi les petites notes intimistes que le narrateur - le Docteur Watson - donne sur lui-même, sur ses mariages successifs et sur son travail de médecin. Les héros d’enfance ont pour fonction de nous accompagner pendant que nous grandissons, et c’est une chance de grandir avec des héros comme ceux-là, à la fois rassurants et source d’imprévus. Il y a quelques jours, un élève de 6e écrivait dans une de ses rédactions - c’est son enseignante qui me l’a confié - : « Lorsque je lis, j'ai l'impression d'être l'ombre du héros et de le suivre partout. Et c'est lorsqu'il prend une décision que je n'aurais pas prise moi-même que l'aventure commence. » Ce garçon a de grands bonheurs devant lui.

Qu’est-ce que la filiation des personnages ?
Chronique du 24 Janvier 2003
Un écrivain invente un personnage. Et puis, un autre écrivain s’inspire plus ou moins ouvertement de ce personnage pour en créer un deuxième. Il ne s’agit pas de plagiat, car les personnages sont différents, mais le second partage avec le premier des traits que l’auteur enrichit à sa manière. Pour vous éclairer, je vais vous donner deux exemples. Le premier est celui du Mouron Rouge. Inventé au début du vingtième siècle par une noble hongroise, la Baronne Orczy, le Mouron Rouge est un Lord anglais, Sir Percy Blakeney, qui vient au secours des Aristocrates français pendant la révolution, et qui les tire des griffes des affreux révolutionnaires grâce à son art du déguisement et à son sens de la surprise. Ses aventures, publiées à Londres, rencontreront un succès immédiat après avoir été mises en scène au théâtre en 1904. Quinze ans plus tard, en 1919, un autre héros fait son apparition en Amérique dans un roman à deux sous intitulé « La malédiction de Capistrano ». Comme le Mouron Rouge, il porte un masque et une cape, il apparaît et disparaît sans prévenir et vient au secours des opprimés - qui, en l’occurrence, sont les peones opprimés par de riches fermiers, quand la Californie était encore une colonie espagnole. L’auteur de ce roman, Johnston McCulley, est auteur de romans populaires. Son nom ne vous est probablement pas familier, mais celui de son héros ne vous est pas inconnu : c’est Zorro, le renard, défenseur des opprimés. La parenté entre Zorro et le Mouron Rouge est attestée par McCulley lui-même, qui avait lu l’œuvre de la Baronne, (et par une parodie cinématographique intitulée en français « La Grande Zorro ». Dans cette comédie datant du début des années 80, Zorro interprété par Guy Hamilton, a un frère jumeau, Bunny, grande folle qui joue du fouet et s’habille dans d’invraisemblables vêtements fuchsia, dignes du Mouron Rouge...)
Cette généalogie ne s’arrête pas là. En 1939, un jeune dessinateur de comic-books, Bob Kane, invente un autre personnage de justicier, un jeune homme qui, lorsque ses parents meurent assassinés sous ses yeux dans la rue, jure de combattre le mal. Ce jeune homme s’appelle Bruce Wayne, il porte un masque et une cape noire plus sinistres que ceux de Zorro ; Et son modèle n’est plus le renard, mais la chauve-souris ; il s’agit, bien sûr de Batman. Son créateur, à son tour, s’inscrivait explicitement dans la filiation de Zorro par un détail révélateur : le jour où les parents du héros sont assassinés, ils sortent du cinéma où ils ont emmené leur fils voir « Le signe de Zorro » de Rouben Mamoulian. Le second exemple de filiation des personnages est celui de Mowgli, l’enfant recueilli par les loups dans le « Livre de la Jungle » de Rudyard Kipling. Lequel déclarait à propos de ceux qu’il avait inspirés : « Mes ‘Livre de la Jungle’ ont engendré des zoos entiers, mais le génie des génies est celui qui a écrit [...]‘Tarzan des singes’ ». L’auteur de Tarzan, Edgar Rice Burroughs, lui, se défendait d’avoir été inspiré par Kipling. Il ne le reconnut explicitement qu’une seule fois, dans une lettre à un universitaire. Le plus souvent, il disait avoir pensé, pour créer son personnage, à Romulus et Rémus ou à d’autres enfants trouvés. Il est vrai, par ailleurs, que Tarzan s’aventure plus loin que Mowgli : il grandit, part à la recherche de ses origines, et ses combats sont ceux d’un adulte. Mais, comme dirait Tantor l’éléphant, deux détails ne trompent pas. Tarzan, comme Mowgli, parle aux animaux et les comprend. Et puis, les deux héros ont le même ennemi juré : le Tigre. Le seul hic, c’est qu’il y a des tigres en Inde, mais pas en Afrique. Et c’est seulement dans les toutes dernières éditions des aventures de Tarzan que Burroughs corrigea cette erreur qui révélait son inspiration réelle.
