ateliers d'écriture : l'écriture d'invention et l'enseignement Véronique Breyer : quelle écriture
d'invention?
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Véronique
Breyer, écrivain, enseigne dans l'académie de Versailles
- sur page ateliers, un autre texte sur écriture
et enseignement, paru dans Libération en octobre 2000
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Quelle écriture dinvention ? Tentative de mise à plat dun débat.Le débat actuellement en cours sur le site de François Bon me semble contenir un certain nombre de malentendus Pour ma part, je ressens le besoin de remettre quelques éléments à plat. Parce que, précisément, lenjeu est tellement important, quil ne faut pas se tromper sur les termes du débat, les questions à poser/se poser, les possibles réponses à apporter aussi. Cest à partir des différents aspects de mon engagement et de mon travail que jécris le texte qui suit : une tentative dapproche personnelle des multiples facettes des questions qui peuvent se poser à nous aujourdhui ; une tentative aussi de mise en continuité des problèmes que pose la pratique de lécriture au collège avec ceux que me semblent devoir poser les propositions faites autour de lécriture dinvention par Alain Viala. Jenseigne au collège et suis depuis dix ans au moins impliquée dans de multiples actions autour des ateliers décriture. Je suis écrivain. Jai fait partie dun groupe denseignants qui, dans lacadémie de Versailles, a formé aux nouveaux programmes de collège, au travail en séquences et aux divers contenus quil proposent. Jai coordonné pendant trois années consécutives lAtelier Annuel dEcriture : dabord à la BPI du centre Georges Pompidou, puis à la MGI (Maison du Geste et de lImage) puis à la BNF. Jai animé le stage dit " de suivi " de lAtelier Annuel dEcriture , stage destiné à réfléchir à la possibilité dintroduire des pratiques décriture différentes dans les classes. 1. Quest-ce que lécriture dinvention , selon Alain Viala ? Je mintéresserai, essentiellement, aux propos contenus dans lentretien donné à lEcole des Lettres et je retiens trois déclarations dAlain Viala, qui doivent être lues avec attention parce quelles représentent un lieu de confusions et de déceptions possibles: Déclaration n° 1 : " ( ) nous avons cherché à favoriser une approche active du cours de français, ce qui suppose de ménager une place suffisante à la possibilité décrire, de parler, de produire des textes. Si lon veut que lélève comprenne ce quest un genre ( ) la meilleure façon de faire en sorte quil sapproprie ce genre, cest de le lui faire pratiquer, donc de faire en classe de la production de textes dinvention. " Déclaration n°2 : " Nous souhaitons faire une place bien établie à des espaces permettant la création de fictions, dans des ateliers dexpression artistique : lécriture y entre de plein droit. ( ) Dans le cours de français, par ailleurs, le texte dinvention ne revient pas à transformer chaque lycéen en un petit romancier ou poète méconnu assassiné. Le but est de prendre conscience que textes à consignes, écriture à partir de modèles, transformations de textes, parodies, pastiches, reconversions, permettent de faire apparaître des protocoles décriture. ( ) Ce sont des choses qui se pratiquent mais qui nont pas de légitimité institutionnelle. Dans le préambule, nous disons bien quil sagit aussi de légitimer des pratiques existantes, qui, on la vu, étaient fructueuses et qui ne bénéficient pas dun statut légitime, qui sont donc un peu marginales. " Déclaration n°3 : " Les horaires étaient déjà serrés dans le cadre précédent, ils sont à nouveau serrés dans ce cadre-là, je suis daccord. Cette difficulté, je ne dis pas quelle est résolue, je dis simplement que, en rédigeant ces programmes, nous avons essayé den tenir compte. " Lécriture dinvention, telle quelle est ici définie, a certainement le mérite de casser la logique qui régit depuis longtemps maintenant la progression qui va du collège au lycée : plus on avance, plus on privilégie largumentation, comme lindiquent clairement les textes officiels : " -en 6 : identifier le pôle narratif et le pôle argumentatif ; lire, produire, étudier diverses formes de récit ; sentraîner à lexpression orale dun point de vue argumenté ; - en 5°-4° : pour le pôle narratif, poursuivre