Musique et poésie aujourd’hui : entretien avec Philippe Beck (et documents)

Entretien avec Philippe Beck


Laure Gauthier : Dans un entretien accordé à Alain Veinstein, Bernard Noël dit qu’il écoute fort peu de musique car la musique le « réduit au silence » et que l’écoute de la musique « fait que le corps devient une sorte de monument consacré à la résonance ». Noël affirme une plus grande proximité du poème à la vue qu’à l’ouïe, à la peinture qu’à la musique. N’est-il pas là aux antipodes de votre analyse du poète en mélomane ? Vous dites avoir accepté la mélomanie sans vous y soumettre purement. Pour que les poèmes soient « Durs par fermeté / et contenance de musique » faut-il ce double mouvement d’écoute musicale et de résistance à son pouvoir enveloppant ?


Philippe Beck : A n’être qu’un Œil Sourd, l’œil d’un marin en somme, on risque un autre esclavage… L’être absorbant doit toujours accepter son destin d’Ulysse-Matelot. Mélomanie veut dire « passion d’interroger en laissant résonner ». Cette passion peut faire de l’auditeur une pure caisse de résonance, c’est vrai, et même le monument d’un monument. C’est pourquoi la mélomanie ordinaire est le rite réservé à ceux qui se préservent d’agir dans le monde, et qui, étant servis, oublient ou croient oublier le Chant des Sirènes. Non, l’oreille voit, l’œil écoute, etc. La musique ne peut aucunement être le contraire de la peinture, et même l’idée que l’architecture soit de la musique pétrifiée manque l’essentiel. Quand je dis que l’oreille voit, cela signifie qu’elle essaie de voir ce qu’elle entend. Inversement, l’œil entend ce qu’il voit : il y a un rythme de l’en-même-temps des éléments composés sur une toile, par exemple. La mutuelle résistance des sens est ce qui les met en rapport vivant. Chaque art suscite une résistance à son absolu enveloppant. C’est aussi pourquoi il n’y a pas d’œuvre d’art total, quoi qu’on dise.



L.G. : Pourquoi à votre avis la poésie et la musique écrite se sont-elles autant éloignées depuis quelques décennies en France ? Est-ce dû à des années où la poésie a versé dans un lyrisme qu’à l’inverse de votre lyrisme sec ou dur l’on pourrait qualifier de mou ? La méfiance envers le lyrisme du poème est-elle devenue une méfiance généralisée envers la musique ?



P.B. : Vous avez raison. La préférence naïve pour les arts plastiques est solidaire d’un refus non moins naïf de ce qui est désigné comme lyrisme, c’est-à-dire chant du cœur livré au temps, langage irresponsable livré à son épanchement progressif ou « expression ». Il suffit d’apercevoir que la poésie et la musique ne sont pas seulement des « arts du temps » pour comprendre : a) que la lyrique du langage, qui est constitutionnelle (on ne peut écrire qu’en faisant l’épreuve temporelle de la diction, « l’élaboration progressive de la pensée dans le discours », appartient à la poésie et à la musique, qui se déploient dans l’espace de la page, de la salle, etc. Et b) que la dissociation de la poésie et de la musique est un malentendu ruineux.



LG. Dans Poésies didactiques, la présence de la musique écrite, classique ou contemporaine, semble moindre. On y trouve un poème « La matière I » dédié à Björk. « Les humains progressent / dans la succession, / par quick, quick, slow ». Depuis Chants populaires, en passant par Opéradiques, Lyre dure jusqu’à Dictées il y a une sorte de radicalisation musicale chez vous, une poussée du sens et de la langue vers la musique classique et contemporaine dite savantes. Si le langage, comme vous le formulez dans Contre un Boileau, vit du « sémantico-mélodique » et du « sémantico-rythmique » cela s’applique-t-il à toutes les musiques populaires comme savantes, improvisées comme écrites ?