Pour en savoir plus : Numéro spécial "Le Livre de la Jungle" de la revue National Geographic France, Janvier 2003.


Qu'est-ce qu'on peut lire pendant le week-end de la Toussaint ?
Chronique du 1 Novembre 2002
Bonjour à tous les chasseurs de fantômes.
La Toussaint, c’est la veille du jour des morts. Qui dit jour des morts dit cimetière, donc famille, donc, histoires de famille... Tiens ! Si on lisait un bouquin de psychanalyse ? Oui, je sais ce que vous allez me dire : d’abord, il faut y croire, et puis, même s’il y a un psy de service dans toutes les émissions de télévision et de radio, ces gens-là continuent encore souvent à jargonner ou, s’ils ne le font pas, à parler par sous-entendus, comme si tout le monde était censé connaître les expressions et concepts auxquels ils font sans arrêt référence, du complexe d’Oedipe au principe de plaisir en passant par la castration symbolique et le retour du refoulé. Pourtant, on aimerait bien comprendre de quoi ils parlent, on aimerait en savoir plus sur les ressorts complexes de l’inconscient sans se sentir coupable à chaque seconde et, pourquoi pas, en s’amusant un peu. Justement, je vais vous parler d’un psychanalyste qui ne jargonne pas et qui écrit des livres passionnants - dont plusieurs sont consacrés aux squelettes que toutes les familles ont peu ou prou dans leurs placards. L’individu se nomme Serge Tisseron. Son itinéraire n’est pas banal : après avoir choisi, en guise de thèse de médecine, de raconter l’histoire de la psychiatrie en bande dessinée, il s’est fait remarquer - je devrais dire illustré - ... en lisant Tintin. Oui, vous avez bien entendu. En 1985, Tisseron publie un livre épatant intitulé "Tintin chez le psychanalyste". Avec humour et chaleur, il y relit les albums d’Hergé et, au fil des cases, il postule que le dessinateur a transposé dans son œuvre un lourd secret de famille, qui teinte son œuvre de manière indélébile. Sous la plume de Serge Tisseron, des personnages aussi familiers que la Castafiore, les Dupo -nt et -nd, le capitaine Haddock et son ancêtre le chevalier François de Hadocque, le château de Moulinsart et le Trésor de Rackham le Rouge prennent une dimension qu’on ne leur soupçonnait pas. Quelques années après la publication de "Tintin chez le psychanalyste", les biographies d’Hergé ont révélé le secret de famille en question et confirmé l’hypothèse de Tisseron. Notre homme ne s’est pas arrêté là et a poursuivi son petit bonhomme de chemin en publiant une vingtaine de bouquins tout aussi éclairants, le plus souvent consacrés à ses deux domaines de prédilection - les secrets de famille et les images. Avec simplicité, il y aborde des concepts psychanalytiques qu’on pouvait croire obscurs, et les illustre par les histoires simples et vraies de gens comme vous et moi. Dans "Secrets de famille, mode d’emploi", Tisseron nous apprend comment nous héritons parfois, sans le savoir, de souffrances qui ont traversé les générations. Avec "Du bon usage de la honte", il nous explique que ce terrible sentiment a néanmoins une fonction sociale propre. Dans "Comment l’esprit vient aux objets", il révèle que les attributs les plus anodins peuvent être porteurs de symboles - tandis que "L’intimité surexposée", publié l’an dernier, nous donne à voir l’émission Loft Story sous un angle résolument original et pas du tout moralisateur. Son dernier livre en date, "Les bienfaits des images", dédramatise tranquillement tous les discours diabolisants proférés chaque jour au sujet des images en général et de la télévision en particulier. Et pour faire bonne mesure, ce grand monsieur longiligne qui ressemble un peu au Professeur Piccard a même commis deux albums de bandes dessinées très drôles intitulés "Les oreilles sales" et "Bulles de divan". Dans tous ses livres, sans se mettre en avant ni feindre la neutralité, Serge Tisseron nous fait partager son expérience et éclaire nos lanternes. Bref, j’espère vous l’avoir fait comprendre, bien plus qu’un psychanalyste, c’est un conteur dont les histoires nous font du bien.