létude de la narration et développer celle de la description ; pour le pôle argumentatif, aborder létude du discours explicatif ; - en 3° : pour le pôle argumentatif, étudier les principales formes dargumentation ; pour le pôle narratif, enrichir la pratique des formes de récit. " On voit bien ici le moment de la bascule et comment il sopère. Point nest besoin de grands discours : progressivement, largumentation devient primordiale, en préparation au lycée, lieu-même de largumentation. Lécriture dinvention veut se situer en continuité avec le collège, où ce type décriture aurait droit de cité. Les propositions dAlain Viala, sans aucun doute, sont dans la continuité de cette problématique Revenons à nouveau sur les textes officiels du collège. Lisons ce qui est dit des " productions écrites " : " Ayant étudié le principe de la description en mouvement, il le réutilise pour rédiger un court paragraphe argumentatif ; ayant analysé un discours explicatif destiné à un spécialiste, il le réécrit en sadressant à un néophyte ; ayant observé les effets de sens permis par ladoption dun point de vue dans un texte, il reprend ce texte pour faire varier le point de vue et les effets de sens. De la sorte, une véritable appropriation lui est proposée, dans un mouvement qui part de la lecture pour aller à lécriture, et qui sappuie sur lécriture pour revenir à la lecture. " Cette problématique, quelle est-elle ? Cest, en fait, plus une problématique mécaniste quune problématique dinvention. Je voudrais revenir ici sur les constats que la pratique des exercices proposés au collège permettent de faire. Et dire que cest cette même problématique qui est pour le moins peu satisfaisante qui me semble devoir être mise en place au lycée, avec le même aveuglement sur les possibilités offertes par lappropriation grâce à cette idée de mise à jour de modèles qui seraient repérables et, de ce fait, facilement reproductibles. Il ny a là rien de facilement reproductible. Il ny a là non plus pas de quoi transformer labsence de lien entre la littérature et les élèves : écrire selon des modèles ne crée pas de liens. Les nouveaux programmes de collège prennent en compte les apports de la linguistique, de lanalyse des discours. Ils sont issus de la recherche pédagogique initiée, entre autres par la revue Pratiques ou par des personnes comme C.Oriol-Boyer. Cest-à-dire tous ceux qui se sont élevés dans les années soixante-dix contre la logique de limitation, contre lidée que lacte décrire serait lié à une inspiration, à une imagination créatrice qui serait en chacun de nous. Pour eux, idée communément admise aujourdhui, écrire ; cela sapprend et cela se réfère à un ensemble de techniques. Dès lors, la démarche du pédagogue sen est trouvée clarifiée. Cest cette clarification qui apparaît dans les nouveaux programmes de collège. Cest elle qui apparaissait déjà dans les programmes de LEP quelque temps auparavant puisque les problèmes sy sont posés très tôt de manière aiguë. Désormais, il devient possible de travailler par objectifs puisque les objectifs peuvent être fixés. Lessentiel des questions que va se poser lenseignant se trouve du côté des moyens à utiliser pour atteindre ses objectifs. Autrefois, la logique imitative était à luvre et reposait sur un implicite culturel et stylistique. Aujourdhui, écrire, cest prendre conscience des outils utilisés pour écrire, être capable de les réutiliser. Cest partir dun domaine reconnu pour parvenir à un domaine reconnu. La seule " entrée " possible dans lécriture semble se situer dans lextériorité, condition a priori de lacquisition de " compétences ". Au collège, la notion centrale est celle de " maîtrise ". Et il apparaît quenseigner la maîtrise dans lécriture, cest sadresser à un élève que lon considère comme un réceptacle vide : le sens nest pas en lui, ne peut venir de lui. Il vient de lapplication de procédés quil se doit dutiliser. On ne se pas préoccupe de len-deçà: le lien quil faut créer entre lécriture, la lecture et la personne. Le lien, celui qui crée lenjeu, est souvent absent. Sous peu, cette analyse va pouvoir sappliquer à lécriture dinvention du lycée, à ceci près que les élèves qui sont au lycée, déjà " triés " vont peut-être mieux y réussir que les élèves de collège. Mais, sur le fond, le problème