P.B. Dans Verre de l’époque Sur-Eddy (1998), il y a déjà un poème différentiel, « Jamais personne n’a dit… ». Les musiques sont différentes et, deux fois, respectivement, singulièrement, le savant se dépose dans le populaire, et le populaire dans le savant. Chaque fois, il y a risque de trahison. Cela fait qu’un musicien comme Christian Rosset déteste la chanson de variété, sans pouvoir vraiment dire où elle commence, puisqu’il aime Brassens. Il est difficile de savoir quand la musique savante commence. Bartók ne change pas seulement les mélodies populaires en musiques savantes : il les fait entendre autrement. Maintenant, il est vrai que j’écoute plus rarement des musiques dites populaires, de la chanson, même si j’en aime toujours, comme chacun. La mélomanie, la dépendance est plus profondément à Schumann, Brahms et alii. C’est-à-dire à des musiques qui cherchent et, se cherchant, nous cherchent. Toute musique qui nous a déjà trouvés (qui pense avoir trouvé l’humanité en chacun) est proche de la vulgarité. La vulgarité n’est que cela d’ailleurs : la certitude de connaître l’humanité. Elle trahit le bain de foule.



L.G. Dans Dictées, vous inversez l’ordre traditionnel du lien entre poésie et musique, la plupart des fois, le texte précède la musique composée à partir du poème. Vous écrivez les poèmes de Dictées sous la dictée de la musique interprétée notamment par votre fille ou à quatre mains avec votre fils, puis, retravaillez ces poèmes.

En exergue à
Contre un Boileau vous citez Schiller qui écrit que « ce qui fait l’artiste en poésie, c’est l’inconscient réuni à la pensée ». C’est une idée assez proche aussi de ce qu’écrit Kleist, autre poète qui vous est cher, dans « De l’élaboration progressive des idées par la parole ». La musique entendue par le poète permet-elle cette inconscience pensée, cette ouverture sensible qui permet à la pensée de s’articuler ?


P.B. Une question difficile de plus… Je dirai que la musique ne le permet pas plus qu’un autre art. Au moins je l’espère !



L.G. Vous avez également travaillé pour des compositeurs contemporains comme Gérard Pesson ou Maxime Mac Kinley. Les compositeurs ont-ils travaillé à partir de textes de vous préexistants ou avez-vous aussi écrit un texte pour une commande ? En quoi a alors consisté votre travail ? Dans votre collaboration avec G. Pesson notamment, pour Pastorale (opéra pour solistes, chœur et orchestre, 2006), avez-vous beaucoup écouté les œuvres du compositeur avant d’écrire vos poèmes, dans un principe qui serait proche de Dictées, donc que la musique existante du compositeur pourrait vous dicter un poème ?

La collaboration avec des compositeurs contemporains tout comme le dialogue avec d’autres compositeurs a-t’-elle modifié votre écoute de la musique contemporaine voire votre perception de ce qui fait signe vers le chant dans vos propres poèmes ?




P.B. Les cas sont différents, même s’il y a des points communs. Pesson a lu Dans de la nature et a souhaité me rencontrer pour que j’écrive le « livret poétique » de ce qui ne s’appelait pas encore Pastorale. Je crois même me rappeler qu’il a un instant songé au titre Dans de la nature pour son opéra. Je ne savais pas vraiment la forme que le travail prendrait. Il a utilisé des bouts de Dans de la nature et m’a aussi demandé d’écrire des textes dont il avait besoin, comme tel « monologue froid » du Céladon de l’Astrée. Pour les écrire, j’ai parfois écouté des musiques de Pesson, mais non systématiquement ; c’était plutôt une sorte de bain… Pas une dictée. Pour son adaptation de certains des Chants populaires, créée par le Chœur Accentus, Pesson a choisi des extraits, et je n’ai pas collaboré « activement ». Avec Maxime McKinley également le travail a été à double sens : il a notamment composé une pièce à partir des « Poèmes Schaeffner » dans Opéradiques. Il a aussi adapté Dans de la nature sous la forme d’un concerto pour l’Orchestre de Montréal… sans connaître encore Pastorale ! Etrange coïncidence. Je suis certain que l’expérience de « communication » avec des compositeurs a changé la nature du poème et la perception même de la musique, mais je ne sais bien en parler. Je suis encore dans un état de dépendance ou de refus de la dépendance qui ne permet pas de bien voir comment se produisent les effets…