Bibliographie :
Tintin chez le psychanalyste, Ed. Aubier, 1985
Secrets de famille, mode d’emploi, Marabout, 1997
Du bon usage de la honte, Ramsay, 1998
Comment l’esprit vient aux objets, Aubier, 1999.
Petites Mythologies d’aujourd’hui, Aubier, 2000
L’intimité surexposée, Ed. Ramsay, 2001
Bulles de Divan, Ed. Calmann-Levy-Ramsay
Les oreilles sales, Ed. Les empêcheurs de penser en rond
Les bienfaits des images, Ed. Odile Jacob, 2002 

Qui a succédé à Jules Verne ?
Chronique du 24 Septembre 2002
Jules Verne est l’un des écrivains les plus connus au monde. Ses lecteurs Américains, en particulier, le considèrent, non seulement comme écrivain de science-fiction, mais quasiment comme le premier du genre, et il lui ont depuis rendu régulièrement hommage dans la réalité (le premier sous-marin atomique fut baptisé Nautilus) comme dans la fiction (dans Retour vers le Futur, Doc Brown, le savant illuminé, baptise ses deux fils Jules et Verne). Il est vrai que ses romans anticipaient de manière plausible l’exploration sous-marine, le voyage dans la lune, la télévision, les machines de guerre volantes et j’en passe.
Chaque époque a son Jules Verne. Au cours des années 60, les Américains ont trouvé le leur en la personne d’un scénariste de télévision nommé Gene Roddenberry. Roddenberry avait été pilote pendant la guerre et il écrivait des scénarios de western. Un jour, il eut l’idée de combiner ses deux passions (l’aviation et la conquête de l’Ouest) en imaginant une série de télé intitulée Star Trek. Star Trek signifie tout simplement « Voyage dans les étoiles » et son sujet n’est rien d’autre qu’une sorte de balade dans les possibles, une sorte de tour de l’univers en 76 épisodes tel qu’aurait pu le rêver Jules Verne s’il avait vécu au vingtième siècle. L’une des choses les plus belles qu’on voyait dans Star Trek, ce n’est pas bien sûr le fait que les occupants du vaisseau Enterprise portent des combinaisons qui ressemblent à des pyjamas, mais que ce vaisseau ait à son bord, dès 1966, le premier équipage mixte et interethnique de l’histoire de l’humanité. Trois ans avant qu’un homme ne pose le pied sur la lune, il accueillait sans préjugé des hommes et des femmes, des européens, des africains, des asiatiques, des slaves et des extra-terrestres. A l’époque, ça faisait sourire mais regardez aujourd’hui, nous sommes les premiers à frémir de fierté quand un astronaute bien de chez nous grimpe dans la navette Columbia ou va taper le carton avec des russes et des belges dans la station spatiale européenne.
En dehors même de son esprit tolérant et humaniste, la série Star Trek des années 60 (il y en a eu quatre autres depuis) anticipait plusieurs appareillages assez épatants qui ont été réalisés depuis. À commencer par le communicateur de poche du capitaine Kirk, dont certains fabriquants de téléphones portables ont sans vergogne copié l’esthétique, et le lit à diagnostic médical du Docteur McCoy, dont il existe déjà des modèles expérimentaux qui prennent le pouls, la température, la pression artérielle et bien d’autres choses. De toutes les technologies mises en scène dans la série, la plus fascinante est sans doute le télétransport, qui consiste à désintégrer atome par atome les objets ou les individus pour les recomposer à l’identique à trois ou trentre kilomètres de là. Roddenberry avait imaginé le télétransport parce que c’était narrativement plus élégant et financièrement moins coûteux que de passer son temps à montrer des allées et venues de navettes entre le vaisseau Enterprise et les planètes qu’il explorait. Il n’empêche. L’idée d’un déplacement quasi instantanée a de quoi faire rêver. La question, évidemment, est de savoir si c’est du domaine du possible. Plusieurs physiciens se sont penchés dessus et ont répondu par la négative, ne serait-ce que parce que l’énergie nécessaire à la désintégration et à la réintégration des atomes d’une souris serait équivalente à celle que produit le soleil. Donc, pas de télétransport pour le moment, et sans doute jamais. Encore que : plusieurs laboratoires de recherche prétendent avoir procédé au télétransport de particules d’énergie. Si cette chronique dure jusqu’en 2025, je vous promets qu’à la moindre avancée nouvelle en ce domaine, je vous en reparle.
