remue.net, le bulletin

le mercredi 30 juin 2004

au sommaire

le livre de la semaine : Adorno, une biographie ___ remue.net asso : un nouveau président pour l'asso, et compte-rendu de l'assemblée générale ___ vie du livre : un CRL à quoi ça sert , et si on réfléchissait à échelle nationale? ___ prix Louis Guilloux attribué à Catherine Lépront ___ à l'affiche dans les blocs remue: nouveaux sites, et l'actu littérature ___ mention spéciale: handicap et fraternité, concours de poèmes à la Ligue des droits des l'homme.

retour sommaire

 

le livre de la semaine: Adorno, une biographie

L'actualité éditoriale autour du philosophe Theodor Adorno continue d'être très riche. La sortie de la traduction française (par Bernard Lortholary) de la biographie de Stefan Müller-Doohm confirme un nouvel intérêt français pour le philosophe de l'école de Francfort.
Sobrement intitulé Adorno, une biographie , l'ouvrage est précieux à plus d'un titre. En établissant cette biographie avec une très grande rigueur et une documentation très pointue, Müller-Doohm trace également le parcours intellectuel, historique et politique d'une vingtième siècle aussi riche que cruel. Né en 1903 (un 11 septembre) et mort le 6 août 1969, Adorno a vu, vécu, participé et analysé avec une très grande puissance les grands événements de la modernité.
Cette biographie vient confirmer et rompre en même temps l'image un peu rude du philosophe allemand. Sa rigueur intellectuelle est incontestable. Mais le regard de Müller-Doohm permet de mesurer les nombreuses facettes du personnage. Il contrarie toute tentative qui enfermerait trop rapidement cette pensée dans un portrait monolithique. A la fois passionné par la musique, la littérature et les idées (celles de la philosophie, de la sociologie ou de la politique), Adorno ne rompt avec aucune d'elles. Il les tisse et les prolonge dans une écriture philosophique dense et complexe qui s'expérimente tout au long de sa vie.
On ne trouvera dans cet ouvrage aucune de ces révélations scandaleuses qui enthousiasment l'époque, sinon peut-être le goût d'Adorno pour la série télévisée américaine Daktari . En revanche, on comprend au fil de la lecture que ce sont les amitiés qui structurent le parcours d'Adorno. Tout au long de l'ouvrage, on croise Berg, Kracauer, Benjamin, Horkheimer, Thomas Mann ou Samuel Beckett. Tous déterminent des évolutions décisives dans l'existence d'Adorno. On lira avec un intérêt particulier les pages consacrés à l'échange entre le maître Berg et son élève Adorno, incapable de choisir entre une carrière de compositeur et celle de philosophe (on comprend qu'il ne tranchera jamais). La grande collaboration entre Thomas Mann et Adorno au sujet de la genèse et de l'écriture du Docteur Faustus est également passionnante à lire. Elle montre l'accomplissement oblique d'Adorno dans la littérature (l'autre grande affaire du philosophe).
Müller-Doohm a également l'intelligence de remettre dans leur perspective historique et critique certains aspects laissés dans un flou douteux. Il revient avec une très grande force de conviction sur une des plus belles amitiés de ce siècle, celle d'Adorno et de Benjamin. Il tord le cou aux rumeurs distillés par Hannah Arendt après le suicide de Benjamin et s'en prend aux critiques souvent injustes autour de la postérité de Benjamin portée par Adorno. C'est bien lui qui a assuré l'édition, la diffusion et la connaissance de Walter Benjamin. Il fait également le point sur les allégations liées à la postérité du Docteur Faustus , rappelle avec précision et élégance l'incompréhension première d'Adorno face à la montée du nazisme jusqu'à son exil anglais puis américain. L'évocation de cette période (les années trente et quarante) est sans doute la plus riche car elle permet de comprendre les renversements intellectuels d'Adorno et la mise en place des concepts les plus denses de sa philosophie.
La richesse de cet ouvrage ne permet pas d'évoquer ici l'amitié avec Beckett, la rencontre ratée avec Celan mais ajoutons une mention spéciale pour les années soixante et le récit et l'analyse de la mécompréhension grandissante entre une jeunesse activiste, nourrie par les lectures de l'école de Francfort et la réserve du philosophe face à ce que de l'autre côté du Rhin on appelait l'engagement. Une seule réserve pourrait être faite à ce livre indispensable : la place de Gretel Adorno. Elle sera restée dans l'ombre de son mari malgré une activité déterminante pour lui. Stefan Müller-Doohm met trop peu en lumière cette place essentielle et cet amour discret qui ne supporta pas la disparition de celui qui apprit à « penser contre soi-même ».
pour remue.net, Sébastien Rongier