L.G. Tandis que les compositeurs d’opéras font, le plus souvent appel à des dramaturges ou prosateurs (Joël Pommerat, Elfriede Jelinek etc.), peu de compositeurs d’aujourd’hui mettent en musique des poètes contemporains. Cela n’a pas toujours été le cas. On pense à Debussy qui a composé des mélodies sur des textes de Paul Verlaine ou de Stéphane Mallarmé ou à la collaboration entre Hans Werner Henze et Ingeborg Bachmann. Est-il important pour vous que des compositeurs vivants travaillent également avec des poètes de leur temps ?


P.B. Sans doute. Je sens pourtant une forme d’attirance, et un respect pour le poème chez des compositeurs comme Philippe Leroux ou Frédéric Durieux, par exemple. D’autres noms sont possibles, comme Aurélien Dumont.



L.G. Votre poème l’« Oiseau-prophète » est-il une réponse à l’ « Albatros » de Baudelaire dans lequel Benjamin voyait une image de la modernité et de la perte de l’Aura. Chez vous, l’Oiseau-Prophète qui « avec des ailes-béquilles / (…) bat l’air dans l’époque » est-il une image du poète, qui, certes, est abîmé mais peut de nouveau voler ? La musique est-elle ce qui permet au poète de sortir de l’esthétique de la perte qui caractérise la modernité et de reprendre son envol, de retrouver l’enfance « malgré tout », malgré la Catastrophe ? Goethe parle, lui, au moment du Divan d’Orient et d’Occident de « Verjüngung », d’un « Rajeunissement » à propos du voyage vers le passé et l’Orient. La musique est-elle pour vous ce qu’est l’Orient chez Goethe, un mouvement qui permet cette « Renfance » qui est à l’œuvre dans vos poèmes ?


P.B. Je n’y avais pas pensé, et vous avez sans doute raison. Mais l’enfance ou la jeunesse est sans béquilles ! Les ailes-béquilles désignent aussi le fait que l’angélisme est un pis-aller. Au tunnel de l’époque, il ne faut pas prendre les béquilles pour des ailes, et le battement d’ailes du chant n’est souvent qu’une pauvre façon de brasser du vent pour avancer ou essayer. Alors, l’Oiseau-Prophète, lui, fait au moins l’expérience de l’aile conditionnelle, et du fait que la béquille n’est rien sans l’air où s’élancent des corps pensifs. Il traverse l’air où résonnent les sons qui disent le pensable. Le « prophète » est un oiseau en ce sens. Un oiseau du langage. Et l’oiseau, un prophète de l’air, un visiteur de la caverne dehors.



L.G. Peu de poètes ont publié des essais sur la musique, Mallarmé en son temps a écrit sur la musique, et vous publiez en octobre au Bruit du temps un essai, La Berceuse et le Clairon / de la foule qui écrit. S’agit-il comme pour Contre un boileau, autrement, d’un art poétique, qui tente d’élucider les liens complexes entre poésie et musique ? La Berceuse et le Clairon sont des images qui reviennent dans plusieurs de vos textes et de façon intense dans Dictées. Leur sens évoluent-ils en fonction des livres et des poèmes où sont-ils comme des phares qui éclairent une rive de pensée d’un livre à l’autre.