En tout cas, Star Trek a anticipé de plusieurs années une autre invention, bien plus pratique et bien plus quotidienne, celle des portes coulissantes. Vous savez, ces portes en verre qui s’ouvrent toutes seules quand vous vous préparez à entrer dans une gare ou une pharmacie. Eh bien, dans le vaisseau Enterprise, il y en avait partout ! Et elles fonctionnaient si bien qu’à l’époque, ça impressionnait beaucoup de monde, car leur technologie, qui nous paraît aujourd’hui si naturelle, n’était pas du tout maîtrisée dans la réalité. Un jour, un fabriquant de portes envoie deux de ses ingénieurs au responsable des effets spéciaux de Star Trek pour lui demander son secret. « Quel genre de capteur utilisez-vous pour que la porte s’ouvre juste devant les acteurs ? lui demandent-ils. On a beau examiner l’image sous toutes les coutures, on ne voit rien. » Le responsable des effets spéciaux éclate de rire et répond : « Il n’y a pas de capteur, mais un type qui, dans les coulisses, surveille les comédiens et appuie sur un bouton pour ouvrir la porte dès qu’ils s’en approchent. Et il a intérêt à être précis, car ils y vont franchement et s’il rate son coup, eux, ils se cognent ! »

Quand un scientifique écrit de la science-fiction, qu’est-ce que ça donne ?
Chronique du 4 Février 2003
Eh bien, ça peut donner une œuvre impressionnante. L’homme dont je vais vous parler naquit en 1920 en Russie. Ses parents émigrent en Amérique en 1923 et le jeune garçon grandit à New York, dans le quartier de Brooklyn. Dès l’âge de onze ans, il se met à écrire. Son premier roman s’arrête au bout de huit chapitres, mais quand il le raconte à un camarade, celui-ci lui croyant qu’il lui parle d’un vrai livre, demande de lui passer le bouquin quand il l’aura fini. A partir de ce jour, le jeune Isaac Asimov - car tel est son nom - se dit qu’il deviendra écrivain. Après des études secondaires tout à fait ordinaires, il décroche en 1941, un diplôme de chimiste à l’université de Columbia, à Manhattan. Mais dès 1939, à l’âge de 19 ans, il a publié sa première nouvelle dans l’une des plus grandes revues de science-fiction de l’époque, Amazing Stories. Pendant les années 40, Asimov écrit un très grand nombre de nouvelles qui, assemblées en volumes, constitueront deux cycles aujourd’hui considérés comme des classiques : le cycle de Fondation, une vision des temps futurs et le cycle des Robots. Devenu professeur de chimie à la faculté de médecine de Boston, il mènera de front enseignement et activité littéraire. Asimov est surtout connu en France pour ses romans et nouvelles de science-fiction, mais on ignore souvent ici que sa production toucha à un très grand nombre de domaines. Il écrivit ainsi de nombreux essais et livres de vulgarisation scientifique, de l’astrophysique à la biologie, en passant par la physiologie du cerveau ; des essais historiques sur les Grecs et les Romains, des encyclopédies, des recueils de poésie et de textes humoristiques, des nouvelles et des romans policiers, et deux énormes guides, l’un consacré aux lieux historiques de la Bible, l’autre aux oeuvres de William Shakespeare. Sans compter les douzaines d’articles et de préfaces qu’il donna aux revues et les dizaines d’anthologies qu’il constitua tout au long de sa carrière. Sur un excellent site internet qui lui est consacré, on peut voir le graphique de ses publications. Entre 1972 et 1992, date de sa mort, il ne publia pas moins de quinze titres par an - plus de 40 pendant la seule année 1989 ! - et dix ans après sa mort, on estime que la bibliographie d’Isaac Asimov approche les cinq cents titres, tous écrits pour le grand public, tous imprégnés par un profond désir de partager les rêves et le savoir. Résolument pacifiste, ouvertement opposé à la guerre du Vietnam et au projet de « guerre des étoiles » qu’avait prôné Reagan, Asimov était un libre penseur et un humaniste. C’était aussi un homme doté d’un humour solide, et le lecteur français peut en juger en lisant sa passionnante autobiographie, « Moi, Asimov », parue chez Denoël. Il disait : « Je ne sais pas si je suis un grand écrivain, mais je suis un écrivain prolifique, et c’est tout ce qui m’importe. » A ce sujet, il raconte qu’un jour, un journaliste lui demande ce qu’il fait pour se mettre dans les meilleures conditions pour écrire ? Taille-t-il ses crayons ? Doit-il mettre ses vieilles pantoufles ou avoir bu une douzaine de café ? Asimov réfléchit un instant et dit : « J’approche mes doigts le plus près possible du clavier de mon ordinateur et, dès qu’ils le touchent, j’écris. » Et à une autre journaliste, qui demandait : « Si les médecins ne vous donnaient plus que six mois à vivre, que feriez-vous ? » Asimov répondit : « Je taperais plus vite. »
http://www.asimovonline.com
"Moi, Asimov", par Isaac Asimov, Denoël, 1996 

Quand on raconte une histoire, à qui est-ce que ça fait du bien ?