retour sommaire

remue.net association, 3ème assemblée générale

Nous étions plus de quarante, vendredi 25 avril, pour le rendez-vous annuel de l'association liée au site. Bien sûr un pot fraternel, on commence à se connaître, mais une vraie séance de travail, avec les perspectives techniques, la répartition des tâches, le rôle et les orientations du site. Et un nouveau président pour l'association, Ronald Klapka succédant à François Bon. Et un site en bonne santé grâce à ce travail collectif depuis un an, qui reste ouvert bien sûr à d'autres collaborations, d'autres amitiés... Compte-rendu photo, nouvelle page asso, on rend compte de tout cela sur le site, et la liste [asso] réservée aux adhérents complètera. On prépare notamment sommaire juillet de la revue en ligne.

retour sommaire

un CRL à quoi ça sert ? élargir le débat

Si en Languedoc-Roussillon le pouvoir politique s'est arrogé le droit de trancher sans débat, la vague suscitée par l'arbitraire de cette décision est devenue un événement national. Evidemment, c'est plus simple dans les régions qui (je n'en vise aucune, non non) ont décidé par exemple que leur politique de communication culturelle c'était leur logo à la fin d'un long métrage, et tant pis si rien pour le livre. Mais dans la carte nouvelle de la décentralisation, ces instances régionales sont appelées à un rôle d'amplitude croissante, y compris en Île-de-France où le projet CRL est à l'étude. Entre l'implication dans la vie du livre, via les bibliothèques, la formation, et le soutien à la librairie de création, l'appui aux éditeurs en région, et la question tout aussi importante du dialogue avec les créateurs eux-mêmes (oui, les auteurs ça existe), le coup d'éclat du Languedoc appelle l'ensemble des acteurs de la chaîne du livre à poser publiquement une définition un rôle et les charges de ces instances souvent jeunes, et éventuellement leur donner cadre légal. Notre réaction il y a quelques mois à l'opération devenez écrivains soutenue par la région Pays-de-Loire ne doit pas occulter le plaisir que nous avons à lire la revue Encres-de-Loire qui y est publiée (et téléchargeable). Cette réflexion nous concerne bien évidemment. Nous joignons donc à ce bulletin le texte rédigé par les directeurs de deux Centre régionaux du livre, Sylvie Bénard du CRL Basse-Normandie, et Dominique Bondu (par ailleurs trésorier et membre fondateur de remue.net) du CRL Franche Comté.
F Bon

POUR LE DEVELOPPEMENT DE POLITIQUES PUBLIQUES RÉGIONALES
EN FAVEUR DU LIVRE
À TRAVERS LES CENTRES RÉGIONAUX DU LIVRE.