sera identique puisque " le but est de prendre conscience que textes à consignes, écriture à partir de modèles, transformations de textes, parodies, pastiches, reconversions, permettent de faire apparaître des protocoles décriture. " La mise à jour de " protocoles décriture " me semble léquivalent de la notion de maîtrise au collège. Si cette extériorité dans lécriture a des effets plus que néfastes auprès des élèves dont le milieu socio-culturel est défavorable, elle sera aussi , et de toute façon, un obstacle à lécriture et au plaisir décrire pour la plupart des élèves, dont limplication se trouvera confinée dans les marges. Paradoxe de cette démarche qui à se vouloir tellement démocratique empêche une grande majorité délèves dentrer dans lécriture. Combien denseignants consciencieux, soucieux de la réussite de leurs élèves, se heurtent à léchec alors quils font au mieux, réfléchissent, se donnent du mal pour essayer de relever le défi. Mais nous touchons ici aussi à la question plus large de la dévalorisation globale de lécrit et de la littérature comme espace de liberté et de pensée. Il faut à nouveau affirmer haut et fort que lécriture est une pratique de création , qui implique lexistence dun sujet de lécriture, lexercice dune pensée ? Lécriture est un devenir, une recherche. Une découverte progressive de lécriture. Et lélève mis en position de recherche écrit un texte qui a sur lui-même un effet personnel différent de celui quil aurait eu sil avait écrit comme " élève-vide-qui-maîtrise ", au collège et bientôt comme " élève vide qui imite " ou qui parodie ou qui pastiche, ou qui connaît " des protocoles décriture ", au lycée. Le plaisir décrire est lié à cette position : être sujet de lécriture. Cela signifie : être doté dune expérience, dune culture livresque ou non, dun corps, exister aussi dans sa constante capacité à mettre en mots tout ce ce qui nexiste pas déjà dans les mots, capacité qui concourt à la transformation de soi, comme toute activité de mise en mots, de pensée donc. Lécriture alors se doit dêtre une pratique continue, qui demande du temps. Le temps quil faut pour donner la possibilité à chacun de sancrer dans cette relation intime quil entretient avec tout ce qui lhabite de connu et dinconnu, pour lui et pour les autres, de rencontrer des formes personnelles, de les penser. De trouver son écriture. Dêtre placé dans un rapport intérieur à lécriture. Je poursuivrai en indiquant que je suis frappée par le caractère assez flou de la réponse donnée à la question posée sur le temps dévolu à lenseignement du français. Cest dautant plus intéressant quau collège aussi, cest la question primordiale qui se pose. Cest parce que le temps nest pas suffisant que lon est conduit, contre son gré, à adopter des logiques qui sont pas fructueuses. Enfin, quil me soit permis de faire remarquer que la simplification des sujets de réflexion ou danalyse des textes littéraires qui apparaissent au baccalauréat va de paire avec labandon de la possibilité de la pensée parce quelle va de paire avec un refus de donner du temps à la mise en uvre dune pensée qui se cherche. 2. Le sujet dinvention " Lécriture dinvention " permet lexistence du " sujet dinvention " qui, tel quil est présenté, avec toutes les difficultés à le définir clairement, sont pour moi un indice très pertinent qui permet de comprendre de manière encore plus patente le lieu de la confusion. Ce sujet est défini comme une " écriture dinvention ", " une production écrite selon une consigne explicite à partir dun ou plusieurs éléments du corpus ". Deux écueils, signalés par Alain Viala, pourraient empêcher la bonne mise en place de ce sujet : lenfermement dans des critères très précis dévaluation donc dobjectifs décriture et la mort de linvention. A linverse, labsence de critères précis qui pourrait conduire à une inconsistance totale de lexercice proposé. La forme que prend ce sujet explique pourquoi, par la suite, on se retrouve dans une impasse docimologique. Le sujet dinvention est, en effet, une belle injonction paradoxale. Dun côté, un terme qui définit lexamen, dun autre celui qui recouvrirait la possibilité de linvention. Dun côté, des critères dévaluation liés à des objectifs pédagogiques : adéquation entre la demande et ce qui est écrit, établissement nécessaire