Chronique du 18 Septembre 2002
S’il est une activité qui fait des humains des êtres à part, c’est bien de raconter et d’écouter des histoires. Tout le monde aime écouter un bon conteur et tout le monde a envie, à son tour de raconter ce qu’il a entendu. Quelqu’un d’heureux en a toujours une bonne à raconter. À l’inverse, quelqu’un qui n’aime pas les histoires et ne raconte jamais rien, difficile de croire qu’il est parfaitement heureux.
Voyez les enfants : non seulement ils adorent les histoires le soir, mais ils veulent tout le temps nous raconter les leurs. Et les adolescents : quand ils voient un film qui leur plait, ils passent leur temps à se le raconter, à citer les dialogues, et même à imaginer la suite... Et ça continue à l’âge adulte. Un de mes amis, qui a mon âge, est le meilleur conteur que j’aie jamais entendu. Il n’est jamais monté sur une scène, mais quand il se met à raconter... n’importe quoi - une blague salace, ou encore le procès d’assises auquel il a assisté la semaine dernière, ou encore les trucs qu’il a entendus quand il tenait un café à la campagne - je suis scotché, et tous les copains sont comme moi, pendus à ce qu’il raconte, prêts à éclater de rire (évidemment, il raconte souvent des histoires très drôles) ou au contraire vibrants d’émotion quand il décrit la reconstitution d’un crime ou sa rencontre avec un prisonnier (j’oubliais de vous dire que mon copain croise souvent des gens qui ont eu beaucoup de malheurs ou qui se sont attirés des tas d’ennuis).
Bref, c’est bien connu, les histoires, sous toutes leurs formes, font du bien à ceux qui les écoutent.
Mais est-ce que l’inverse est vrai ? Je veux dire, est-ce que raconter fait du bien à celui qui raconte ? (Je ne parle pas du bien que ça peut éventuellement faire à son porte-monnaie...) Eh bien, on a peut-être un début de réponse. Une équipe de psychologues américains a procédé à l’expérience suivante : ils ont fait passer à toute une cohorte d’étudiants au début de leur première année de fac des tests évaluant leur équilibre psychologique, leur tendance à la dépression, leur aptitude à faire face au stress, etc. Et puis ils ont réparti les étudiants par tirage au sort dans trois groupes et les ont installés dans une salle avec une feuille de papier. Aux étudiants du premier groupe, ils ont demandé de raconter le dernier livre qu’ils avaient lu. Aux étudiants du second groupe, ils ont demandé de raconter un souvenir d’enfance. Aux étudiants du troisième groupe, ils ont demandé de raconter l’expérience la plus dure de leur vie. Les textes sont restés anonymes car l’expérience ne portait pas sur l’analyse du style ou du contenu, mais visait à démontrer l’hypothèse selon laquelle le fait de raconter une expérience pénible aiderait à la surmonter. Cette hypothèse, bien sûr, est chaque jour mise en œuvre par la parole, dans les cabinets des médecins ou des psychothérapeutes, dans les cellules de soutien aux victimes, dans les centres d’écoute téléphoniques, etc. Mais c’était la première fois qu’on tentait de montrer que l’effet bénéfique de la narration réside peut-être dans le seul fait de raconter une expérience difficile, sans nécessairement être entendu par un témoin ou un thérapeute.
Nos étudiants n’avaient personne en face d’eux, il se contentaient d’écrire. Comme on pouvait s’y attendre, ceux qui avaient pour instruction de raconter une expérience difficile en ont raconté des vertes et des pas mûres : le décès d’un proche, un accident terrible, un viol, une maladie grave, etc. Quatre ans plus tard, à la fin de leur cycle d’études tous les étudiants ont repassé la même batterie de tests qu’au début de leurs études. Qu’a-t-on découvert ? Que dans le groupe qui avait raconté une expérience pénible, ceux dont l’équilibre psychologique s’était amélioré était significativement plus nombreux que dans les deux autres groupes. Evidemment, ce n’est qu’un résultat préliminaire et il faudra faire d’autres expériences du même type pour le confirmer. En attendant, les jours où vous dérouillez, prenez donc une feuille de papier et faites-vous du bien.