Sans nier les singularités de chaque région et exiger une homogénéisation des politiques régionales en faveur du livre, il est urgent que les CRL définissent une plate-forme commune, fédératrice, en posant quelques principes communs, garants d’une politique cohérente en faveur du livre sur tout le territoire français. De plus, cette plate-forme vise à pouvoir jouer le rôle, ô combien nécessaire aujourd’hui, d’un point d’appui commun, d’une référence partagée, à laquelle chaque CRL peut s’adosser pour promouvoir et développer des actions pertinentes dans chaque région.
Une analyse de la situation générale en France nous paraît en effet rendre désormais indispensable l’activation d’une telle plate-forme fédératrice, réunissant les CRL prêts à défendre ces principes.
Tout d’abord, nous assistons aujourd’hui à un processus de concentration accélérée dans le champ de l’économie du livre. Cette concentration, à travers des absorptions, des fusions, des rachats, des regroupements, conduit à l’émergence de groupes dominants dans les domaines de l’édition, de la diffusion, de la distribution du livre. De même en est-il pour la librairie : les librairies indépendantes se trouvent de plus en plus confrontées à la concurrence avivée des groupes, des chaînes et des grandes surfaces. C’est ainsi que la création littéraire et sa chaîne de diffusion se trouvent aujourd’hui fragilisées et que le risque subséquent d’un appauvrissement de l’offre devient réel.
Ce contexte général appelle la mise en place d’une politique volontariste et énergique du livre, visant à protéger et développer la petite et moyenne édition, ainsi que des structures de diffusion indépendantes qu’il est urgent de réinventer.
Pour des raisons de compétences, d’échelle de territoire et de tradition, une telle politique doit se développer au niveau de chaque région, avec le soutien des collectivités locales, au premier rang desquelles les Régions, ainsi que de l’Etat. Véritables fers de lance des politiques publiques en faveur du livre dans les régions, les C.R.L. constituent les organismes adéquats pour la mise en oeuvre de programmes d’actions cohérents et inscrits sur le long terme.
Précisons toutefois qu’une politique régionale du livre signifie que la région constitue un territoire de proximité, qui est une échelle adéquate pour l’action. Elle ne doit pas consister à légitimer et soutenir de façon prioritaire et exclusive les particularismes locaux et régionaux : le régionalisme ne constitue qu’un domaine de la production littéraire, qui doit être soumis aux mêmes exigences de qualité et de portée universelle que n’importe quelle autre production littéraire.
Enfin, comme pour toute politique culturelle, les CRL doivent bénéficier d’une large indépendance dans la mise en oeuvre de leurs actions. En effet, si les Régions et l’État doivent contribuer à la définition des grandes orientations stratégiques de ces structures culturelles, nous ne saurions accepter ensuite qu’ils fassent de l’ingérence dans nos programmations respectives. Chaque CRL doit être à même de développer une action ample, sur son territoire régional, défini comme territoire stratégique d’intervention, grâce à la définition d’un cahier des charges clair déterminant les grands axes de son action. Il s’agit de s’en tenir à un point de vue strictement professionnel de promotion du livre. Cela implique un engagement clair des pouvoirs publics dans chaque région, pour permettre l’essor d’une telle politique volontariste dont l’enjeu est à la fois culturel et économique. D’ailleurs, il y va là d’un nouvel élan de la décentralisation culturelle.
L’action d’un CRL vise au développement de la vie littéraire et intellectuelle, ainsi que de l’économie du livre, en région.
Le développement de la vie littéraire et intellectuelle implique de soutenir, accompagner, promouvoir, valoriser la création littéraire, correspondant à une exigence de qualité, grâce notamment au développement de rencontres littéraires, de manifestations multiples, ainsi qu’à l’aide aux créateurs (résidences d’écrivains, bourses de création). L’action du CRL doit consister à proposer et rendre accessible le meilleur à tous les publics sans discrimination. “L’élitisme pour tous”, expression empruntée à Vitez et Vilar, n’est, de ce point de vue, pas du tout anachronique. Le C.R.L. poursuit un rôle éducatif, en s’attachant à informer et former sur la création littéraire et intellectuelle contemporaine, tous les médiateurs du livre, que sont les enseignants, libraires, bibliothécaires, animateurs d’associations culturelles, et en permettant à toutes les catégories de public, sans exclusive, d’accéder à une offre diversifiée et de qualité. Nous savons en effet qu’en matière de culture, c’est l’offre qui crée la demande, et non pas l’inverse. Il s’agit donc bien ainsi de partir de l’amont de la chaîne du livre et non pas de son aval. En revanche, il ne s’agit pas de vouloir “cibler” des catégories de public a priori, en suivant leur demande, mais bien de tout mettre en oeuvre pour diffuser auprès du plus grand nombre et de faire vivre, sur tout le territoire régional, la création littéraire et intellectuelle.
L’épanouissement de la vie littéraire, l’essor d’une offre diversifiée et de qualité supposent le développement de l’économie du livre en région. Aussi, les C.R.L. doivent-ils pouvoir intervenir sur la totalité de la chaîne du livre.
Il s’agit de développer des programmes d’aides directes et individuelles à la création (écrivains), à l’édition (éditeurs), à la diffusion (structure de diffusion) et à la librairie indépendante, de mettre en oeuvre des actions collectives concertées, au sein de chaque catégorie d’acteur et de façon interprofessionnelle.
L’activation d’un tel cahier des charges suppose que chaque CRL soit à même de mobiliser des moyens adéquats : financiers et professionnels, institutionnels :
- financiers : une politique régionale du livre efficace suppose une “force de frappe” suffisante, pour produire des actions susceptibles d’avoir des effets levier sur le développement des acteurs du livre. Cela suppose que chaque Région mobilise, au sein du budget culture, des crédits suffisants dédiés au livre ; il serait désastreux que les politiques culturelles s’orientent exclusivement vers le champ socioculturel et/ou un “social-divertissement”,
- professionnels : en tant qu’opérateurs chargés de mettre en place une telle politique régionale du livre, les CRL doivent de se doter des compétences techniques et du professionnalisme leur permettant d’avoir une maîtrise de toute la chaîne du livre, depuis la création littéraire jusqu’à la diffusion des oeuvres et l’animation de la vie littéraire et intellectuelle d’une région.
-institutionnels : quelle que soit leur forme juridique, qui au fond importe peu (de toute façon, les CRL sont des opérateurs des politiques publiques, en concertation avec les professionnels d’une région), les CRL doivent être dotés de la légitimité institutionnelle pour pouvoir développer une action efficace auprès des professionnels du livre de chaque région. Dans ce sens, il serait utile que, moyennant disposition légale, ils puissent avoir la possibilité de reverser, à partir de leur budget propre, des aides aux tiers (libraires, éditeurs, associations, auteurs, etc.).
Ces quelques principes, fondateurs d’une plate-forme commune aux CRL, sont les garants d’une politique publique régionale en faveur du livre dont nous espérons que la légitimité n’est plus remise en cause, tant la situation des professionnels du livre est alarmante.
Sylvie Bénard, directrice du Cente régional des Lettres de Basse-Normandie
Dominique Bondu, directeur du Centre régional du Livre de Franche-Comté

