Jean-Pascal Dubost / monstres morts
(extraits)

retour remue.net

 


Jean-Pascal Dubost © Phil Journe

les textes ci-dessous sont extraits de Monstres Morts,
Obsidiane, 2004.

on a déjà accueilli Jean-Pascal Dubost sur remue.net pour Fondrie (éditions Cheyne, Grands Fonds, 2003, et voir cette page pour présentation par Guénaël Boutouillet, plus bibliographie).

Guénaël Boutouillet est membre du comité de rédaction de remue.net, et travaille à la Maison Gueffier, lieu d'écriture créé par le Théâtre du Manège à la Roche-sur-Yon - contact ou courrier Jean-Pascal Dubost possible via le site.

 

présentation de Monstres morts, par Guénaël Boutouillet

« On avance dans l’écriture dans une sorte d’à rebours » (phrase de Jean-Pascal Dubost, saisie au vol, comme ça, passant.)
On avance dans l’écriture de Jean-Pascal Dubost dans un autre à rebours, cette écriture qui, autonome, se déchiffre devant vous comme lue à voix haute, d’une voix d’ailleurs.
Lisez la phrase, son beau mouvement elliptique, phrase complète, fermée —belle, étrangement. Sa vigueur, cette façon de claquer, d’en drôle de stupeur nous balancer (en robuste lumière) ; son indicible dit ; ceci amalgamé vous la fait relire — pour voir (« c’est passé si vite, on a rien vu »). L’effet en écho est le même, plus fort — plus fort, et donc : ni plus le même, ni simple écho. Diable, c’est étrange. Étrange autant d’y revenir, à sa phrase-geste, envolée parvenue à terme (le geste accompli, suspendu, du sportif), et d’y rester, parfois, longtemps, immobile, saisi par ce geste qui claque (un insecte, assommé). Ces textes inédits creusent encore cet épais terreau double (langue, mémoire). Vont chercher loin, trop — et brûlent (insecte, de chaleur assommée).
(Des monstres morts alors,et qui montrent et remontrent — et nous disent.)

Cet automne, Jean-Pascal Dubost ne chôme pas, même s’il prépare le jardin pour l’hiver — et c’est du boulot, ça, déjà, non des moindres. Il a entamé, le 1er octobre, une résidence de deux mois à la toute nouvelle Maison de la poésie de Rennes (47, rue Armand-Rébillion ; 35000 Rennes), inaugurée le 2 octobre. Dans ses projets, il y a bien sûr de faire le lien « entre les deux maisons », de Rennes et de Nantes — car à l’hyperactive maison de la poésie de Nantes il a aussi ses habitudes : il en est vice-président et y anime régulièrement débats et rencontres, comme lors du festival « Midi-minuit », le samedi 9 octobre 2004 à l’espace Paul-Fort/Pannonica. (au programme, notamment, Michel Thion et Alfred Spirli, Annelyse Simao, une rencontre avec les éditions Prétexte …(http://www.maisondelapoesie-nantes.com)
Il ne chôme pas non plus sur sa page, l’animal Jean-Pascal : sa résidence est accompagnée d’une commande de textes de bars, à Rennes, recueil qui s’appellera « nerfs » (au vu de son écriture et des Dix monstres qu’on vous offre, on ne peut s’empêcher de penser que ça lui va bien, ce substantif) ; il y a aussi sur le feu deux manuscrits, dont une tentative de récit, qu’on attend avec impatience. Et ces Monstres morts, si vifs, à déguster, en attendant de déguster sévère à la sortie du livre, cet hiver.

Guénaël Boutouillet

autres liens et ressources
les Découvreurs de poésie à Boulogne-sur-mer
présentation sur site Printemps des Poètes

Dix monstres morts »
(extraits de « Monstres morts », par Jean-Pascal Dubost, Obsidiane, 2004).

 

 

POÈME

On n’entre pas ici comme dans un moulin –

DÉTOURNE ET MENS

Fus frappé de vers après molt assauts en ô, ruades en ah soupirantes et molt essais de saute-saute mouton sur l’extrême des phalangettes, le rusé je goupille contre le souvenir d’un sévère et crayeux magister une ocieuse occupation, et maintenant, saligaud, tu oses : homme lige, toujours, tu chériras ta mère !

LE POÈME

Une fois les fées tuées morphée morfle et grèvent et crèvent donc les restes éveillés mouches à ruban mortes et piérides des Quatre Chemins qui dans la compagnie des partis toisent qui va là va là dans la palanquée de p. qui commencent à me courir sérieusement sur le haricot –

LES ÉMOTIONS

Je prends garde à ce mot-là-haut qui remonte à la gorge, aux yeux, c’est baderne, on n’engorge nos vers pas avec et c’est chouïa chiourme de jongleries personnelles et de guilleris folâtres et ça manque d’x à la fin qui l’abolisse gentiment n’en fasse que mot ni souffrances et dictionnaire des rimes pour motion de censure et japyx et larix et strix et pnyx pour que pas d’é –

POÈME SANS TITRE DE GLOIRE

Je montre à chacun comme il l’entend d’y lire que mes figures contrefaites ne font pas mille cinq cents pages, ni plusieurs volumes, ni mille cinq cents signes, ni l’affaire d’un prologue avec ponts sur la grandeur du temps, ou l’explicit d’une ampleur conquérante sur le souci est-ce qu’à la mort tout s’assouvit ?

BALLADE

Je n’irai pas me complaindre et mes plaisantes paroles sont éteintes (nous arrivions comme une plume sur l’eau dans mon short aux Quatre Chemins) ; et le frais joli langage ou beau discours ou les paroles peintes (nous arrivions comme une plume sur l’eau dans mon short aux Quatre Chemins) ; car rude suis, devenu, comme un paysan tourné par soleil et picrate après labour (nous arrivions comme une plume sur l’eau dans mon short aux Quatre Chemins) ; et que tout enrouillé d’ennui me voilà –

D’UN POÈME DE SYLVIA PLATH

Une guerre de sécession d’indépendance fratricide en poème colossal gicle d’un oignon coupé puis de l’index essayons d’une pomme de terre grosse et ronde et tubéreuse et couverte d’yeux attaquée l’économe au clair et bravache ce jour familial et dominical (l’odyssée est courte) mais de cette pomme de terre ronde n’y a d’autre que clac –

ÉMOTIONS II (OU SUITE) (OU VAR.)

Et raouste tout pleur d’heures et les avis de nuages et mes Tristes que je, il nous en faut nom de dieu du verbe avec chair d’absente et plutôt que cœur choisis son ersatz, qu’elles n’alourdent la phrase, les émotions, qui lui vont comme des guêtres à un pied de lapin –

COMPLEXE

Né sans avoir dans la bouche en or aucunes phrases de grande largeur et de grande langue, latine ou grecque ou françoise ou française, ni d’opéras mais avec des disques d’or repassés les jours de grande laverie (du Seigneur) me voilà bien gros ballot va qui sur son chien de grabat se rumine ça, et fais des montagnes de tout mot, que dans la boiterie faut que c’y proteste contre –

LES LIVRES

Môme approximatif, je paraphrase des phares, ours frappé d’une incunable mélancolie, pas de dieux rendus me souffler sur les langes, ou y alors éternuant, je m’affame d’eux jusqu’y perdre mon latin de dépendances ah je fais des sauts de grenouille mal bottée dedans je me momifie –