côté
site complément au dernier bulletin : je soulignais, à propos des Lais de Marie de France traduits et présentés par Françoise Morvan chez Librio l'évidence que le traducteur est écrivain, et j'ai pourtant omis de signaler que l'extrait cité des "fragments" de Walter Benjamin avait été traduit par Christophe Jouanlanne et Jean-François Poirier cause trop de travail, on s'est résolu
à une mise en ligne
progressive de la revue: cela va donc continuer d'évoluer les
prochains jours - mais vous y trouverez déjà des extraits
consistants, de Bernard Noël à propos d'Artaud (avec l'autorisation
de Fusées, qui lui consacre son n° 5), de Jacques Laurans à
propos de son "L'ombre pensive de Kafka" chez Théètète,
de Pierre Bergounioux, Jean-Paul Goux et Philippe de la Genardière
à propos des 3 premiers livres édités par CRL France-Comté
et le Musée des techniques comtoises qui les a invités dans
ses usines et mines, et un dossier consacré à Dominique
Sorrente
et pour inaugurer notre note de lecture, rien moins que Nathalie Quintane (répétons que son Saint-Tropez, chez POL en avril dernier, enterre de très loin tous les goncourt médicis et autres renaudot interalliés machin trucs trafiqués, même si Marie NDiaye - Rosie Carpe, Fémina - et Chloé Delaume - Le cri du sablier , prix Décembre, sauvent l'honneur d'un système de plus en plus caduc) - Nathalie Quintane présente "Amer Eldorado" de Raymond Federman... la note de lecture est bien sûr reprise dans la page revue (sur les 230 entrées quotidiennes du site, la page revue en accueille 80 à 90...) plutôt que de transmettre leurs invitations à rencontre (tout le monde n'a pas l'ADSL, nous avons baissé le régime des envois...), nous ouvrirons bien volontiers cette note de lecture aux amis libraires F B et la rédaction de remue.net
la note de lecture, proposée par Nathalie Quintane Une sombre histoire, celle des déboires des éditions Stock au début des années 70, a privé depuis presque trente ans le lecteur français dun récit à tout le moins inédit dans sa manière de faire un sort à une histoire qui en porte des millions: celle du jeune Raymond, fuyant Paris in extremis en 42 pour ne pas quil y ait, ainsi quil le dit, une savonnette de plus dans la famille, devenu, de lautre côté de lAtlantique, Frenchy, parachutiste par hasard (il aurait préféré être Frogmen, homme-grenouille, ce qui lui vaut lorsquil lavoue une volée de plaisanteries radicales) dans la 82° Airborne, basée en Caroline du Nord. Un éditeur allemand, Weidler Buchverlag*, vient donc de publier une deuxième version de Almer Eldorado de Raymond Federman, sensiblement différente de la première, parue en 1974, plébiscitée par une partie de la presse de lépoque et qui figura sur la liste du prix Médicis. Federman transforme un livre où toutes les ressources de la mise en page étaient convoquées en une expérience (décriture, de lecture) hyper-typographiée. Resséré en colonne avec larges marges à droite et à gauche, revu à laune des possibilités informatiques, le texte subit une accélération généralisée, le parti pris vitaliste, dynamique et concret, déjà patent en 1974, saffichant ici dans un flux dinventions typographiques qui forment autant de plastiques de lhumour. Soumis à ces sautes de vitesse (correspondant souvent aux sautes dhumeur du narrateur-personnage) et à des flash back/flash forward incessants, le récit du périple de Frenchy avance paradoxalement au millimètre: le temps de lécriture, tailladé et chaviré (--- voilà la clef de notre récitation saute-mouton ! / LE SURSAUTEMENT/ nimporte où-ici et là-à volonté-un peu partout/ HOP-HOP-HOP), déplace le lecteur chaque fois là où il ne croyait plus être, faisant de lui le ballotté par excellence, tel que ce rôle fut amorcé chez Diderot (cf les Il ne tiendrait quà moi... de Jacques le Fataliste); sauf à signaler que dans Amer Eldorado, le lecteur, en nombre et bataillons divers et variés, se venge, ne cessant à son tour dinterrompre le conteur, de lassommer à force de questions déplacées et déplaçantes, figure à la fois fantomatique et précise (monsieur élégant sans aucune émotion, petit merdeux haussant les épaules, pompier secouant la tête avec incrédulité, grand maigre avec lunettes, etc) qui finit par contaminer de son improbabilité le héros et auteur même. A limage de cette narration en cabrioles et gambades, le lexique est lui aussi travaillé de lintérieur par deux langues parlées en simultané: des morceaux de francaméricain (un glossaire a utilement été ajouté à la version 2 du livre) infusent le texte, rendant incroyablement physiques les scènes, spermatiques il est vrai, de jazz à Détroit (Frenchy assistant à la naissance du Be Bop) ou des rencontres amoureuses (Frenchy la nuit dans la neige sauvé par une belle dame). Amer Eldorado est donc le récit malmené dun malmené adressé à dautres malmenés. Il ny a guère que Maurice Roche à avoir conduit si loin et de main de maître un humour dépris de sa gangue discursive. Federman pense à vue et nous par lui. Il est temps: 1. que Amer Eldorado 2 soit correctement diffusé en France, 2. que Double or Nothing, premier roman paru aux Etats-Unis, soit traduit et édité en France, 3. que Federman, connu en tant quécrivain américain et largement célébré en Allemagne, le soit aussi dans son pays natal. On peut se procurer Amer Eldorado 2 (320 pages) contre 25 Euros chez Weidler Buchverlag Lübecker http://www.weidler-verlag.de Nathalie Quintane sur remue.net http://www.remue.net/cont/quintane.html le site de Raymond Federman : http://www.federman.com/ |