Qu’est-ce que l’OuLiPo ?
Chronique du 12 Juin 2003
On entend souvent dire des trucs comme : « cet écrivain a fait partie de l'OuLiPo » ou bien « ah, lui il aimerait bien faire partie de l'OuLiPo » ou encore sur un ton très docte dans les émissions littéraires « Dites-moi, c’est très oulipien, ce roman »...
Bon, mais qu’est-ce que l’Ou Li Po (en trois syllabes) ? C’est l’Ouvroir de Litterature Potentielle, un atelier de poètes et de mathématiciens fondé en 1960 par le mathématicien François Le Lionnais et l’écrivain Raymond Queneau.
Ces joyeux drilles constatent que la littérature s’appuie sur un certain nombre de contraintes : contraintes de vocabulaire ou de grammaire, contraintes de forme (les rimes, les alexandrins), contraintes de construction (les chapitres des romans, la règle des trois unités - de temps, de lieu, d’action - dans la tragédie, par exemple) etc.
Ces contraintes formelles, loin d’être stérilisantes, sont productives, disent les OuLiPiens. Et ils réhabilitent le lipogramme, texte qui évite soigneusement d’utiliser une ou plusieurs lettres de l’alphabet. Ainsi que le palindrome, mot, phrase ou texte comme « Laval » ou « ressasser », qui peuvent se lire dans les deux sens, de droite à gauche et de gauche à droite.
Ou encore la boule de neige, qui consiste à écrire un texte dont les mots successifs ont un nombre croissant de lettres. Par exemple : « A la mer nous avons trempé crûment quelques gentilles allemandes stupidement bouleversées (Jacques Bens). » Etc. Des contraintes, ils décident aussid’en inventer de nouvelles, parfois mathématiques et combinatoires, comme l’a fait Queneau dans son « Cent mille milliards de poèmes », parfois non.
L’une d’elles, que l’on nomme le S + 7, consiste à choisir un texte et à y remplacer chaque substantif par le septième substantif qui le suit dans le dictionnaire. Un énoncé anodin et assez sinistre comme « Des prises de bénéfice ont eu lieu, aujourd’hui encore, mais les offres ont été absorbées beaucoup moins aisément que la veille. » devient alors « Des privautés de bénitier ont eu lieu, aujourd’hui encore, mais les oiseaux ont été absorbés beaucoup moins aisément que le vélocipède. », ce qui est nettement plus marrant.
Une autre contrainte, visuelle, celle-là, est la contrainte du prisonnier, qui consiste à écrire sans utiliser les lettres qui dépassent les lignes comme l, k, h, j, g, p, q...
Deux ouvrages font la synthèse des premiers travaux oulipiens, ils sont tous les deux publiés dans la collection de poche Folio, chez Gallimard : « OULIPO, La Littérature Potentielle », ed. Gallimard, 1973 (2ème édition, Folio, 1988), et « OULIPO, Atlas de Littérature Potentielle », ed. Gallimard, 1981 (2ème édition, Folio, 1988.
L’OuLiPo a suscité d’autres ouvroirs du même type, comme l’OuLiPoPo, Ouvroir de littérature policière potentielle, ou l’OuPeinPo, l’ouvroir de peinture potentielle. Bref, il a fait des petits et c’est pas près de s’arrêter.
Si les réunions de l'OuLiPo sont et depuis toujours essentiellement destinées à l’amusement des membres et de leurs invités (elles ont lieu en public un jeudi par mois à l’amphithéâtre 24 de l’Université Paris VII, place Jussieu, dans le 5e arrondissement) ses travaux, souvent très drôles, ne sont pas pour autant de simples plaisanteries.
Parmi ses membres, certains, comme François Le Lionnais, sont mathématiciens ; d’autres sont écrivains ou poètes : Raymond Queneau, Harry Mathews, Italo Calvino, Jacques Roubaud (selon lequel un texte écrit sous contrainte devrait, idéalement, parler de cette contrainte), Anne Garreta, Jacques Jouet, Michelle Grangaud ou Georges Perec, qui entre autres accomplissements, est l’auteur du plus long palindrome en français et du plus long roman lipogrammatique, « La disparition », qui parle... de la disparition de la voyelle la plus fréquente de notre langue.
