43 Post-it de Sarah Riggs
43 Post-it de Sarah Riggs, traduit de l’américain par Marie Borel & Françoise Valéry
Février 2009, 52 pages / 6,50 euros
Éditions de l’Attente : 249, rue Sainte-Catherine - 33000 Bordeaux
Sarah Riggs, traductrice américaine vivant en France, publie aussi bien en anglais qu’en français. Aux éditions de l’Attente, 43 Post-it est son troisième livre de « formes brèves  », c’est-à -dire de textes qui nécessitent, en peu de mots, d’éviter tout autant la surcharge que l’inconsistance où peut parfois conduire un certain minimalisme – bref, de parvenir à condenser suffisamment la langue.
Pour cela, l’auteur varie les intensités en cherchant non pas tant à restituer un événement supposément originel qu’à le susciter par le poème lui-même où, dans une simplicité apparente, se mêlent souvent sensation et abstraction :
- 1 -
Je me glisse dans la peau du comptoir
et deviens une surface de pensée où
les tasses à café se reposent
Quant au titre (qu’illustre la couverture adoptant forme et couleurs caractéristiques de l’objet désigné), il renvoie d’emblée à un usage social inscrivant l’écriture dans le quotidien, voire l’intimité, ce qui suppose de savoir dépasser un horizon trop subjectif – entre autres voies, par les échos fréquents de l’Histoire :
- 5 -
J’ai fini par m’identifier au voleur du Minolta
de ma jeunesse. Ils m’ont demandé
d’identifier le Nord-Africain dans une série
de photos. Lui aussi est un fantôme de France
ou bien en faisant part d’un questionnement que l’on pourrait qualifier de philosophique :
- 31 -
Pourquoi si souvent quelque chose en nous
doit-il attendre que le mal soit fait
Enfin, le choix d’un tel protocole confronte également à la difficulté de trouver un équilibre entre ce qui reviendrait à une simple juxtaposition des textes et leur enchaînement plus ou moins clôturant. A ce propos, tout au long du livre, on peut repérer plusieurs fils conducteurs dont l’un, en partie justifié par le titre du livre, est la relation amoureuse :
- 15 -
À ton retour tu m’en diras plus
sur Aden, violente et déprimante
sur Zabid fabuleuse et sur Taiz.
Juste maintenant tu me manques
D’autres affleurent ici ou là , telle la réflexion sur l’expérience même d’écrire, cette dernière étant lucidement conçue à la fois comme une façon de (se) fixer :
- 12 -
Systématiquement on est
ancré quand on écrit
et une chute inévitable dans la langue :
- 25 -
La seule manière de tester
la solidité des courants c’est
tomber
– autrement dit par Jude Stéfan, les poèmes comme « ruines de mots résistant à la Ruine  » [1].
[1] Stances : ou 52 contre-haï-ku, Le Temps qu’il fait, 1991.