P.B. Il semble qu’aujourd’hui en tout cas peu de gens occupés de poésie écrivent à propos de la musique savante. Cela s’explique en général par une translation (et une exportation) du poème vers les arts plastiques. L’aimantation a lieu dans ce sens, comme si la musique dans le poème était finalement le plus dangereux ou le plus répugnant, voire le plus effrayant (il semble que Baudelaire, très conscient du problème, ait tenté de le résoudre par l’ambivalente notion de « prose musicale sans rythme et sans rime »). J’ai peur qu’à éviter la question de la musicalité des phrases (la question du rythme, malgré Meschonnic), et qu’à se choisir l’espace pour modèle exclusif (au lieu d’un espace-temps), la poésie ne trouve plus à l’arrivée qu’une « littérature de l’énoncé », pour employer une expression de Johan Faerber. Ce n’est pas le moins paradoxal, qu’une certaine haine de l’intelligence qui a conduit à préférer le champ visuel et ses prestiges ait produit une littérature de signification et non plus d’énonciation. La Berceuse etc. est un essai consacré aux dangers de la double musique littéraire : la littérature, comme la musique (et, après tout, le Chant des Sirènes, au douzième Chant de l’Odyssée, est un discours musicien, une synthèse originaire des deux arts), peut ou bien endormir ou bien réveiller et engager au combat. Deux dangers la menacent, et menacent ses proies appelés auditeurs et lecteurs : le sommeil de la raison engendre des soldats de la forme ou des soldats de l’énoncé. La Berceuse etc. est moins un art poétique qu’une sorte d’anthropologie littéraire, si vous voulez ; la tentative pour comprendre les pulsions de dire suppose l’art poétique. (D’où l’ordre de la publication, Contre un Boileau venant en premier.) Oui, il faut, en tout livre, selon les moments et les lieux, éprouver les deux modèles (la pulsion d’endormir en disant et la pulsion de crier en parlant), être conscient de leur solidarité silencieuse aussi, tenter de savoir comment l’exprimant forme les forces de ses expressions, faire attention, en somme. Rien que de très élémentaire.





Documents



« Une peau est seule »

Musique de Gérard Pesson, texte de Philippe Beck

d’après Chants populaires, poème 68, Mémoire, Paris, Flammarion, 2007, p. 196-201.


Du poème « Mémoire », les passages en noir ont été retenus par Gérard Pesson et mis en musique, Chants populaires,

Cinq pièces pour chœur de chambre a capella,
(2008).

La pièce de Gérard Pesson a été créée aux Bouffes du Nord par le Choeur Accentus de Laurence Equilbey en 2008 dans le cadre du Festival d’Automne.




Une peau est seule.

Son nom est Tambour.

Peau-Tambour

ou Tension.

Peau tendue autour de terre dure.


(Ou Modernsky ?)

Peau de brebis

Qui perd le son

Ou peau de loup ?

Tambour sonne sèchement

Comme écorce de quoi ?


Pour quels membres ?

Elle est au bord d’un lac.

Comme tambour de terre,

peau animale

sur la cave d’eau

magasin d’échos longs.

Avec violes d’amour

et cordes sympathiques ?

Aigre concert d’absents.

Et pierres monosyllabiques.

Là, Tambour trouve

un tissu blanc.


Il va dormir.

Voix prisonnière appelle.

Nuit est noire.

Ombre demande l’étoffe

oubliée.

Son texte privé.

Tambour est peinture de monde.

Avec peau d’âne

Contre vents du nord.


Nuit est la prison de la voix.

Nuit continue la Montagne de Verre.

Tambour peut quoi ?

Peau de bronze tard.

Ombre part avec un tissu.



Chemin passe Forêt.

Il y a les grands.

Au matin Tambour

avance.

Forêt est silence.

Instrument se tend,

un cylindre de guerre.

Avec frappement et raclement.

Tambour est préparé.

Il roule.

Tambour à eau

dans de la terre dure

et circulaire.

Il retend les peaux.

Les oiseaux s’envolent.

