poésie, pas poésie ?
on résiste de plus en plus à la notion de genre et les divisions qu'elle installe, quand toute écriture qui compte relève de la phrase de Kafka: "la littérature est assaut contre la frontière" - et en particulier les frontières de genre : "être avec ce qui sur soi l'emporte", écrivait André du Bouchet -

une anthologie de poésie contemporaine francophone : "poèmes à dire"
on y trouvera donc un certain nombre de proses, et, sous l'emblème ce "poèmes à dire", un parcours via Artaud, Gherasim Luca, Desnos, Pierre-Albert Birot, mais aussi Valère Novarina, Bernard Noël, Jean-Luc Parant, Christian Prigent, Serge Pey, Armand Gatti ou Christian Gabrielle Guez-Ricord: le livre finit avec Valérie Rouzeau - livre à mettre entre toutes les mains, et ne chipotons pas sur les choix ou les absents - oui, la poésie est un domaine vivant, dense, où se joue toujours l'atelier essentiel de la langue (c'est en Poésie/Gallimard, présentation et choix de Zéno Bianu) - de belles pistes d'ateliers lecture...

À opposer au monde ce cri je suis toi comme pour le commencement, toi
Comme pour la fin, comme ce qui nous parle de ce renoncement, toi étreinte
Enfin dans la lumière du doute et de la mot, le silence à nouveau et toi
Christian Gabrielle Guez-Ricord

Alain Duault / Où vont nos nuits perdues
des blocs nus de mots sans majuscules, disant le corps, ne rechignant pas aux rythmes longs, à l'afflux d'une langue violente : parmi tant et tant d'amas de livres indécents à force de rien, on reçoit ça comme de reprendre confiance - Alain Duault est membre du comité de rédaction de la revue Po&sie -

Où vont nos nuits perdues nos solitudes nos terreurs. Où vont
Les plus lentes les histoires qu'on se racontait pour l'espoir
Ou la première fois que l'une a lu sur ma peau la si profonde
Peur ou bien vont-elles encore au désir comme les loups qui
S'assoient sous la lune et leur appel est pire que l'autre.

Europe / L'ardeur du poème
On pourra trouver sur le site de la revue, à l'adresse: http://www.ateliernet.org/europe/, la quatrième de couverture et la liste des contributeurs du numéro de mars 2002 de la revue Europe: "L'ardeur du poème".
Ce titre magnifique, le résumé des intentions du numéro, la liste de noms illustres sont loin de rendre compte de la richesse de cette livraison de la revue dirigée par Charles Dobzynski (je souhaite mentionner sa très belle note de lecture des derniers livres d'Ariane Dreyfus, et au passage les bonnes feuilles du prochain: Je ne le dirai plus sur le site de la librairie Sauramps: http://www.sauramps.com/manifestations/cahier26.pdf) Jean-Baptiste Para et André Velter, risquent dans le liminaire"L'ardeur du poème" une ouverture à tonalité transhistorique sur poème et sacrifice, pour un ensemble à vocation résolument transnationale. J'isolerai(s) quelques articles (il y en a une quarantaine entre une et trois pages):
-Inger Christen: La soie, l'espace, la langue, le coeur: "A partir d'un mètre de soie on trouve l'espace infini" (Lu Ji)
-les poèmes lapidaires de Rainer Kunze
-Poésie, existence et mort d'Antonio Gamoneda
-divers entretiens avec: José Angel Valente, Wislawa Szymborska, Dürs Grunbein
Il est bien évidemment scandaleux de restreindre cette liste. Pour me faire pardonner, puisqu'un "Cahier de création" est réservé à la poésie italienne, en guise de conclusion cette "Didascalie pour la lecture d'un journal" de Valerio Magrelli:

PETIT ECRAN
La loi morale en moi,
l'antenne parabolique au-dessus de moi.

des sites nouveaux
Jacques Réda : site créé par Jean-François Duclos, déjà quelques textes de fond, sur Réda ou de Réda, comme l'étude qu'il avait consacrée à Pierre Michon dans "Compagnies de Pierre Michon", Verdier, épuisé -
<http://membres.lycos.fr/jfduclos/index-reda.htm>