de visées préalables, dun autre côté, ce qui ferait référence à une pratique créative. Il nest pas possible, si lon y réfléchit trente secondes, daboutir à autre chose quà une impasse Les écueils ainsi définis par Alain Viala, de même que sa conclusion, qui va pour finir dans le sens dun plus petit dénominateur commun et qui finit par vider lexercice de tout contenu, me semblent significatifs de la confusion réelle qui régit la définition même de lécriture dinvention telle quil la propose. Sensible à lexistence des ateliers décriture, des pratiques décriture différentes il pense, certainement de bonne foi, comme ses déclarations le montrent, quen introduisant lécriture dinvention dans le cursus du lycée, quen introduisant le sujet dinvention au baccalauréat, il va permettre à un cours de français " actif " dexister. Pourtant, il me semble, de fait, demeurer dans une problématique qui est loin de recouper celle de lécriture dinvention telle que je la conçois lorsque jutilise le terme datelier décriture ou lorsque François Bon utilise le terme décriture dinvention. Il sagit, de fait, de deux réalités très différentes, qui nont, me semble-t-il que très peu de choses en commun mais quil faudrait faire exister conjointement, dans leur contradiction. 3. Lécriture dinvention dans latelier décriture Lécriture dinvention sexplique par la pratique datelier. Quest-ce, en effet, quune pratique datelier ? Il me semble quelle peut se définir de plusieurs manières différentes et, même si cela semble en revenir au B-A BA des choses, ce retour mapparaît, aujourdhui nécessaire. Car je pense que cest parfois par la mise à plat dune pratique que lon parvient au cur des problèmes qui se posent. 1. Existence de partenaires : enseignant, élèves, écrivain ; ou bien : élèves et enseignant qui acceptera et pensera, dans son enseignement, dadopter des postures différentes. 2. Espace et temps particuliers, dune certaine manière paradoxaux : choix dun lieu différent de celui de la classe ou classe organisée différemment. Temps défini comme étant autre : temps de la recherche, et non temps de la réponse. 3. Partage dexpériences : celle dun écrivain et/ou celle dun enseignant écrivant avec celle des participants qui écrivent. 4. Existence dun chur, celui des participants/élèves, à lécoute participative des textes lus. 5. Ouverture : latelier est le lieu de linattendu, il ne sagit en aucun cas dobtenir un résultat précis issu dun modèle attendu. Corrélatviement, lattente est du côté du multiple, non pas de lun modélisant. 6. Recherche : Cest sur cette dernière donnée, primordiale selon moi, que je souhaite insister. La pratique de lécriture en atelier est une pratique de recherche. Elle demeure ouverte et cest parce quexiste cette ouverture quexiste la dynamique de latelier. Cest elle qui rend possible limplication du sujet dans lécriture. Cette pratique de recherche a beaucoup à voir avec le temps : sil y a pratique de recherche, cest quil y a temps de la recherche et, dans le meilleur des cas, espace spécifique à la recherche. Jinsiste. De même, lorsque François Bon indique quil est possible dévaluer ce qui se passe dans un atelier décriture, il indique des critères dévaluation qui sont internes à une pratique dont la particularité est de sexercer dans le temps. La temporalité dune recherche nest pas la temporalité dun examen. De même, des critères dévaluation de François me semblent " endogènes " : ils sont internes au processus quil met en place et, en ce sens, sont une part intégrée de ce que jappellerais la démarche dinvention. Cest ce qui fait leur pertinence. Apparaît ici une grande différence avec ce qui me semble laberration principale du " sujet dinvention " : il est le plus totalement exogène au sens où, bien évidemment, il ne fait partie daucun processus suivi de recherche et, une fois de plus, cela met bien en lumière la très grande différence des deux démarches. A priori donc, je dirais que les logiques denseignement ne sont pas des logiques dinvention et que, précisément, pour que linvention continue d exister, il faut la garder dune logique denseignement, spécialement dune logique qui serait évaluative dans un sens pédagogique : objectifs précis à atteindre en termes de savoirs précis et de savoir-faire. Je reprendrai ici les propos