remue.net, le bulletin

le samedi 20 décembre 2003

Mary Lester au tribunal, justice rapide à Brest

 

Attendu que rien n’interdit à un écrivain de s’inspirer d’une affaire judiciaire particulièrement exceptionnelle au regard des aspects psychologiques et sociaux qu’elle révèle et de livrer au public sa propre vision des caractères et des circonstances qui en font le ressort ; –
Tribunal de Grande Instance de Paris, 9 décembre 2002

 

On commence à voir apparaître de telles réflexions dans les "attendus" qui font jurisprudence, et c'est peut-être un vague rayon de lumière à l'horizon, tant pour nous, écrivains, l'exercice de la littérature ne peut être séparé de l'explication avec le monde.

On écrit avec le dehors qui nous environne, l'énigme des hommes, l'esprit des lieux.

Mais, dans le droit français, celui ou celle qui "se reconnaît" dans le livre est habilité à demander réparation quand bien même personne d'autre que lui ne serait en état d'en établir le lien.

Ceux qui, comme je le suis, lisent depuis longtemps Jean Failler, voir sa biographie, ses romans de trame policière très libre mais où chaque fois l'héroïne récurrente, Marie Lester, est immergée dans ce que nous aimons tous de la Bretagne parfois la plus secrète, parfois la plus moderne ou la plus touristique, ceux-là savent que le plaisir même de la lecture est lié à cette proximité du réel, et au dévoilement de ce qui organise souterrainement ce réel.

La seule loi, la loi principale du roman, pour faire illusion, est de passer pour vrai. Tout notre travail de reconstruction, d'invention, l'explication personnelle qu'on a avec soi-même on enlève à la fin les échafaudages, et le récit doit produire l'illusion qu'on a affaire au monde réel. C'est vieux comme la littérature, vieux comme La Poétique d'Aristote.

La multiplication de poursuites judiciaires, ces dernières années, a laissé peu d'entre nous à l'écart. Et c'est la même ambiguïté toujours recommencée, salissante et usante.

Prenez connaissance en détail du dossier de l'affaire Jean Failler. Je n'ai pas hésité, pour ma part, à signer la pétition de soutien.

Et si c'est l'occasion pour vous d'aller respirer l'air de Bretagne via On a volé la Belle Etoile ou Les Gens de la rivière, vous serez vite très loin de ces miasmes.

François Bon, le 19 décembre 2003.

 

 

 

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