Dominique Dussidour | La maison 16 et la dernière figure, celle qui toujours revient

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La maison 16

On a su tomber de la Terre haute vers la Terre basse…
de quel rebondissement n’est-on pas capable ?

On l’appelait la maison de la Sentence, nous l’avons longtemps appelée la maison de l’Échappée, nous l’appellerons la maison des Hypothèses. La conjugaison des temps du présent et des temps du futur, simples et composés, n’y est plus conséquence d’une extraction primitive mais entrée en douceur dans le grand aria des rêves d’envol.

La maison 16 accueille le premier pas hors du thème géomantique, elle éloigne des mères, des filles et des nièces, elle renvoie dos à dos le Témoin pour et le Témoin contre, elle laisse le jugement suspendu

elle va sur le côté
à part soi
détachée du continent des augures
île du pas-toute…

Que résout-elle ?
La maison 1 des Neuf mois et la maison 15 du Jugement.

Les lignes parallèles qui ont été relevées, décryptées, interprétées se révèlent non pas destin mais hypothèse.

En maison 16 le récit se sépare ce qui a été dit
il ne l’efface pas, il le déplace
il ne le rend pas mensonge mais proposition qu’on emportera ailleurs
sourire là-bas
où on glisse son pied afin de maintenir entrouverte la porte dérobée d’un jardin parisien…

 

             La figure dans la maison 16

             Fortuna minor arrive de là-haut en maison 2
             le mouvement de sortie du prénatal revient dans ses atours discrets de Chance mineure et se répète en sortie de thème.

             Si Via en maison 15 a paru se défiler c’est que le général se souvenait encore et toujours de Fortuna mayor dans la maison des Neuf mois

             le passage vers la maison 2 c’est ce qu’ici il réitère : le retournement hors de…

             flèches de la tête et du cœur
             élan des ventres et des pieds
             voyez avec quelle allégresse il se joue des reprises
             plus une pierre géomantique ne l’atteint
             voyez la poudre d’escampette que soulève sa course rapide… est-ce de la neige ?
             comme elle brille sous le soleil !

             Dis, que voit-on de chez toi ?
             On voit le bord du monde.



***

 

             Cher général

             me voilà bien incertaine à l’idée de vous laisser seul dans votre maison 12 du cimetière Montparnasse. C’est l’été, les branches d’acacias sont d’un joli vert de feuilles, les lauriers roses et les rosiers rouges sont en fleurs, les merlettes s’en donnent à cœur-joie, une jeune fille rêve près d’une autre qui lit un roman, un nouveau-né dort en suçant son pouce, les promeneurs érudits, amoureux vont et viennent entre les noms de Tristan Tzara, de Samuel Beckett, de Marcel Schwob qui raconta la vie imaginaire de Sufrah le géomancien, certains vous cherchent… le cœur me bat… la maison 15 vous l’avez traversée pour inscrire vos traces de disparu à la fois présent et soustrait au temps

             et toute la ville est votre maison 16…

             je regarde les maisons de votre thème réparties dans l’immensité de la Terre basse… dans chacune scintille une figure de vos voyages, vos amours, vos morts, vos crayons, vos tambours…

             c’est étrange : passer de l’une à l’autre a paru quelquefois une acrobatie… et maintenant les figures s’interpellent de seuil à seuil … on dirait que toutes se connaissent de tonalité
             de la maison 3 on tire des feux d’artifice
             de la maison 5 s’élèvent des ballons de couleur
             de la maison 9 on lance des rouleaux de papier imprimé
             des gerbes d’écume jaillissent de la maison 11…

             cet univers sémantique semblait si fragile… et maintenant un drôle de tourbillon se dessine : les maisons se rapprochent les unes des autres… les figures les disposent sans tirer à hue et à dia… ensemble… mais oui… elles forment une caravane géomantique…

             je la vois se diriger vers la Terre haute d’où elle nous est venue et un jour nous reviendra, ce ressac-là d’un jour après un jour et un jour encore jamais ne finira

             chantonne l’enfant née des sables.

18 mai 2010
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