L'OuLiPo n’a jamais été un mouvement littéraire, ni un séminaire scientifique, et il n’a jamais visé à produire de la littérature aléatoire car, comme le disait Raymond Queneau, il n’y a de littérature que volontaire.
Si l’on voulait résumer la quête sympathique et obstinée de ses membres (depuis les origines, ils ne sont qu’une trentaine, et même la mort ne peut pas les exclure de l’OuLiPo), elle pourrait se résumer par la définition suivante : "un auteur oulipien est un rat qui construit lui-même le labyrinthe (de mots, de phrases, de prose ou de poésie) dont il se propose de sortir".
Et leur ambition est à la fois modeste et démesurée. Comme l’écrit Georges Perec en épigraphe de son « romans » « La vie Mode d’emploi » : « Je cherche en même temps l’éternel et l’éphémère ».
Quelques lectures conseillées :
Oulipo : La littérature potentielle, Folio
Oulipo : Atlas de littérature potentielle, Folio
Italo Calvino : « Le château des destins croisés », Points Seuil
Jacques Jouet : « Poèmes de métro », POL
Harry Mathews : « Cigarettes », POL
Georges Perec : « La vie mode d’emploi », Livre de Poche ; « La disparition », coll. L’Imaginaire, Gallimard
Jacques Roubaud, « La Belle Hortense », Points Seuil ; « Le Grand Incendie de Londres », Seuil.

Quelles sont les questions qu'on ne pose jamais ?
Chronique du 4 Octobre 2002
« Les journaux parlent de tout, sauf du journalier. (...) Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il ? Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l’évident, le commun, l’ordinaire, l’infra-ordinaire, le bruit de fond, l’habituel, comment en rendre compte, comment l’interroger, comment le décrire ?
(...)
[Comment] interroger ce qui semble tellement aller de soi que nous en avons oublié l’origine ? [Comment] retrouver quelque chose de l’étonnement que pouvaient éprouver Jules Verne ou ses lecteurs en face d’un appareil capable de reproduire et de transporter les sons ? Car il a existé, cet étonnement, et des milliers d’autres, et ce sont eux qui nous ont modelés.
(...)
Décrivez votre rue. Décrivez-en une autre et comparez.
Faites l’inventaire de vos poches, de votre sac. Interrogez-vous sur la provenance, l’usage et le devenir de chacun des objets que vous en retirez.
Qu’y a-t-il sous votre papier peint ?
Questionnez vos petites cuillers. »
* * * *
Je viens de vous lire quelques extraits d’un texte de l’écrivain Georges Perec, publié plusieurs années après sa mort dans un petit recueil intitulé L’infra-ordinaire, (Seuil, 1989). En cherchant à quelle question j’allais tenter de répondre dans cette dernière chronique de la semaine, il m’est soudainement apparu qu’il y a des questions qu’on ne pose jamais, parce qu’on n’y pense pas, parce qu’on se l’interdit, ou parce qu’on sait déjà que la réponse sera difficile à trouver, qu’elle résistera, qu’elle ne se laissera pas faire. Je me suis souvenu que Georges Perec avait écrit quelque chose à ce sujet et j’ai pensé vous en faire profiter. Mais en choisissant des extraits de ce texte, je me suis demandé quelles questions je ne m’étais jamais posées, quelles questions je n’avais jamais posées. Parfois, l’important, dans les questions, ça n’est pas nécessairement d’y répondre, mais déjà de les formuler. Et il m’en est venu une immédiatement. Voilà : près de la maison où je vis, il y a une place. Sur la place, il y a un marchand de journaux, une charcuterie, une banque, une boulangerie. Entre la banque et la boulangerie, pendant longtemps, j’ai vu un homme d’âge incertain assis sur le trottoir au milieu de sacs en plastique, un homme au visage rouge, aux yeux hagards, et qui, bien sûr, tendait la main. Comme tout le monde, il m’est arrivé de lui dire bonjour et de lui donner une pièce. Comme tout le monde, il m’est arrivé de changer de trottoir ou au contraire de ne pas le voir. Comme tout le monde, il m’est arrivé de passer devant lui et d’entrer dans la banque pour prendre des billets au distributeur ou de sortir de la boulangerie avec du pain frais... Et bien sûr, je me suis souvent demandé où il dort la nuit, où il mange le jour, s’il dépense l’argent qu’on lui donne en litrons de vin ou s’il lui arrive de s’acheter du pain ou une tranche de jambon. Bref, je me suis posé des tas de questions sur cet homme, sauf une, la seule peut-être que j’aurais dû me poser depuis tout ce temps. Cette question est simple et pourtant difficile, car si je me la pose, il faudra que je la lui pose, à lui et, pour avoir la réponse, il faudra que je cesse de le regarder comme s’il faisait partie de la rue. Cette question que je n’ai jamais pensé ou osé lui poser, c’est tout simplement : Quel est votre nom ?Bientôt dans Odyssée (enfin, on espère...)