de F.Bon : " ( ) latelier ou lécriture dinvention cest une attention à provoquer et construire lélève à la proposition préalable (en tout cas, pour lintervenant, cest bien linstant le plus délicat de latelier, celui qui exige le plus de préparation fine, dengagement dans linstant), une capacité progressivement éduquée à se saisir des chaînes de possibles évoqués ou frôlés. Il y a aussi la capacité à lécoute et au retravail, limplication corporelle dans la lecture à haute voix, et comment le texte fonctionne en tant que capteur sensible ou capteur du monde. En donnant ainsi une suite de paramètres partiels à lévaluation continue, des comportements hétérogènes peuvent être valorisés. " 4. Conjuguer des logiques différentes Présenter ainsi les choses pourraient faire penser que nous sommes dans deux logiques opposées et inconciliables. Il me semble, en fait, quil sagit dune contradiction positive et quil faut faire, simplement, exister les deux logiques dans le cadre de lenseignement. Une logique de recherche doublée dune logique dacquisition de savoirs et de savoir-faire, posée en termes dobjectifs. Bien sûr, cela nest pas aussi simple que tel que posé en ces termes. Il y a de lacquisition du côté de la recherche Il y a de linvention du côté de lacquisition des savoir-faire Simplement, et je rejoins ici pleinement ce quécrit Bruno Tackels, nous ne sommes pas sur les mêmes plans, pas non plus dans les mêmes strates Latelier pourrait être défini comme le lieu du passage, de la transmission dune bibliothèque contemporaine, le lieu aussi du rapport à une expérience particulière : celle de lécriture dinvention, que jappellerais plutôt celle de la recherche ouverte décriture. La classe pourrait être définie comme le lieu dun autre type dacquisitions ou plutôt dacquisitions qui se font sur dautres plans. Des circulations entre ces deux pôles peuvent et doivent être être organisées. Et cest cela qui importe : garder à chaque part sa spécificité pour que chaque part apporte et concoure à lexpansion de lécriture et de la lecture, à " lexpansion de la personne " . Un dernier point me semble important et relativement " évident ": il ne faut pas chercher à aligner des pratiques évaluatives, qui, de toute façon, ne peuvent pas être alignées. On laura compris, le sujet dinvention ne mapparaît pas comme le bon moyen de défendre lécriture dinvention. Il faut en revenir au point de départ du débat. Lécriture en atelier est une pratique à défendre. Elle met en uvre des pratiques de transmission dune expérience particulière de création quil me semble ne pas devoir être confondues avec des pratiques denseignement qui sont des pratiques de transmission de savoirs et de savoir-faire. Je repense ici à lAtelier Annuel dEcriture et à lorganisation du " stage de suivi " destiné aux enseignants qui voulaient penser leurs pratiques en liaison avec leur expérience dans ces ateliers, stage de suivi quil fallait parvenir à inscrire dans le PAF Jai vécu des situations un peu étranges. En effet, ce stage, il mapparaissait quil devait être inscrit dans ce qui était alors la rubrique " Action Culturelle " Mais je suis enseignante il devait donc être inscrit sous la rubrique dite " disciplinaire " puisquil nétait pas pensable quune enseignante formatrice puisse intervenir dans le domaine dit de lAction Culturelle Cela na lair de rien mais signifie, de fait, que, dans lEducation Nationale, on ne peut prétendre à exister en dehors de la stricte logique du pédagogique, celle de la didactique de la discipline. Où faire exister un atelier ? Comment évaluer une écriture dinvention ? Le stage de suivi de lAtelier Annuel décriture essayait de penser cette " contradiction positive ". Pour y parvenir, il me semblait, déjà à ce moment-là, quil était nécessaire dorganiser des modules décriture dinvention en parallèle à des séquences pédagogiques. Je retrouvais, quelque temps après, cette idée sous la plume de François Bon qui indique bien quil est possible de penser une progression dinvention. Là où mon point de vue diverge, cest quil ne me semble pas devoir exister une évaluation de lécriture dinvention qui serait partie intégrante de lévaluation scolaire. Pour moi, cette écriture doit demeurer dans une logique de recherche pour exister pleinement. Cest cette logique-même