Les chaudrons de transformation d’Isa Bordat

Un livre tout le monde sait ce que c’est, je veux dire par là que c’est tout de même un objet qui est à ce point ressassé qu’on ne puisse douter qu’il soit fait de papier, d’une couverture cartonnée ou non, et qu’il contienne de la lecture. Et lorsque l’on dit qu’il ya des bons et des mauvais livres, on entend par là que leur contenu est plus ou moins pertinent. On dira facilement que les romans de michel Houellebecq sont de mauvais livres et que la Recherche du temps perdu est un livre sublime, il est cepdnant possible que la couverture d’un roman de Christine Angot soit plus belle que celle d’un roman de Flaubert. Plus rarement on s’entendra dire que la reliure de tel livre est de bonne ou de mauvaise facture, on se plaindra d’ailleurs nettement plus souvent d’une mauvaise reliure que de vanter l’excellente façon d’une autre reliure : un livre tant qu’on en perd pas les pages qui se soucierait de sa reliure, et de son pli ?

Et pourtant il existe des livres dont la forme repense ce qu’est le livre en tant qu’objet, des livres qui s’inventent des contours différents pour mettre en valeur différement leur contenu, vous savez ces livres aux pages épaisses sur les bords desquels le lecteur est invité à tirer une languette, ce qui a pour effet de modifier le contenu de la page, ou des livres dont l’ouverture d’une double page provoque le dépliage en trois dimensions, telles les ailes du papillon qui sortent du cocon, de nouvelles formes, on trouve sutout cela dans les livres de nos enfants. Il y a les flip-books aussi, ces livres que l’on égrenne du gras du pouce et qui sont des petits cinémas portatifs.

Et puis il y a ce que l’on appele les livres d’artistes, de ces livres qui repensent la forme complète du livre, ne vous attendez plus à un objet rectangulaire fait de papier. Non apprenez ici qu’un livre peut être fait de céramique, qu’il puisse contenir des ingrédiens comestibles, contenir un miroir vous renvoyant votre image de lecteur, est-ce que la semelle usée d’une chaussure n’est pas le livre de toutes les lieux parcourues par le marcheur ? En fait si l’on veut bien y penser, un livre cela pourrait être une multitude d’objets, encore une fois pas tous rectangulaires et pas tous faits de papier.

Isa Bordat fabrique des livres depuis une quizaine d’années, et ses livres justement ont abandonné depuis longtemps l’idée de n’être faits que de papier massicoté de façon rectangulaire. Et de fait les dernies livres d’Isa Bordat sont en céramique, cette série s’intitulant les Chaudrons de transformation.

Oui, des livres en céramique. En fait des chaudrons qui comme par magie ne garderaient pas mitonés des cassoulets fumants, mais au contraire dans leur sein, des livres, des livres dans les livres, rappelant que le livre est aussi le travail, à la fois l’objet manufacturé et ce que contient le livre la pensée au travail. Imbrication du contenu dans le contenant, le contenu pouvant à son tour devenir contenant.

Un livre peut en contenir un autre, les beaux livres en contiennent souvent plusieurs.

9 décembre 2004
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