Chronique du 18 Juin 2003
Quand on donne son sang, qu’est-ce qu’on donne ?
Quelle est votre position personnelle sur le prélèvement d’organes ?
Qu'est-ce que le don de moelle ?
Où trouve-t-on des livres gratuits ?
Où se trouve Cruithne ?
La littérature enfantine est-elle sexiste ?
Pourquoi doit-on abattre les chevaux quand ils se cassent un membre ?
Qu’est-ce qui transforme un animal sauvage en animal domestique ?
Quelle est la différence entre la schizophrénie et le dédoublement de personnalité ?
Comment critiquer une affirmation pseudo-scientifique (le cancer du placenta) ?
Quelle est la place de Dieu dans le cerveau humain ?
Peut-on accéder à ses origines ?
A quoi servent les vaccins ?
Comment fonctionne le « nez » d’un goûteur ?
Tous les villages de France ont-ils une église ?
Qu’est-ce que la vie ?
Le lait est-il dangereux ?
Quelle est la taille de l’univers ?
Qu’est-ce qu’un échange équitable ?
La fessée est-elle une méthode pédagogique ?
Quel était le statut de l’Algérie avant qu’elle n’acquière son indépendance ?
Pourquoi est-il si difficile d’arrêter de fumer ?
Qu’est-ce qu’elle a donc de si particulier, cette sacrée Joconde ?
Quand a-t-on vu un OVNI pour la première fois en France ?
Que faut-il faire quand on veut être édité ?
Quelle est la différence entre génome et génotype ?
Les aveugles rêvent-ils en couleur ?
Qu’est-ce que l’endométriose ?
Qu’est-ce qu’un caméraclosiste ?
Pourquoi les chrétiens mangent-ils du poisson le vendredi ?
Peut-on voir une plaque d’immatriculation depuis l’espace ?
Qu’est-ce que le nombre d’or ?
Les animaux sont-ils latéralisés ?
Qu’est-ce qu’un hypocondriaque ?
Pourquoi le pouvoir fascine-t-il autant ?
Qui a décidé de l’écartement des rails de chemin de fer en France, en Angleterre et aux États-Unis ?
Pourquoi se met-on en colère ?
Comment entre-t-on dans une secte ? (Et comment en sort-on ?)
Pourquoi le coq est-il l’emblême de la France ?
Pourquoi est-ce que les adolescents s’ennuient ?
Qu’est-ce que l’impuissance féminine ?
Qu’est-ce que la loyauté ?
Pourquoi les Français confondent-ils leur système judiciaire avec celui des Américains ?
Qu’est-ce qu’une injonction paradoxale ?
Quand est-ce que les bébés voient ?
Pourquoi les cheveux blanchissent ?
Faut-il soigner la ménopause ?
Comment JS Bach a-t-il fait pour pondre tout ça ?
Pourquoi les flamants roses dorment-ils sur une patte ?
Les OGM, c’est bon ou c’est pas bon ? Et pourquoi ?
Pourquoi ne faut-il pas recongeler un aliment surgelé ?
Est-ce qu’il fait de plus en plus froid en France ?
Qu’est-ce qu’un point de côté ?
Cerveau gauche et cerveau droit : quelle différence
Qu’est-ce qu’un médecin à problèmes ?
Qu’est-ce que la dyslexie ?
Qu’est-ce qu’on n’apprend pas à l’école ?
D’où vient la mesure du temps ?
Qu’est-ce qu’un enfant précoce ? Et un enfant surdoué ?
Aujourd’hui, en France, a-t-on le droit de stériliser une personne handicapée ?
Y a-t-il un autisme ou des autismes ?
Qui sont les Roms de Roumanie ?
Que se passe-t-il, chaque été, à Cerisy-la-Salle ?
Qu’est-ce que la satire ?
Qu’est-ce que le prix Darwin ?
Pourquoi, quand il y a de l'orage, dit-on qu'on ne risque rien dans une voiture ?