retour sommaire

prix Louis-Guilloux à Catherine Lépront

Parce que c'est Louis Guilloux, parce que c'est Saint-Brieuc (où on visite toujours la petite chambre de l'écrivain, avec ses livres et ses cahiers), et d'un jury atypique (auquel participent notamment Michel Le Bris et Yvon Le Men), le prix Louis Guilloux définit comme une famille. Heureux qu'il soit décerné cette année à Catherine Lépront pour ses Gens du Monde.
FB/RK

retour sommaire

littérature sur web, actu actu

Contexte juridique mouvant et optimisme limité, nous devons être vigilants et intervenants sur toutes les questions touchant à la juridicisation et la mémoire d'Internet, en particulier via la logie Odebi et les travaux de la BNF ___ nouvelle édition du festival de La Baule écrivains en bord de mer, avec la complicité des Nantais de Joca Seria ___ on n'y peut rien, même avec plus de 4000 pages html en ligne, remue.net est bien loin de refléter la création contemporaine de langue française, par exemple on n'a pas encore de dossier Patrick Laupin, parlons-en cependant ___ mise à jour des pages Antoine Emaz et Jean Echenoz ___ nouveau site, celui de l'ami Martin Winckler, un site qui lui ressemble, bouillonnant et réflexif ___ actualité poésie (Europe / Yvan Goll, Corti et divers) par Ronald Klapka ___ et quelques balades textes/photo pour expérimenter en tant que media neuf l'Internet, avec Dominique Hasselmann (direction gare de l'Est), François Bon (Beaux-Arts Paris), Patrick Rebollar (journal littéréticulaire, depuis Tokyo/Nagoya) et Philippe De Jonckheere (bloc notes du Désordre) ___

retour sommaire

mention spéciale: handicap et fraternité
concours de poèmes avec la Ligue des droits de l'homme

Suppose
Que je sois une fleur
Et que je n’aie plus de pétales
Et que je sois différente des autres
Alors j’espère que tu m’arroseras
D’AMOUR.

la Ligue des Droits de l'Homme organisait son concours de poésie sur le thème handicap, fraternité
compte rendu par Philippe Rahmy, membre du jury, avec de nombreux extraits des textes

retour sommaire

remue.net, la rédaction

le bulletin remue.net a été transmis le mercredi 30 juin 2004 à 1242 abonnés

 

infos, courrier, changement d'adresse ou désabonnement : nous écrire