Jacques Ancet : auteur discret, mais important, par exemple de l'Incessant, ce site est à l'image de son auteur, beaucoup d'énigme, beaucoup de beauté (pour une fois, du flash réussi) - mérite vraiment la visite, autant pour le travail de Jacques Ancet que pour le rapport texte - image très réussi
http://membres.lycos.fr/jacquesancet/contenu/accueil.htm


repertoire de poésie : à ce qu'on en sait, c'est une bibliothécaire de Bordeaux qui s'y colle, de façon anonyme, et à l'intention des collègues de sa profession - le site est en construction, la page "auteurs" par exemple est encore vide, mais on y trouve déjà quelques chemins virtuels - à soutenir -
<http://repertoiredepoesie.free.fr/>

signalons enfin, on l'a fait sur le site, que la 15ème semaine de poésie à Clermont-Ferrand a procédé chaque jour à une mise en ligne de ce qui s'y passait, et c'est un beau bilan - textes de Charles Juliet, Abdellatif Laâbi, Patrick da Silva, Ariane Dreyfus, Georges-Emmanuel Clancier etc...r
<http://www.auvergne.iufm.fr/actualite/Semaine%20de%20la%20Po%E9sie/Poesie2002/accueil.htm>

la page liens de remue.net est constamment tenue à jour, en particulier en ce qui concerne les revues de poésie, passez-nous voir de temps en temps (plus de 1500 liens extérieurs depuis remue.net)
<http://www.remue.net/actu.html>

on rappelle sur remue.net les mises en ligne récentes de poésie : chroniques de Ron Klapka sur Henri Maldiney et André du Bouchet, de Jean-Marie Barnaud sur Yves Bonnefoy, Philippe Rahmy sur Jacques Roubaud, un entretien avec Philippe Beck et un dossier Jacques Dupin

et cadeau de la maison
André Markowicz, traducteur de Dostoievski, Tchékov, Haarms, Pindare et le meilleur traducteur actuel de Shakespeare, a un but et un loisir, depuis longtemps : traduire Pouchkine - cette traduction est inédite

... Je me retrouve
Dans ce recoin de terre où j’ai vécu
En exilé deux ans passés sans trace.
Ce fut voici déjà dix ans — et tout
Aura changé, ou presque, dans ma vie,
Et moi aussi, soumis aux lois communes,
J’aurai changé, mais, ici, à nouveau,
L’image du passé s’offre à mes songes
Et, semble-t-il, j’errais hier encore
Dans ces forêts.

Voici la maisonnette,
Notre refuge, à ma nourrice et moi.
La pauvre n’est plus là. Je n’entends plus
Ses pas traînants et lourds dans l’autre chambre,
Ni son ménage sourcilleux.

Voici
Le bois sur la colline où je venais
M’asseoir, figé sur place, et regarder
Le lac, en repensant, la mort dans l’âme,
A un autre rivage, à d’autres vagues.
Entre les champs dorés et les prairies,
Il étend largement ses teintes bleues.
Un pêcheur, traversant ses flots affables,
Laisse flotter, attachés à sa barque,
Ses filets faibles. Deux ou trois villages
Peuplent ses bords en pente douce. Au loin,
Un vieux moulin tordu tourne à grand peine
Ses ailes dans le vent.

A la frontière
Du domaine ancestral, à cet endroit
Où le chemin commence à s’élever,
Raviné par les pluies, trois pins se dressent
(Le premier à distance des deux autres).
Je passais à cheval, au clair de lune,
Leurs cimes familières, chuchotantes
Me saluaient. Et lorsque, aujourd’hui même,
Je me suis retrouvé sur ce chemin,
Je les ai vus, à nouveau — inchangés ;
J’entends toujours leur bon chuchotement,
Mais près de leurs racines déjà vieilles
(Où tout, jadis, était désert et nu),
Une futaie nouvelle a pris racine ;
On dirait un foyer où les buissons
Tels des enfants, se pressent. Mais, tout seul,
Au loin, leur sombre camarade semble
Un vieux célibataire — et son terrain
Est aussi nu qu’avant.

Je te salue,
Peuple nouveau, peuple inconnu ! Un autre
Verra ton âge mûr et ta puissance,
Quand tu dépasseras mes vieux amis
Et cacheras aux yeux des voyageurs
Leur chef chenu. Mais que mon petit-fils
T’entende chuchoter la bienvenue
Quand, revenant d’une visite heureuse,
Plein de pensées chaleureuses, légères,
Il passera, dans la nuit noire, et il
Se souviendra de moi.
1835.

ce lundi 18 mars 2002, nous souhaitons la bienvenue au sept centième abonné du bulletin remue.net, il s'agit de Laurence Murphy, qui vit entre New York et Philadelphy... nous rappelons que les informations de la liste [asso] sont réservées aux 121 adhérents de remue.net association
François Bon, Ronald Klapka et la rédaction de remue.net
http://www.remue.net

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