qui en fait lintérêt et qui permet le plein investissement dans la démarche. Je veux dire par là quil faudrait soit imaginer des évaluations du côté des acquis de savoirs et de savoir-faire qui prennent en compte les découvertes faites du côté de latelier, soit utiliser les critères énoncés par François au sein de latelier, à usage interne, soit les deux ! En effet, maintenir intacte la tension contradictoire des deux pôles me semble important sous peine de perdre la dimension recherche. Parce que sil y a injonction dun résultat fini de la recherche, même indirecte, que va-t-il se passer ? En ce sens, dailleurs, lidée dun contrôle continu me semble encore plus dommageable sil ne sagit pas dun "contrôle " " dinvention ". Je voudrais, à ce sujet, souligner un point qui me semble, lui aussi, très important. Lorsque jai animé, il y a quelque temps déjà, le stage de suivi à lAtelier Annuel dEcriture, cette difficulté de mener en parallèle des activités selon des logiques différentes est apparue de manière aiguë et cela pour des raisons quil sera facile de comprendre. Lorsquun atelier décriture est mené par un duo : enseignant, écrivain, lenseignant est du côté de linstitution, lécrivain du côté de la création, même si, effectivement la synergie qui détablit en classe casse le simplisme explicatif que jutilise. Il nen est pas moins vrai que lécrivain ne se pose pas les problèmes en termes dobjectifs pédagogiques à atteindre ; il est, de fait, ailleurs. Il peut donc suivre sa voie de recherche avec le groupe auprès duquel il intervient. Si lenseignant est conduit, quant à lui, à gérer seul un atelier, même sil a des pratiques décriture créative, même sil a des convictions du côté de ce quil doit mettre en uvre dans un atelier décriture, il lui est très difficile de ne pas entendre la petite voix des objectifs, la petite voix des programmes. Lenseignant est duel et doit parvenir à gérer cette dualité. Et ce nest pas simple. La tentation est grande dorganiser les croisements , alors même quils existent, sans que lon ait besoin de les organiser. Garder louverture dune démarche dinvention , lorsquon est seul à la gérer est une véritable gageure et cela ne doit pas être pris à la légère. 5. La lutte continue Pour conclure je dirais que lentrée dans les textes officiels du terme d " écriture dinvention " me semble une très bonne chose, quelle témoigne aussi de la part dAlain Viala dune écoute et dune certaine perception des difficultés que pose aujourd'hui lenseignement du français. Mais, en fervente partisane de la pratique datelier que je suis, je ne peux être totalement enthousiaste, pour toutes les raisons que jai indiquées. Et le sujet dinvention me semble être significatif, plus que tout autre chose, dun fourvoiement très grand de la notion dinvention. Cette ouverture, car il sagit tout de même dune ouverture, il nous faut essayer de nous en servir pour relancer des actions de formation du côté de lécriture et des pratiques dinvention. Il faut pousser à lexistence des ateliers dexpression artistique qui, pour le moment, ne sont pas dotés de moyens réels. Il faut encore et toujours revenir sur la question du temps donné pour mener des activités qui en demandent beaucoup. Au risque de répéter ce qui a déjà été dit, il me semble quil aurait été nécessaire, avant tout établissement dun " sujet dinvention " : - de faire en sorte de mettre en place une vraie formation initiale et une vraie formation continue en matière datelier, ce qui éviterait aussi, ces oppositions viscérales de certains enseignants pour qui lécriture datelier est un gigantesque fourre-tout. - dorganiser, ensuite, de vrais débats entre les différents acteurs de la transmission de lécriture et de la lecture : enseignants et écrivains - de donner de vrais moyens horaires pour ne pas faire une écriture dinvention " au rabais ", pour permettre de penser en termes de complémentarité, de contradiction positive. - de repenser les textes officiels en intégrant, de manière continue, la nécessité dun rapport à lécriture dinvention, tout au long de la scolarité, car contrairement à ce qui est écrit ici ou là, il ny a pas décriture dinvention au collège : il y a, le plus souvent, mécanique décriture, seule permise vraiment par les horaires et la formulation des textes officiels |