Un Grand se lève.

Comme un sapin.

Tambour décrit une armée qui arrive.

Des fourmis ?

Des marteaux plutôt.

Grand pense à l’humanité rusée.

Il a peur.

Humeur est sombre

comme fantaisie ordinaire.

Comment danser ?

Il faut la réciproque.

Grand aide Tambour.

Il donne un signal.


Des roulements descendent

d’épaule.

Tambour bat dans le cœur.

Cœur est l’instrument ?

Jambes sont des compas de forêt.

Lointain Bleu fait voir

un ensemble qui brille.

C’est le Mont de Verre

où brille une fille.


Sur la Pente,

lisse comme un miroir,

La pente Transparence,

Tambour a des pensées.

Tambour hypocrite à peau double.

Ou peau unique double.

Timbre de peau dedans.

Corde ou chaîne de pensées autour.

Comment monter ?

Oiseau a des voiles.

Tête fait des ailes (.)


ou des voiles.

Où est le bateau de l’air ?

Tambour trouve un moyen.

Tambour est en haut.


Mont de Verre est plat.

Il y a des hommes ou des bêtes ?


Vent souffle

dans les arbres et nuages défilent.

Tambour frappe à la peau

d’une porte.


Plantée dans de la terre

et peinture de la musique sur terre.

Ancienne ouvre la porte.

Elle donne des ordres.

Ou fait passer des test.

Travail est pour Tambour,

et réciproquement ?

Travail garde des sons.



Tambour dort.

Dans la nuit neuve.

Fille le garde.

Il tient les genoux.

Elle fait le travail.

D’où une brume blanche.


Le mouvement de l’eau.

Un complément au gris de monde

sous la lune.

Forêt s’ordonne.

Des bras universels coupe le bois.


Qui coupe le rêve ?

Cylindre de guerre est silence.

Il est peau d’amour maintenant.

Ou Amour ordonne une peau.


Sommeil a des limites.

Bois est rangé comme lac

a des vagues régulières (.)


il coupe les vagues et l’arrêt.

Ancienne dit qu’il faut brûler le Bois.

Fille allume le tout.


Des langues de feu semblent

toucher un ciel baissé.

Tambour ignore la peur du feu.

Organologiquement.

Feu l’ignore.

Il prend du bois dedans.

Ancienne rit, et Tambour

La brûle.

Feu dit Oui.

Fille et Tambour

vont imiter les ailes.

Transportés dans l’instant de l’air.



En ville, héros oublie

pourtant

La fiancée qui attend.

Il donne aux parents des forêts,

des jardins et des prés.

Ile faible.

Cœur se tend.

Un mariage s’annonce

à la ville d’oubli,

comme un fleuve dur.

Fiancée Oubliée à une robe

de soleil.

Que peut la robe du soleil ?

La salle est arrêtée.

Remplaçante

Aime les robes avec intensité.

Robe a un prix ?

Un prix d’amour ?

Il y a robe de lune aussi.

Faite dans le gris ou l’argent

d’une lampe de nuit.

Ou comme.

Qui est un clair de lune ?

Puis robe étoilée

semble prise à du ciel noir.

Tambour entend la voix de l’oubliée.

Il ouvre les yeux.

Un mariage est ordonné.

Avec fête sur terre.

Remplaçante a des robes

pour des larmes

dans la nuit étoilée.

Nuit est robe.

Ciel baissé a des matières.

Il est habillé par qui ?

Par la suite d’oubli.


Philippe Beck





Document sonore


Maxime Mac Kinley, « Brèches opéradiques » (d’après Philippe Beck), présenté le 7 janvier 2017 à Montréal. La pièce d’après « Musicole » (Philippe Beck, Opéradiques, « Musicole », Paris, Flammarion, 2014, p. 49-107) commence à 27’40’’ :


Lien vidéo ou mp3 peut être téléchargé ici

14 septembre 2018
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